King's Game : le jeu infernal

Chapitre 1

 Tout a commencé par un putain de texto.
Qui avait osé la réveiller à minuit ? Qui ?
Jax, songea-t-elle immédiatement. Il était sûrement encore bourré. Lui et ses vannes de merde. Un véritable disciple de l'école du rire.
Elle grogna et serra fort son oreiller dans l'espoir de se rendormir au plus vite. Il paierait demain, se jura-t-elle.
Mais elle fut très vite irritée par le clignotant bleu de son portable ; et pire que tout, la curiosité la maintenait éveillée. Salopard. Elle traça la figure digitale d'une main endormie pour le déverrouiller, et relut plusieurs fois le message. Elle essaya même de le lire à voix haute tant il lui paraissait saugrenu.

Toute votre classe participe à un King's Game. Les ordres du roi sont absolus et doivent être exécutés sous 24 heures.

Attention, aucun abandon ne sera toléré.Ordre n°1 : Le garçon n°3, Donova, doit embrasser la fille n°7 Kayna.

En diagonal. A l'envers. De droite à gauche.
Elle relut au moins dix fois le message avant d'éclater de rire. Un bon gros fou rire. Son voisin avait même cogné le mur cinq fois pour la faire taire. Bon, il fallait avouer qu'elle était bonne celle-là.
Elle décida d'en faire profiter Jax. Bah ouais, pourquoi pas, maintenant qu'elle était réveillée, y avait pas de raison pour qu'il dorme. Elle sélectionna le numéro dans ses favoris qui se résumaient au nombre de trois : Jax, Naith et Aïtu. C'était peut-être aussi le nombre exact de contacts, en fait.
Il décrocha au bout de trois coups.
- Hmm...
- Jax ? C'est Kayna.
- Tu ne peux plus te passer de moi, ma douce ?
- En parlant de conneries, j'en ai reçu une bonne, là.
- Ah, vraiment ?
- Apparemment, un roi va contraindre Donova de m'embrasser.
- Et tu vas le laisser faire ?
- Pff. Bien sûr que non. Je vais lui...
- J'ai reçu le message aussi, en fait, la coupa Jax, qui semblait ne pas vouloir éterniser la conversation.
Kayna resta stupéfaite quelques secondes.
- Et Naith aussi. J'attendais justement ton coup de fil.
- Vraiment ? Mais alors...
- Il semblerait que toute la classe l'ait reçu, comme indiqué dans le message, confirma Jax.
- Encore quelqu'un qui me veut du mal, j'imagine...
- Sûrement. Bon, allez, je te laisse, mon oreiller m'attend. Bonne nuit.
- Bonne nuit.
Elle soupira et replaça son cache-œil correctement. Cette plaisanterie s'avérait vraiment de mauvais goût. Elle bâilla tout son saoul, et réussit finalement à s'endormir.

Le lendemain, lorsqu'elle arriva au lycée, il lui sembla que tous l'observaient, furtivement ou grossièrement, avec un sourire espiègle. Elle s'en doutait. La classe entière s'était liguée contre elle, cette fois-ci. Elle commençait à avoir l'habitude...
C'est ça, de porter l'œil rouge, songea-t-elle. Inutile, mais rouge. Si seulement il avait pu lui confier un quelconque pouvoir... Des vrais regards qui tuent ? Mais rien. C'était juste un fardeau. Parfois, elle se demandait qui du cache-œil ou de l'œil lui-même faisait le plus peur.
Quoiqu'il en soit, lorsque le "Démon" entra dans la salle de classe, le vacarme général vira soudain au calme radical. Donova était déjà au centre de la pièce, les yeux hagards, les mains dans les poches, en position d'attente.
Tous les regards s'étaient fixés sur elle. Bon, c'était pas comme si elle avait l'habitude.
- Alors, prêt pour le baiser du prince charmant ? Lança Naëlle à travers la salle. Qui sait, peut-être que le crapaud deviendra princesse.
Après le silence, le rire général. Des moutons, songea-t-elle, rien que des moutons. Aïtu s'approcha d'elle et lui chuchota :
- Tu es au courant pour le message ?
- Cette connerie ? Ouais.
- Donova a l'air bien décidé à t'embrasser, fit-elle remarquer, un brin moqueuse. Bah, c'est pas comme si c'était un thon.
Donova. Le frère de la petite Sha, se rappela-t-elle. Pas de coïncidence possible. Son œil gauche avait subi des séquelles lors d'un accident. Il en résultait un œil plus clair que l'autre, conséquence des nombreuses opérations. On les reliait parfois sous le terme de "couple", et pourtant, Donova n'avait jamais subi de brimades de ses camarades. Apparemment les yeux gris ont plus de côte que les yeux rouges, remarqua-t-elle, ironiquement.
Une main la poussa au milieu de la salle ; celle de Jérémy, un con qui profitait de sa force pour faire chouiner les plus faibles.
- Le bisou ! Le bisou ! Le bisou ! scanda soudain en cœur la salle entière.
- Arrêtez ! Ça n'a pas de sens, s'écria soudain une voix aiguë, qu'elle reconnut être celle de la délégué, Sarah.
Et voilà qu'on commençait à avoir pitié d'elle, maintenant.
Ça l'énervait, la pitié. Çà l'énervait plus que les moqueries, en fait.
- Vous ne pouvez pas les forcer à s'emb...
Après avoir levé les yeux au ciel, Kayna s'était emparée du bras de Donova et lui avait planté un virulent baiser sur les lèvres. Sarah la fixa, bouche bée, totalement stupéfaite.
- C'est bon ? Vous êtes contents ? Fichez-moi la paix, maintenant, grogna Kayna.
Il y eut un nouveau silence dans la salle. Non pas sur ordre de Kayna, bien sûr, mais lorsque tous les vibreurs, et même une sonnerie, de portable s'activèrent en cœur.
Vrrrr. Vrrrr. Vrrrr.
Kayna s'empressa de sortir le sien de sa poche.

Jeu du roi : l'ordre a bien été exécuté. --END--

Qu'est-ce que c'était que ces conneries, encore ?
Jax lui jeta un regard inquiet.
Elle réprima un frisson.
Ça n'annonçait rien de bon.