Chapitre 10

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 Aïtu observa avec étonnement sa soeur se débrouiller comme un chef face à Naith. La pauvre n'arrivait pas à en placer une. Naith était pourtant la favorite, à en croire les paris de ses pitoyables camarades. Elle entendit même l'un d'entre eux pester à l'idée de perdre son argent de poche.
Ne comprenaient-ils pas qu'il s'agissait de leur vie ?
Lorsqu'Alix heurta violemment la mâchoire de Naith, celle-ci s'agenouilla en signe de reddition.
Alix, après avoir été déclarée vainqueur par Naëlle, suscita l'ovation générale. Elle chercha des yeux sa soeur et lui dédicaça cette victoire par un clin d'œil.
C'est à nous, lui rappela Arya, après avoir félicité la gagnante.
Aïtu hocha solennellement de la tête et se positionna en face de sa petite amie. Elle... Elle ne voulait pas la frapper. Elle ne voulait pas lui faire de mal.
"C'est parce que tu le mérites," répétait toujours son père, lorsque l'envie lui prenait de lui faire la leçon.
Mais Arya ne méritait pas qu'on lui fasse de mal.
Elle l'aimait.
S'il y avait bien une chose au monde dont elle était sûre, c'était ça.
Arya l'aida à attacher son bras droit dans le dos. Elle ne serra pas trop fort.
Puis Naëlle donna le signal.
Elle hésita longuement avant d'oser la frapper. Enfin, frapper était là un bien grand mot. L'effleurer, c'était plus exact.
- Allez, Aïtu, fais-le, lui ordonna sa partenaire, les sourcils froncés.
Et comme pour l'encourager, elle lui brutalisa les côtes.
L'espace d'un instant, elle crut voir son père.
Avant même de comprendre ce qu'elle faisait, elle la renversait d'un coup de tête.
Elles se retrouvèrent toutes deux à terre, les yeux grands comme des soucoupes.
- Désolée, désolée, je... je ne voulais pas te faire de mal, murmura Aïtu, honteuse.
Mais Arya ne répondit pas. Elle resta à terre assez longtemps pour être déclarée forfait.
C'était le seul moyen pour qu'Aïtu survive.
Se battre d'une seule main, c'était impossible, Arya le savait.
Aïtu aussi, mais elle détestait cette idée.
Elle ne pouvait que se ronger les ongles, totalement désespérée à l'idée qu'elle avait peut-être condamné sa petite amie à une mort certaine.
- Ne t'en fais pas, ma belle, Alix a tout prévu, lui chuchota-t-elle à l'oreille, tout en dénouant les liens qui retenaient sa main.
Ca ne l'empêchait pas d'avoir peur.
Et si Alix se trompait ?

****



Lorsque vint son tour, Sha se positionna face à Selen, et la toisa de bas en haut. A ses yeux, il était évident que Selen était une proie facile. Petite, plus maigre qu'un fil de fer, pas un brin de muscle – elle n'était même pas sûre de l'avoir un jour déjà aperçue à un cours de sport – elle ne donnait pas cher de sa peau.
Elle ne douta pas un instant de sa victoire, même pas lorsque Naëlle leur ordonna de débuter.
Cependant, lorsque Selen commença à cibler, dès la première seconde, son ventre, elle comprit qu'elle était partie la fleur au fusil.
Le corps humain était pourtant grand, et elle lui laissait le choix de nombreuses ouvertures. Mais non, Selen s'acharnait sur son abdomen, comme si une cible imaginaire y avait été tracée.
Comme si elle était au courant pour l'enfant.
Sha ne pouvait pas abandonner la position défensive ; elle était décidée à encaisser tous les coups, même si cela signifiait qu'elle ne pourrait pas en placer une.
Elle pensa à Kaleb. Que dirait-il si elle perdait leur enfant ?
Elle donnerait raison à sa mère.
Selen. Comment avait-elle pu la sous-estimer à ce point ?
Tout chez elle, de son sourire moqueur, en passant par son regard vicieux, jusqu'à sa posture qui inspirait la confiance, indiquait qu'elle connaissait son secret.
- Arrête, siffla Sha, de sorte qu'elles seules puissent entendre.
- Je ne reçois pas d'ordres d'une tricheuse comme toi, répliqua son adversaire, qui, comme pour appuyer ses paroles, tenta à nouveau de lui embrocher le ventre.
- Tricheuse ? Mais de quoi tu parles ? s'indigna Sha, qui peinait à conserver son calme.
- Si tu ne te déclares pas forfait, je ferais remarquer à notre bien aimé public, la protection que tu caches derrière ta veste de jogging sous un beau soleil d'été.
Ces mots paralysèrent Sha.
Comment savait-elle ?
Comment pouvait-elle savoir pour la protection ? Elle avait pourtant veillé à ce que tout paraisse normal.
Tétanisée, elle en oublia le combat quelques instants.
Quelques instants de trop que saisit son adversaire pour la cogner violemment au visage.
Complètement sonnée, Sha s'effondra, et fut déclarée forfait.
- Ne baisse pas ta garde comme ça, ça rend les choses trop faciles.
Selen sourit.
Son sourire s'élargit lorsque Kaleb, paniqué, la prit dans ses bras.
Enfin, elle atteignit le summum de l'extase en croisant le regard rempli de haine d'Alix.

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