Don't ever be drunk

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Ce qui devait être un banal échange d'informations se trouva être une soirée entre deux personnes qui apprenaient à se connaître. Le jeune homme à la carrure de rugbyman rangea son téléphone et tenta de fait oublier ce dernier à la fille en lui payant un ou deux cocktails. Par ailleurs, il continua de cacher son passé désastreux à la jeune femme qui, même si elle perdait pied, sut garder le silence. Elle enchaîna les boissons alcoolisées et les cocktails prétextant que, puisqu'elle ne payait pas l'addition, elle pouvait en profiter et plus les heures passaient, plus sa langue se déliait.

-Tu sais, dit-elle d'un ton léger, je ne suis pas du genre à sortir. Enfin, d'habitude. La semaine dernière... C'était exceptionnel. C'était l'anniversaire de Barb' et j'ai été obligée d'y aller. Je déteste sortir. Je déteste les boîtes de nuit. Et la seule fois où je mets un pied dehors, on m'attaque. Je commence à croire que je suis malchanceuse... Et puis, ajouta-t-elle en prenant son Mojito en main, il est arrivé. Je te l'ai déjà dit plein de fois, mais ça compte beaucoup pour moi. Parce que j'aurais été morte sans lui. Il faut au moins que je le remercie. Et en plus, je me déteste parce que je me sens assistée et en même temps flattée parce que c'est pour moi et personne d'autre qu'il était là. (Elle aspira sa boisson à l'aide de sa paille et reprit :) Non, mais je raconte vraiment n'importe quoi. C'est ridicule, tout ça. Je ne sais même pas pourquoi je te déballe ma vie. Je ne te connais même pas! Enfin si, mais depuis une journée et demi. Tu dois sûrement penser que je suis folle et tout...

Dick sourit et la força à poser sa boisson.

-Tu es loin d'être folle, par contre, tu as assez bu pour ce soir. Allez, je te raccompagne chez toi.

Il lui tendit la main. Hayley regarda longuement la main de l'homme.

-Je n'ai pas besoin de ton aide, Dick. Je peux rentrer seule chez moi.

-Et prendre le risque de passer une nouvelle nuit aux urgences ?

-Ça, c'est un coup bas. Mais tu as raison. Et c'est encore plus chiant de discuter avec toi quand tu as tout le temps raison.

-Tu peux à peine marcher droit de toute façon. Allez, viens.

En soupirant elle glissa sa main dans la sienne et il l'entraîna à l'extérieur du bar.

La nuit était tombée depuis quelques heures déjà et une fine pluie mouillait l'avenue encore fréquentée. Toujours en lui tenant la main, il la mena à sa moto.

-Mais... Ce n'est pas ma voiture...

-Non, effectivement. Mais ce serait dangereux, pour toi comme pour moi et les autres conducteurs de te laisser conduire dans cet état. Donc tu va monter sur cette moto, mettre ce casque sur ta tête et te tenir à moi. Dit-il en lui tendant la protection.

Hayley soupira et prit d'un geste lent le casque bleu marine des mains de son pilote. Elle l'enfila maladroitement.

-Tu peux... Tu peux m'aider à attacher le truc, là? Demanda-t-elle en essayant de clipser les attaches, la tête en arrière. C'est dingue comme c'est lourd, ce machin!

Dick pouffa et réunit les deux côtés de la sangle, ses doigts frôlant la peau claire du cou de sa passagère.

-Tu n'as jamais fait de moto? Demanda-t-il en se redressant, essayant de cacher son trouble.

-Jamais! Ni même de scooter ou de truc à deux roues. Ah si ! S'exclama-t-elle. J'ai fait du vélo. Mais ça remonte à tellement loin que je ne sais pas si je pourrais en refaire. Peut-être de la trottinette une fois... Ça compte?

Elle rigola et s'appuya sur la moto d'une main, tentant de prendre une attitude cool et décontractée.

-Non ! Fais pas ça !

-Ah... Ben... Trop tard...

Dans un grand fracas, la moto noire et la jeune femme étaient tombées. Dick secoua la tête en se passant la main dans les cheveux. Irrécupérable. Elle était irrécupérable.

Il lui attrapa le bras et la remit sur pied en la tirant vers lui, sans effort. Puis il se pencha et ramassa sa moto avant de l'examiner et de contempler les dégâts.

-Je suis désolée. Vraiment, je...

-Ce n'est pas grave, la coupa-t-il, toujours penché sur son véhicule. On dirait qu'il n'y a rien de grave. Et toi, ça va? Rien de cassé?

-Non...

-Sûre?

-Euh oui, je crois...

-Alors on rentre.

Il monta et attendit que sa passagère fasse de même.

-Et toi? Tu ne mets pas de casque?

-Tu as pris le mien et je ne comptais pas vraiment rentrer accompagné...

Hayley se sentit coupable. Elle avait trop bu, par conséquent, elle ne pouvait pas conduire, forçant son nouvel ami à la véhiculer ; elle venait de renverser sa précieuse moto et en guise de cerise sur la gâteau, elle lui avait piqué sa protection principale. Sans parler de son forcing sur l'affaire ! Elle se promit de lui en reparler une fois arrivés.

-J'imagine que la veste en cuir, les bottes et toute la panoplie n'est pas utile, commenta-t-elle alors que la moto démarrait.

Elle détailla la tenue du policier hors-service. Un tee-shirt noir, un jean et des converse. Une tenue de ville peu adaptée à son mode de déplacement.

-C'était un court trajet, je n'en avais pas besoin. Accroche-toi à moi.

-C'est souvent sur les « courts trajets » que les accidents arrivent. Ne put-elle s'empêcher de relever.

Puis elle glissa ses bras autour de la taille de l'homme aux cheveux d'encre qui raffermit sa prise sur les manettes et elle posa sa tête sur son dos.

* * * *

Malgré la pluie qui les avait ralenti, ils avaient fini par arriver à destination.

-Allez, viens.

Hayley le suivit sans broncher ni même enlever le casque alors qu'ils étaient dans l'ascenseur. Elle était bien trop fatiguée pour se rendre compte que ce n'était pas dans son appartement qu'elle dormirait ce soir. Une fois arrivés dans le vestibule, Dick détacha les sangles et posa le casque sur le sol et lui prit le bras pour l'emmener dans sa chambre. La brune se laissa entraîner, comme une enfant, le pas traînant et à moitié endormie.

Il l'allongea dans le lit, toute habillée et remonta la couverture jusque sur sa poitrine.

-Allez, bonne nuit Hayley.

Elle grommela quelque chose et ferma aussitôt les yeux. Dick la contempla. Il ne savait rien d'elle. Elle ne savait rien de lui non plus et pourtant c'est lui qu'elle a choisi. S'il ne s'était pas inquiété, s'il avait fait comme avec tous les autres, ils ne seraient pas tous les deux ce soir. Rien de tout cela ne serait arrivé. Elle aurait arrêté ses recherches en se rendant compte que cela ne menait à rien. Les témoignages? Des faux. Il n'y avait personne à Blüdhaven de ce nom là, il s'en était assuré.

Mais il avait commis une erreur et à présent, il admirait cette étrange fille endormie dans son lit, motivée et prête à tout pour retrouver la trace d'un «justicier ». Et puisque tous ces « et si » ne changeaient pas l'ordre des choses, des questions se posaient : cet homme qui la hantait, que se passera-t-il vraiment lorsqu'elle le rencontrera? Quelle sera sa réaction? Pourquoi fallait-il que cette fille soit intrigante au point de débarquer chez elle?

Au moins, quand elle dormait, pensa-t-il en tirant le rideau, plongeant ainsi la pièce dans le noir, elle ne se posait pas de question et cessait de fureter là où il ne fallait pas.

SkumfukOù les histoires vivent. Découvrez maintenant