Chapitre 8

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Un combat à mort... hmm ?
Perplexe, c'était le mot pour qualifier Alix en cet instant.
Aïtu entra paniquée dans sa chambre ; un lieu qu'elle ne pénétrait pour ainsi dire jamais. Elle avait les yeux en pleurs, elle ne l'avait jamais vue ainsi.
- Tu as lu ? demanda-t-elle, la voix pleine d'émotions.
- Oui, soupira-t-elle simplement.
- Ils vont tuer Arya ?
Alix posa les yeux sur sa soeur. Elle atteignait le summum de la perplexité.
- Arya ? Je ne m'en fais pas pour elle. Si j'étais toi, je me soucierais plutôt de toi. Après tout, les combats à une main, ce n'est pas si facile, ironisa-t-elle en cillant les yeux.
Aïtu demeura silencieuse. Alix soupira à nouveau et relut le message qui avait bouleversé sa petite nuit tranquille.
- Arrête de pleurnicher, ce n'est pas comme ça que tu trouveras une solution. Selon le message, nous serons six participantes : Toi, Arya, Selen, Naith, Sha et moi. Quatre seulement ... pourront s'en sortir. Bon. Commençons par Arya, tu l'aimes, je n'ai pas d'affection particulière pour elle, mais crois-moi ton amour est une raison suffisante pour qu'elle se batte jusqu'au bout. D'ailleurs, il me semble qu'elle n'est pas si mauvaise en sport. Personnellement, je ne me fais pas de souci pour elle, comme je te l'ai dit, alors calme-toi, soeurette, d'accord ?
Comme elle ne répondait pas, Alix poursuivit :
- Stratégiquement parlant, Naith est la plus puissante d'entre nous. Il est bien possible que Kayna elle-même l'ait entraînée, et dieu merci, nous pouvons toutes êtres heureuses de ne pas à avoir à affronter cette dernière. Ensuite, il y a toi et moi.
Toi et moi.
Aïtu avait levé la tête lorsqu'elle les avait prononcés. C'était comme si soudain, leur complicité jadis perdue avait réapparu. Perplexité totale.
- Je m'en sortirai car j'ai envie de m'en sortir, déclara Alix, simplement, après un long bâillement. Toi, par contre, je ne donne pas cher de ta peau.
Elle avait été franche. Elle ne savait pas vraiment si c'était une bonne idée, mais au moins, elle avait arrêté de chouiner. Au contraire, elle avait soudain serré les poings, et Alix crut voir des flammes de détermination brûler autour d'elle.
- Je vais me battre jusqu'au bout.
- C'était ce que je voulais t'entendre dire, sourit Alix, puis elle reprit : Enfin, il reste Selen et...
- Sha, coupa Aïtu, les yeux soudain brillants d'espoir, Sha est si faible en ce moment. C'est une proie facile, même avec une main je...
- Tu ne feras rien, rétorqua Alix, qui avait abandonné sa perplexité pour une colère surprenante.
- Que veux-tu dire ?
- Je ne laisserai jamais Sha mourir, déclara-t-elle calmement.
Mais ses yeux la trahissaient ; ils étaient prêts à envoyer des éclairs. Alix ne comprenait pas comment sa soeur pouvait être aussi égoïste. Elle s'apprêtait d'ailleurs à lui dire ses quatre vérités, un rituel qu'elle accomplissait souvent, lorsque son portable vibra.

Rendez-vous à 6h devant le portail du lycée.
Amène Aïtu et Arya avec toi.
Sha



***



Ils étaient dix. Non, une centaine. Peut-être même des milliers.
Une véritable armée de monstres.
Non.
Non, pitié. Non.
- Allez-vous en ... je vous en supplie ! s'égosillait-t-elle, en vain.
Les enfants ne s'arrêtaient pas. Ils avançaient, comme au ralenti, en ligne. A chaque pas, ils semblaient redoubler de volume.
- Partez !
Elle était au sol, déjà trempée de boue et de larmes.
Elle saisit un caillou, au bout pointu, qu'elle leur lança.
Ils ne s'arrêtaient pas.
Ce souvenir goguenard éternellement scotché à leurs lèvres...
Pourrait-elle un jour l'oublier ?
- Dégagez !
Désespérée, elle ramassa une pierre plus lourde, étrangement lisse, qu'elle lança à son tour.
Rien.
C'était la fatalité.
Elle ne put que fermer les yeux et attendre la pluie de coups. On la secoua. On la menaça. On l'insulta. On la jeta au sol. Sa tête cogna.
Enfin, elle sentit s'abattre un premier coup, dans le nez.
Un autre dans le ventre.
Un deuxième.
Un troisième.
Un autre.
Encore.
Et puis...
Et puis elle entendit son nom.
Elle entrouvrit prudemment les yeux, et mourut d'envie de les refermer lorsqu'elle vit un monstre aux cheveux rouges la secouer violemment par les épaules.
- Bordel, Kayna, tu te shootes aux somnifères ou quoi ?
- N... Naith ?
- Qui d'autre ? grogna son amie, en levant les yeux au ciel.
- Qu'est-ce que tu fous là ? Et...
Elle jeta un coup d'oeil à sa fenêtre, brisée ; ses vestiges gisaient sur le sol.
- Et qui t'a permis de péter ma vitre ? S'enflamma-t-elle. Tu sais combien ça coûte, cette merde ?
- Moins cher qu'une porte.
Kayna se tut. Passer sa colère sur Naith ne lui apporterait rien. Celle-ci profita de son petit moment d'absence pour caresser son front, un geste qui lui valut une gifle de la part de Kayna. Mais Naith ne se démonta pas ; pire encore, elle mit son index en bouche et sembla réfléchir quelques secondes.
- Tu es mouillée de chaud, tu es excitée comme une puce, ton portable gît, décapité sur le sol, et enfin ta température corporelle environne les 39°... Laisse-moi deviner, encore ces maudits cauchemars, n'est-ce pas ? demanda-t-elle, un brin cynique.
- T'es gore, Naith, en fait, soupira l'autre en ramassant ce qui restait de son portable.
- Gore, non, précise, oui, rectifia-t-elle, tout en sortant l'un de ses bijoux technologiques favoris de sa pochette.
Un MAChinchose, se rappela Kayna. Lorsque l'écran se mit en route, les yeux de Naith semblèrent briller d'admiration, comme à chaque fois qu'elle utilisait un de ces bidules-là. Elle n'était pas loin de voir des coeurs sortir de ses orbites. Ca la faisait doucement rire, elle, Kayna, la brute à l'état sauvage qui ne savait pas allumer une télé, de voir sa meilleure amie s'affairer sur toutes ces absurdités. Un monde bien loin du sien, et pourtant, dieu sait combien elles pouvaient être complices.
Le jour elle était Naith, une personne plus ou moins normale, peu loquace, avec des cheveux rouges à vous en crever les yeux.
La nuit elle était Haint, le fantôme de la toile.
C'était du moins comme ça qu'elle se présentait. Bon, elle devait admettre qu'elle avait du talent, Naith, mais elle pouvait tout aussi bien l'embobiner, puisque Kayna s'avérait être une de ces personnes qui ne connaissaient pas le copier-coller.
Naith avait frôlé la crise cardiaque, lorsqu'elle s'en était rendu compte.
Elle cliquait, elle ouvrait des pages, elle en fermait d'autres, puis, enfin, elle décida qu'il était temps.
- Passons aux choses sérieuses, commença-t-elle en prenant un accent anglais qui sonnait ridiculement faux et en croisant les mains ensemble, notre lycée a toujours été réputé pour sa sécurité et sa surveillance, il est d'ailleurs numéro un dans ce domaine depuis des années dans la région.
Kayna ne comprenait pas vraiment où Naith voulait en venir, mais elle écouta, en prenant bien soin de regarder les images qui défilaient à l'écran ; celles d'un lycée serein, et paisible. Un lycée qui n'avait plus rien à voir à présent.
- Or, depuis un certain temps, une classe semble soudain s'être adonnée à la plus haute délinquance: bagarres, prostitution et... meurtres.
Elle avait insisté sur ce dernier mot de manière si dramatique qu'il avait, durant un court instant, perdu tout de sa densité tragique.
- Afin de découvrir qu'elles en sont les raisons, j'ai envoyé mes meilleures espionnes en mission.
- Tes espionnes ? répéta Kayna, qui ne suivait plus.
- Bordel Kayna, t'avais pas de télé dans ton enfance ? demanda-t-elle, effarée devant le silence évocateur de cette dernière. Ca craint. Quoiqu'il en soit, j'ai envoyé mes Flies sur le coup.
- Tes ...
- Mes Flies. Mes mouches, si tu préfères.
- Ah. Ca me parle déjà mieux.
- Laisse tomber. En gros, j'ai fouillé sur la toile, cherché d'où provenaient tous ces textos, j'ai contacté mes relations, fouiné dans les archives de la police et...
- Et ? s'impatienta Kayna, un sourcil dangereusement arqué.
- Et rien. Qui que soit cette personne, j'aimerais vraiment la rencontrer, elle est vraiment douée, s'exclama-t-elle, la voix pleine d'admiration.
- Parfois, je me demande ce qui me retient de tuer.
- Le code pénal, sans doute.
- Si ce n'était que ça...
Kayna soupira. Naith s'était introduit chez elle, avait brisé sa vitre, lui avait fait tout un discours pour... pour rien ?
Non, c'était impossible, ça ne lui ressemblait pas.
- C'est à ce moment-là que tu es censée te demander pourquoi je suis là, déclara Naith en resserrant sa queue de cheval.
- Si tu pouvais te grouiller de me le dire...
- En fait, j'ai un service à te demander.
Naith avait posé une main sur son épaule et la regardait droit dans les yeux ; son ton enjoué avait disparu, soudain remplacé par un visage sérieux.
Un visage qu'elle n'avait pas vu chez elle depuis des années.  

King's Game : le jeu infernalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant