Lie

314 33 3
                                    

Ce qu'il avait les dernières vingt-quatre heures? Il ne le savait pas. Pas plus qu'il ne pourrait donner de réponse quant à ses actions de la semaine précédente et de celle encore avant. Deux semaines s'étaient écoulées depuis qu'il avait rencontré par hasard Hayley dans ce bar. Il ne se souvient pas de ce qu'il avait fait après.

Ces absences duraient depuis ce soir-là, au détour d'une rue. A chaque fois, il se retrouvait dans un endroit différent, toujours loin de ce qu'il faisait avant.

Il perdait complètement le contrôle de la situation, il était confronté à un problème qu'il n'avait encore jamais encore expérimenté ou même exploré. Cette fois, ce n'était pas quelques questions qui tournaient dans sa tête, c'était tout un régiment de mots, de phrases qui se terminaient avec ce terrible point d'interrogation qui le hantaient, qui se répétaient inlassablement et qui le déstabilisait complètement. Il restait des heures et des heures debout, à tourner comme un lion en cage, à essayer de se rappeler, même un indice ou quelque chose mais rien. A chaque fois, c'était comme s'il se réveillait d'une longue sieste ou d'une crise de somnanbulisme. Personne autour de lui ne comprenait ce qui lui arrivait ou même n'était au courant des endroits où il se rendait. En réalité, personne ne semblait même savoir.

Il avait beau chercher encore et encore à s'en arracher les cheveux, il n'avait rien. Pas d'indices, pas de piste, pas de suspect. Rien. Et pourtant, il avait cette étrange impression que la solution se trouvait là, juste sous son nez, comme une évidence. Alors il recommençait tout depuis le début, s'enfermant dans une boucle infinie d'interrogations.

C'était devenu presque trop facile avec le temps, quand il y pensait. En un claquement de doigt, il résolvait des affaires en apparence sans queue ni tête, trouvait des éléments qui n'attiraient pas l'oeil des inspecteurs et qui pourtant étaient cruciaux et réglait par un K.O son adversaire. Mais cette affaire restait un mystère pour lui. A chaque fois qu'il pensait faire un pas en avant, il reculait de deux.

Au moins, il ne pouvait pas dire qu'il s'ennuyait cette fois. Il ne savait même pas quoi rechercher. Comment dire simplement? Pour la première fois depuis longtemps, il eut du mal à l'admettre, il se sentait perdu. Il était perdu.

Il n'y avait aucun signe avant-coureur qui pouvait attester du hasard de la chose. Ça ne lui était jamais arrivé auparavant, il pouvait donc éliminer une éventuelle pathologie.

Il décida alors de noter ce qu'il faisait avant que cela arrive. Le premier soir, il était en compagnie de Hayley. Trouvée par hasard dans un bar, avec ses copines qui la taquinait. Il se souvint de son air agacé et de leur courte balade jusqu'au bout de la rue. Elle avait appelé un taxi. Ensuite le trou noir. Il s'était retrouvé chez lui, sur son canapé. A peine deux jours plus tard, il était dans un café quand ça s'était produit. Il y avait des dizaines de témoins mais ce serait trop long de chercher qui avait ne serait-ce remarquer son comportement étrange - s'il avait eu un comportement différent de d'habitude. Il n'y avait pas de caméras dans cet établissement qui pourtant était assez réputé. Aucune piste sérieuse, donc.

Plus il cherchait dans sa mémoire et plus il constatait que les périodes étaient irrégulières la première semaine et que la deuxième semaine, elles se calaient sur un rythme d'une fois par jour, en fin d'après-midi le plus souvent. Il n'était jamais en service et était seul.

Elles duraient une bonne partie de la nuit, s'il se fiait au moment où il se « réveillait ». Mais que pouvait-il bien faire pendant toutes ces heures ? Où allait-il ?

Toujours les mêmes questions sans jamais de réponses. Il installa un traqueur sur sa veste qui retracerait son parcours en temps réel puis qu'il visionnerait une fois chez lui. Il se traquait lui-même. Quelle ironie, pensa-t-il. Si cela pouvait lui permettre de trouver des réponses alors tous les moyens étaient bons.

Alors qu'il vérifiait si son système fonctionnait, il fut frappé d'une évidence à laquelle il n'avait pas pensé. Hayley. Elle l'avait vu avant de partir. Elle savait peut-être quelque chose ? Quelque chose qui pourrait l'aider à se rappeler ?

Ni une ni deux, il enfourcha sa moto et se rendit chez la brune qui lui ouvrit sans surprise.

« C'est ton truc de planter les gens et de disparaître de la circulation pendant deux semaines, hein ? Dit-elle en fermant la porte derrière lui.

- Ah oui, je crois que je dois t'expliquer quelques trucs...

- Un peu, mon n'veu ! Bon, techniquement, je m'en allais aussi, on va dire que tu es pardonné. Tu veux un truc à boire ?

- Un café suffira, merci. Tu ne sais pas où je suis parti, par hasard ?

Il s'installa sur le canapé du salon miniature et se tourna vers la brune qui faisait du café.

- Pourquoi ? Tu ne te souviens plus de ce que tu as fait quinze jours plus tôt ? C'est la bière qui t'ait monté à la tête ? Demanda-t-elle sans lever les yeux de sa tâche.

- Non, mais c'est d'une importance capitale.

- Je peux savoir en quoi ? »

C'était une question innocente pour elle mais pour lui, c'était bien plus que cela. C'était l'exposer à ses problèmes, l'impliquer dans quelque chose de louche, il en était persuadé. Elle restait là, les bras croisés, à attendre une réponse qui serait sûrement positive. En même temps, il y avait quelque chose chez elle qui inspirait la confiance et la réflexion. Elle pourrait certainement l'aider.

Il voulait lui dire mais en même temps, le fait de la rendre vulnérable le freinait. Il n'avait pas pris le compte en venant dans ce petit appartement qu'elle le questionnerait. Il aurait dû s'en douter.

« Je t'expliquerais tout en temps voulu, d'accord ? Répondit-il.

Elle posa sa tasse de café devant lui et s'assit à l'autre bout du canapé.

- Mouais. C'est le genre de réponse bateau que j'attendais. Ou alors « Tu le sauras bientôt, ne t'inquiète pas. »

-Cette fois c'est vrai. Tu le sauras bientôt. J'ai juste besoin que tu me dises où je suis allé après qu'on se soit séparé. »

Elle sirota son café, semblant réfléchir et haussa les épaules.

« Je sais pas, répondit-elle finalement. T'es parti en hâte et mon taxi prenait une direction différente de la tienne. »

SkumfukOù les histoires vivent. Découvrez maintenant