L'appel de la Terre {EN REFONTE}

Chapitre 18 - MIKE ET SON PÈRE

* Mike *

Je suis avec Lena lorsque mon téléphone affiche le numéro de mon père. Je reste à fixer mon écran sans pour autant répondre. Qu'est-ce qu'il lui prend, on ne se parle jamais et maintenant il m'appelle ? Lena tourne son regard vers moi tout en me caressant le bras, mes muscles se crispent et je me détache d'elle pour m'éloigner, la laissant regarder le film que nous nous étions lancé, toute seule. Je me dirige vers sa cuisine, je suis totalement tendu et je ne sais pas comment réagir. En d'autres circonstances, j'aurai jeté mon téléphone et continué comme si de rien n'était. Mais la rencontre de Lena m'a quelque peu métamorphosé.

Je me sers un verre d'eau et tente de me reprendre, ma colère commence à monter mais je ne veux pas la laisser apparaître, surtout pas ici, surtout pas près de Lena. Mon masque se pose alors. Soudain la vibration de mon portable annonce un message. Je le lis et c'est encore lui « il faut que je te voie, viens dès que tu peux » dit-il.

C'en est trop, je bous à l'intérieur. J'avale le verre d'eau d'un trait et me dirige vers le salon. Lena lève un regard plein de tendresse, ce qui me calme quelque peu, mais mon masque est placé et je n'arrive pas à l'enlever pour lui dire au revoir. Je l'informe juste que mon père veut me voir et je m'en vais.

Je passe prendre quelques affaires avant de reprendre la route. Une fois seul, je m'en veux d'être parti ainsi, sans même un regard en arrière. Mais ce n'est pas habituel que mon père m'appelle et encore moins qu'il m'intime de venir. Je ne sais même pas ce que je ressens : inquiétude, colère, haine ? Tout se mêle. Malgré mon avancée avec mon thérapeute, certains travers persistent.

J'appelle Hayden sur le trajet pour lui expliquer mon départ, il s'inquiète aussitôt de cette intrusion de mon père mais je n'en sais pas plus donc je ne peux pas lui dire quoi que ce soit. Au pire il contactera son paternel et saura probablement tout.

A cette pensée, mon enfance refait surface et notre rencontre me revient en mémoire. C'était un peu avant la trahison, le complot, la machination de ces adultes que j'ai depuis haïs de toutes mes forces.

Le père d'Hayden était le médecin de ma mère et somme toute est devenu le meilleur ami du mien. Ils venaient donc régulièrement à la maison tous les deux. Pendant des années nous passions nos week-ends et beaucoup de nos soirées ensemble. Il était là ce fameux jour. Il m'a vu me métamorphoser. Il a perçu la haine s'insinuer dans mon cœur et finir par me prendre une part de moi-même. Celle-ci a retenu mes larmes et les a transformées en armes.

Après ça je n'ai plus été qu'un con. Mon père et le sien n'existaient plus à mes yeux. Hayden faisait le lien et il a été mon pilier, sans lui Dieu seul sait ce que je serai devenu. Les filles à l'école ainsi que nos professeures sont devenues le reflet de ma mère et je leur vouais une haine identique à celle de nos paternels. Grâce à Hayden, j'ai appris à me contenir et me suis forgé ma carapace, mon masque. Et j'ai grandi de cette manière, mon adolescence a été des plus désastreuse, plus aucun contact avec mon père malgré le fait que nous partagions la même demeure. Hayden était toujours là, heureusement. C'est lui qui m'a présenté mon thérapeute, de façon fortuite bien entendu, mais lui-même m'avait déjà quelque peu désamorcé. J'ai peut-être été son premier patient, ou alors le cas qui l'a orienté vers cette voie professionnelle. Ceci étant, Lyam, mon thérapeute, a su comment me prendre. Il m'a aidé à me retrouver, à me reconnecter à moi-même. Sa technique peut paraitre décalée, mais elle m'a plus ou moins sauvé. C'est dans son cabinet que j'ai versé ma première larme. Il m'a ensuite initié aux énergies. J'ai pu reprendre petit à petit possession de moi, reprendre le terrain de mon cœur à cette haine si envahissante, si dévastatrice. Je n'ai pas encore pardonné et je sais que c'est l'étape décisive, mais je ne pense pas encore y être prêt. Chaque chose en son temps.