Chapitre 23 - RICHARD (J24)

41 7 21
                                    


Le lendemain, nous décidons de sortir un peu tous les deux, histoire de nous changer les idées. Le coin me plaît beaucoup, la nature y est encore très implantée. Nous partons à pied en direction d'une forêt un peu plus loin. Nous y découvrons de nombreuses cascades dissimulées, ce qui suffit à notre émerveillement, nous nous baignons, profitons de cet isolement pour faire les fous dans ces eaux claires. Nous trouvons un point d'eau surplombé d'un énorme rocher, une fois grimpé dessus, on aperçoit un trou au fond de l'eau, la couleur y est différente et en la contemplant je m'y sens comme aspiré. L'envie de sauter commence à germer, je me tourne vers Mike tout en lui évoquant l'idée mais il ne semble pas trop rassuré.

- Aurais-tu un peu le vertige ? je lui demande d'un air moqueur.

A ses mots, sa fierté ressort, il bombe le torse en s'approchant de moi et il me répond négativement, mais son visage exprime tout le contraire ! Pas crédible du tout. Je l'embrasse et lui prend la main doucement, on s'approche du bord du rocher, qui doit bien être pratiquement à cinq mètres de l'eau, je regarde encore ce trou d'eau, la différence de couleur marque bien la profondeur, ça ne risque rien. Je rassure Mike et commence le décompte, à trois, je l'entraine avec moi et nous sautons. Nous crions comme des gosses, ça ne dure qu'un instant car nous traversons l'eau puis nous remontons rapidement. : Mike exulte, trop content de lui ! Il me prend par la taille et me rapproche de lui, me plaquant sur son torse, sa main parcourt mon dos et remonte jusqu'à me saisir la nuque, m'attirant jusqu'à ses lèvres. Nous nous fondons dans ce baiser enflammé, j'en ressens son dépassement et sa fougue transmet une sorte de gratitude que j'apprécie. Je me détache pour l'admirer dans cet état d'euphorie, il sourit et me demande ce que j'ai à le contempler ainsi.

- Je ne fais qu'apprécier ton courage, je lui réponds avec mon air taquin.

Il grogne légèrement mais ne se renferme pas. Nous renouvelons l'expérience avec un plaisir croissant à chaque ascension, il y prend goût et je m'émerveille de le voir se lâcher autant.

Après un moment, je commence à m'inquiéter de ne pas avoir de nouvelles de Steph, je regarde mon téléphone et constate qu'il n'y a pas de réseau, l'après-midi est déjà bien entamée, aussi nous décidons de rentrer.

Peu avant d'arriver à la maison, je reçois plusieurs messages, j'ai à peine le temps de les lire que nous distinguons deux voitures garées devant la maison, je reconnais celle de Steph et au vu de ses messages, je me doute que l'autre appartient au père de Matt.

Nous entrons et les trouvons sur la terrasse, un homme se tient debout à côté de la table, à sa silhouette élancée je me doute que c'est lui. Ses cheveux bruns sont très court et contrastent avec la pâleur de sa peau, comme son fils. Il porte des petites lunettes rondes qui collent parfaitement à l'archétype du chercheur.

Il se retourne à notre approche, son regard est empli d'inquiétude, je ne saisis pas trop pourquoi. Peut-être est-ce dû à son attachement à Mathilde, mais nous savons que ce n'est pas de la folie, ce rêve était bel et bien existant, nous devrions pouvoir la faire sortir. Mais je déchante aussitôt au gré de mes pensées car raconter notre histoire aux médecins me semble une mauvaise idée et c'est pourtant ce qui démontre qu'elle n'est pas folle.

Matt fait les présentations et Richard, son père, nous tend une main ferme mais fuyante. Ensuite nous nous installons sur la terrasse, Steph nous rapporte des boissons. Un silence s'installe mais Richard le rompt rapidement.

- Matt et Steph m'ont raconté votre histoire.

Il marque un blanc, son visage dénotant parfaitement son scepticisme, il poursuit :

- Cependant je connais bien Mathilde, vos dires m'intriguent et mes mesures ce soir là aussi.

Il semble partir dans ses pensées, l'incompréhension se lit sur lui. Mike le fait revenir à nous en lui demandant des explications sur ses recherches. Il m'ôte les mots de la bouche et j'écoute Richard qui reprend :

- Cela ne va pas être simple. Pour comprendre le présent, il vous faut des bribes de mon passé.

Il pose les mains à plats sur la table tout en nous énonçant cela, puis fixant nos regards impatients, satisfait de son effet, il s'installe et reprend son discours :

- Je suis physicien, mes recherches concernent plusieurs domaines. Le projet que nous avions commencé avec Mathilde il y a très longtemps se nommait le PCG pour « Projet Conscience Globale ».

Je ne vais pas rentrer dans les détails techniques ni vous en expliquer sa naissance, mais nous avions réussi à percevoir et mesurer les activités de nos esprits, à un niveau global, ce qu'on appelle aujourd'hui la noosphère. En gros, toutes vos idées, vos pensées, vos émotions s'y retrouvent. Et lorsque de nombreuses personnes ont des pensées similaires nous pouvons les mesurer.

C'est la mort de la princesse Diana, en 1997, qui nous a permis de nous en rendre compte, nos graphes avaient eu des variations incroyables au moment de l'annonce de sa mort. Des milliers de personnes à travers le monde ont pleuré cet instant. C'est ce que nous avions mesuré. Beaucoup d'autres dates nous ont permis d'affirmer nos théories, notamment le 11 Septembre 2001. Mais cette date-là nous a apporté d'autres soucis, nous avions mesuré les variations avant la catastrophe, ce qui impliquait l'anticipation de celle-ci par nos esprits. Certains ont vu là la possibilité de prédire l'avenir, c'est à ce moment que les problèmes ont commencé, nous avons alors mesuré l'ampleur des conséquences que pouvait avoir notre découverte. Le gouvernement voulait s'en emparer, Mathilde et moi nous y opposions. Mais leurs agents peuvent être vicieux quand quelque chose les intéresse. Mathilde avait prévu un virus informatique qui détruirait toutes nos recherches si quelqu'un tentait de pirater notre système. Le virus s'est mis en marche et Mathilde a eu son accident. Après ça, j'ai tout lâché.

- Vous voulez dire que c'est le gouvernement qui a causé l'accident de Mathilde ? l'interrompt Mike.

Moi je suis trop scotchée par son récit pour faire la moindre remarque. Steph a le regard baissé mais je distingue ses yeux larmoyants. Richard reprend son récit empreint d'une note de culpabilité  :

- Je n'ai pas de preuve et je n'en ai pas cherchée. Je préférais que tout s'arrête là, nous avions chacun notre famille, je ne voulais pas envenimer les choses. Mais dans certains cas, je suppose que le gouvernement est prêt à tout et je ne pense pas qu'ils se soient arrêtés là.

- Qu'avez-vous fait du coup ?

- J'ai stoppé officiellement ces recherches, de toute façon nous avions tout perdu, Mathilde était amnésique et je ne me sentais pas de reprendre tout à zéro. Mais tout ceci m'a ouvert d'autres perspectives, d'autres interrogations, auxquelles je souhaitais apporter des réponses.

- Lesquelles ? demandais-je en sortant de mon mutisme.

- La noosphère, ses principes, son fonctionnement, son utilité, sa source, n'est-il pas incroyable que nos consciences se rejoignent dans ce champ ? Quelles sont les informations qui s'y trouvent ? Y restent-elles ? Y a-t-il possibilité de les déchiffrer ? de s'y plonger ? d'y communiquer ? Autant de questions et bien d'autres encore qui m'ont motivé suite à toute cette histoire.

- Le gouvernement s'en est-il encore pris à vous après cela ?

- Non, plus de nouvelle, je m'en portais très bien, mais je sais ce qui les intéresse : le pouvoir. Aussi toute découverte leur permettant d'y accéder sera accaparée. C'est pour cela que j'ai accepté de vous rencontrer, restez sur vos gardes les enfants, vous avez l'air de voguer sur un terrain glissant.

- Nous n'avons pas le choix, nous risquons sinon de laisser mourir notre planète et la vie dans sa globalité au passage.

La réplique de Mike me plonge instantanément dans la réalité et l'urgence de la situation.

L'appel de la Terre {EN REFONTE}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant