Chapitre 9

9 0 0
                                    

_Pourquoi tu ne veux pas m'en parler?
_Je ne veux pas te mêler à ça, c'est tout. Et puis tu dois déjà te remettre de ta blessure.
_Bob, je suis manchote, pas complètement stupide, je pourrais comprendre.
_Je ne suis pas sûre que Juliane apprécierait que je ne t'en parle.
_Ah c'est donc ça! Même inconsciente elle réussit à tout ramener à elle.
Les pas d'Ely claquent sur le sol de la cabane lorsqu'elle s'éloigne, visiblement vexée. Je parviens à ouvrir les yeux et aperçois Bob penché sur moi, l'oeil curieux.
_Chef?
Je l'ignore constatant que je suis allongé et tente de me relever. Je grimace en ressentant un immense frisson de douleur me remonter dans le crâne et Bob pose une main ferme mais délicate sur mon épaule, m'obligeant à me recoucher.
_Je vais parler ok? Toi tu n'as rien d'autre à faire que de m'écouter.
Je l'interroge du regard.
_Laisse toi faire pour une fois Juliane.
J'acquiesce finalement dans un soupir.
_Très bien. D'abord tu as des hématomes sur tout le corps, et tu as frôlé le traumatisme crânien. Je le sais car tu n'as pas paniqué en me voyant, tu te souviens donc de tout.
Sur le moment, je me demande si c'est une bonne nouvelle, mais lui ne semble pas s'en apercevoir et continue son discours.
_Tu es passée près de la catastrophe. Un bleu de plus et tu me faisais une hémorragie interne. Je ne comprends même pas comment tu fais pour t'en sortir sans fracture.
Lorsque je tente de répliquer, les mots restent coincés dans ma gorge jusqu'à ce que ma phrase sortent, si bas que moi- même j'ai du mal à entendre.
_Je suis coriace.
_En effet oui, me répond-t-il sans s'être rendu compte de mes difficultés pour m'exprimer. Sinon, il y a autre chose dont je voulais te parler, mais ça attendra. J'aimerai que tu disposes de toutes tes capacités pour m'écouter. Si tu te sens presque morte, continue-t-il, c'est normal. Le choc était rude mais tes blessures sont superficielles. D'ici demain matin tu iras mieux.
Son expression est froide, comme si quelque chose l'avait vexé lui aussi.
_Ça va toi? je réussi à articuler.
Il baisse les yeux et porte sa main à sa nuque, comme il le fait à chaque fois que quelque chose le tracasse.
_Oui, c'est juste que... Il y a tant de choses qui vont mal. Rien ne tourne rond ici. Alors, la prochaine fois fait attention à toi. Tu es notre seule chance de survie.
Il a raison, sur tous les points. Et il a même réussi à réveiller une curiosité que j'avais enfouit depuis longtemps. Je n'avais pas le temps pour toutes ces questions, mais aujourd'hui c'est différent. Je veux prendre le temps de comprendre. Je fais alors signe a Bob de s'approcher, afin qu'il m'entende mieux. Il colle son oreille à mes lèvres et je lui chuchote.
_Je. Suis. Invincible.
J'hachure mes paroles. A la fois car la douleur m'empêche de parler correctement, mais aussi pour appuyer l'importance de ces mots. Je ne les laisserai pas tomber car je ne peux tout simplement pas mourir. Il relève la tête et me dévisage sans dire un mot. Son expression est troublée, comme si je venais de le menacer. Il se lève alors, perdu, et retrouve ses esprits quelques secondes plus tard lorsqu'il me dit.
_J'espère chef, j'espère.

Je me tiens debout devant Bob, et il tente désespérément de me faire obéir à ses paroles.
_Etire toi!
_Je te dis que ça va, je lui répète.
_Rappelle moi qui est l'infirmier, dit-il en me regardant.
_Rappelle moi qui est le chef.
Il sourit. Je marque un point.
_Tu as gagné, comme toujours. Allons marcher, je veux te parler seul à seul.
Je le suis et grimace à chaque pas, il le remarque et je le sens sourire intérieurement. Je ris à mon tour. Qu'est-ce qu'il m'exaspère parfois, mais c'est le seul qui arrive encore à me faire rire. Dehors le coucher de soleil éclaire le ciel, il fait doux. Une fois enfoncés dans la forêt, Bob s'arrête et brise le silence.
_Tu te souviens de ce qu'il s'est passé hier soir?
Hier soir. Bien sur. Je me souviens de chaque détail, j'ai frôlé la mort, mais je me suis battue pour déceler la signification de ces lumières bleues et j'ai quand même échoué. De ce fait, Bob à surement beaucoup à m'apprendre, et je préfère lui mentir afin qu'il m'explique clairement ce qu'il a vu.
_Vaguement.
_Tu as découvert quelque chose qui pourrait bien répondre à toute nos questions.
_Ce n'est pas grâce à moi.
Il me dévisage alors, intrigué.
_Qui d'autre?
_Jasper, dis-je dans un souffle.
Soudain, la dispute de la veille réapparaît comme une gigantesque claque. Le baiser. Ce baiser tueur qui me consommait de l'intérieur. Ce baiser qui m'a obligé à courir dans les bras de la mort. Apercevant mon air perdu et inquiet, Bob se renseigne.
_Juliane, qu'est-ce qu'il s'est passé hier soir avec lui? demande-t-il doucement.
Il cherche à poser une main amicale sur mon épaule mais je le repousse, et me renfrogne.
_Ça ne te regarde pas, pas plus que ce qui m'a fait m'enfuir, je lance froidement. Revenons-en aux lumières bleues.
Il me dévisage et le vent se met à souffler, ce qui fait danser ses boucles brunes dans l'obscurité. Je sens que mes paroles l'ont touché, mais il faut qu'il comprenne que je ne suis ni son amie, ni Ely. Je ne vais pas me confier et pleurnicher sur mon sort comme le ferai sa princesse.
_T'es un livre à toi toute seule, finit-il par répliquer en reprenant son air professionnel.
_Pas le genre de livre que tu aimerais lire en tout cas.
Nous baissons tout les deux les yeux et un silence pesant s'installe dans l'atmosphère. Mais Bob, impatient, finir par dire:
_Le cri, ça te dit quelque chose?
Je me retourne vers lui, étonné.
_Le quoi?
_C, R, I. C'est que qu'il y avait écrit au fond de l'eau.
_Non, ça ne me dit rien.
Il se tourne face à moi et déclare.
_J'ai eu le temps d'y réfléchir aujourd'hui et je ne sais pas si je me suis posé les bonnes questions mais j'ai une hypothèse.
Ses paroles attisent ma curiosité, et je l'écoute alors plus attentivement. Il se lance sur ses réflexions des dernières heures et m'expose le problème. Que signifie ce mot? Quel message veut-il nous faire passer?
_J'ai longuement étudié la chose tu sais, et rien de tout ce que j'ai pu trouver ne me paraissait logique.
_C'est parce que rien n'est logique, je réplique.
_Au contraire Juliane, continue-t-il. Nous ne sommes pas là par hasard. Regarde les enragés et les hordes, tout est calculé à la seconde près. Dit moi, où sommes-nous?
_Enfermés.
_Très bien, mais par qui?
Je comprends alors où il veut en venir.
_Je les ai appelé les formateurs, je lui réponds.
_Exactement! Tu as trouvé ce nom instinctivement, au hasard, et pourtant il y a bien une raison. Ils nous forment Juliane, je ne sais pas dans quel but mais tout cela est une formation.
Il a raison, il a tout juste. Je n'ai jamais pu formuler une pensée claire la dessus puis il se pointe, et il a raison. J'en reste sans voix mais lui va au bout de son raisonnement.
_Un cri, ça pourrait signifier beaucoup de choses, alors c'est pareil, ce n'est pas un hasard ni une énigme placé par les formateurs pour nous faire avancer. Si tu y réfléchis, nous n'étions pas supposés tomber dessus.
Je fronce les sourcils.
_Une indication placée au fond d'une rivière après un talus jonché de pierres et de ronces abrupt comme une falaise, tu trouves vraiment que ça ressemble à une invitation?
Je hoche la tête.
_On est d'accord. Tu ne te souviens pas de la vie dans les camps mais je peux te dire qu'on retrouvait l'insigne du gouvernement partout. Sur nos draps, sur nos habits, sur les meubles... Toute organisation marque ses biens.
_Bob, je ne comprends pas.
Il relève sa manche et me montre son mouchard bleu.
_Nous leur appartenons.
_Ça je m'en étais rendu compte, merci, mais quel rapport avec le mot?
Un sourire sadique se dessine sur son visage, il a compris, contrairement à moi.
_Ce n'est pas un mot Juliane, mais un sigle. Les formateurs ont marqué leur bien le plus précieux. L'arène appartient au C.R.I.

Les Lumières BleuesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant