Chapitre 3 - LE RÊVE (J1)

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Un rayon de soleil s'est faufilé à travers mes rideaux, et forcément il vise mes yeux, m'obligeant à les ouvrir. Je me tourne, tentant de reprendre mon sommeil là où il en était, mais c'est trop tard. La sensation désagréable de pâte scotchant ma langue à mon palais m'empêche de sombrer à nouveau. Je finis par me résigner, je m'étire longuement et tente de me lever. Une douleur aiguë m'immobilise, ma tête me donne l'impression d'être coincée dans un étau. Je regrette aussitôt la quantité d'alcool ingurgitée la veille.

Arrivée à la cuisine, j'avale un grand verre d'eau, je déambule ensuite au milieu du bordel maculant notre salon, vestige de la soirée... Je m'installe sur le canapé et allume la télé en attendant le réveil de Steph. Il est déjà midi et je n'ai aucune envie pour l'instant de me mettre à ranger.

Après les infos qui me font cogiter sur tout comme d'habitude, je me mets à écrire mon journal. Je m'étais promis de démarrer celui-ci dès mon emménagement, je ne veux pas oublier les étapes importantes de ma vie, les écrire semble être le meilleur moyen. Aussi dans quelques années, je pourrai constater mon évolution... Enfin je l'espère !

Une fois ma plume posée, j'essaie de me souvenir de ce rêve bizarre dont un flash m'a illuminé pendant ma séance d'écriture. Je ferme les yeux pour mieux m'en rappeler plus, quelques bribes me reviennent petit à petit et un flot d'image me submerge :

D'abord ce paysage à perte de vue : une forêt dense semblant ininterrompue. Je suis suspendue au-dessus et une sensation agréable me grignote l'estomac, j'adore ça ! Je domine les lieux, l'altitude mêlée à la caresse de la brise sur ma peau provoque en moi une déferlante d'émotion. 

Lorsque j'étudie mes bras, je vois un halo de lumière m'enveloppant comme un cocon, sa chaleur m'envahit. Je me déplace au-dessus de cette forêt sans aucun effort, tel un oiseau qui plane : je vole !

Des ondes de lumière en forme de nuages apparaissent devant moi. Mes yeux mettent un certain temps à s'y habituer. Puis les contours deviennent plus nets mais je ne distingue pas jusqu'où ces nuages s'étendent. Je m'approche et  j'aperçois des formes au milieu des nuages. En me focalisant dessus, je réalise que ce ne sont pas des nuages mais des personnes.

Je ne suis donc pas seule à flotter au milieu de ce paysage ?

Ils sont nombreux. Je me déplace lentement vers eux et me faufile à travers leur lumière. L'image se précise et j'approche de l'une d'elle : une jeune fille rousse. Je suis à quelques centimètres et ses paupières frémissent, elle semble dormir...ou plutôt rêver vu ses mouvements. Je continue d'avancer mais ils semblent tous dans le même état.

Qu'est-ce que je fais là ?

Je prends de la hauteur pour avoir une vision d'ensemble. Je suis surprise de me déplacer aussi facilement, en fait ma simple volonté suffit, car en vrai, je ne sais pas voler. Je m'amuse à aller dans toutes les directions, puis je m'élève et constate le nombre incroyable de personnes en train de rêver. Un vertige m'envahit à cette vision, j'en ai presque un haut le cœur.

Je discerne certains halos plus brillants que d'autres de mon point d'observation, je me tourne légèrement pour regarder derrière moi et je suis presque éblouie. Une aura brillante se détache du lot, ma curiosité est à son comble. Je m'approche et mon regard croise celui d'un garçon. Il est plus grand que moi, d'au moins une tête. Tout en muscle mais pas non plus armoire à glace. Il a le teint hâlé, des yeux gris profonds surmontés d'épais sourcils bruns, ses cheveux tout aussi foncés semblent avoir subi une explosion ! Il est magnifique et je suis totalement subjugué... Puis je sursaute, si c'est possible quand on flotte ainsi dans le ciel, au moment où je m'aperçois qu'il a les yeux rivés sur moi.

A cet instant, je sens une vibration amplifier petit à petit autour de moi, j'ai peur que celle-ci me fasse retomber au sol, surtout vu la hauteur ! Mais en me pénétrant, elle se transforme en mots ou en sons je ne sais pas trop le définir, c'est étrange et à la fois réconfortant. Je me sens portée par cette voix et j'entends tout d'un coup son message :

« Mes enfants, vous qui vous nommez les humains, je suis votre mère, enfin vous me nommez votre «Terre». Vous m'entendez ? C'est que vous vivrez... 90 jours c'est le temps, comme vous le comptez, qu'il reste.»

Mon flash stoppe net à l'entrée de Jess dans le salon. J'ouvre les yeux mais je reviens difficilement à la réalité. Elle approche doucement, presque comme une somnambule. Ses yeux sont mi-clos et ses cheveux complètement en vrac. Elle passe à côté de moi et me dit bonjour d'une voix rauque. Puis elle recule de quelques pas pour se planter devant moi, comme si elle venait de réaliser que j'étais assise sur le canapé. Probablement que ses yeux s'habituent tout juste à la clarté. Elle s'écrie alors avec un faible sourire :

- Waouh, vu la tête que t'as, t'étais aussi raide que moi hier soir !

- J'ai fait un rêve de fou.

Ma voix est presque sourde tellement j'en suis retournée, elle ne semble pas s'en apercevoir et enchaine :

- Ouais moi aussi. Mais maintenant j'ai la tête qui va exploser.

Elle s'en va à la cuisine et me laisse en bataille avec mon cerveau. Je n'ai même pas entendu ce qu'elle vient de me dire, enfin mon cerveau ne l'a pas imprimé, encore trop occupé à décrypter ce rêve qui m'a complètement emporté. J'essaie de dominer mon esprit et d'y intégrer ma raison. Je fume une fois un joint et cette nuit-là je fais un rêve incroyable... Ou plutôt totalement étrange. Cela semblait tellement réel, j'en ressens encore les moindres détails et surtout j'étais totalement consciente dans ce rêve.

Est-ce possible ? Est-ce les effets de la drogue ? Une intuition ? Un message ?

Merde, je n'arrive même plus à cogiter. Les questions s'enchainent. Si c'est un message, ça me semble plutôt effrayant. Non j'étais tellement défoncée que j'ai plané en dormant et la planète m'a parlé... Ce n'était qu'un rêve, produit par mon cerveau lui-même sous l'emprise de stupéfiant...

La raison finit par l'emporter et le café qui finit de couler me ramène à moi. Je me lève et m'en sers un. Jess, scotchée au comptoir me tend sa tasse que je remplis.

On reste là. Affalées sur le bar, toutes les deux plongées dans un état comateux. Je repousse ce rêve au fin fond de mon esprit et me laisse emporter par la douce odeur de caféine qui s'insinue dans mes narines.

L'appel de la Terre {EN REFONTE}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant