Venatus Imperium

Gaalaad

C'était une petite cour en pierre lisse, posée au bord de la falaise abrupte. La végétation s'enroulait autour des piliers, rampait parmi les pavés puis plongeait le long de la falaise. On entendait de là la cascade d'eau claire et pure offerte à la Nature, se camouflant parmi le vaste paysage envahit par les reliefs. Au centre de cette petite cour ronde une fontaine abreuvait oiseaux et insectes en tout genre. Même le bruit des sandales de la jeune femme claquant doucement sur les dalles se fondait dans le doux balais de la Nature. Elle s'avança vers le bord, suivie par la traîne immaculée de sa robe blanche parsemée de bijoux d'or. Elle posa sa main pâle sur un pilier, ses cheveux blonds noués de façon complexe et habile, dévoilant son cou blanc et fin. Le soleil jetait un voile doré sur la végétation et se reflétait dans l'eau limpide. Elle n'eut pas le temps d'en s'en délecter que des talons d'homme se firent entendre.

- L'ambassadeur est là, ma Dame.

Elle se retourna et le serviteur se courba très bas sous son regard azur.

- Où est-il ?

- Il vous attend dans vos appartements, ma Dame.

Il se s'était pas relevé pour autant. Alors elle le remercia et prit congé de lui.

La jeune femme traversa l'immense palais de marbre blanc, d'ivoire et d'or pour rejoindre ses appartements dans l'aile nord. Tout était vaste, haut et riche, d'une blancheur éclatante et d'une pûreté à couper le souffle. On laissait volontairement quelques morceaux de végétation s'nfiltrer et grimper pour un effet encore plus féérique et spectaculaire. Lorsqu'elle arriva près de ses quartiers elle remarqua immédiatement que la délégation des vampires l'attendait. Une forte tension régnait et s'ampifia tandis qu'elle s'approcha du groupe. Il contrastait totalement avec le palais et elle par leurs habits sombres et leurs visages très durs et fermés. Que des sangs-pur, sans aucun doute possible. Un homme se détacha et s'avanca. Ils se courbèrent simultanément.

- Ma Dame, dit l'homme dans une grande politesse.

Sa voix était calme et posée, inspirant le respect. Ils se détachèrent de la délégation et s'isolèrent dans le jardin fleuri de la jeune femme. Aussitôt l'atmosphère changea et se fit plus détendue.

- Galaad, comme je suis heureuse de te revoir !

Ils s'étreignirent brièvement. Un sourire creusa le visage du vampire aux prunelles grises et glaciales.

- Tu te portes comme un charme, Anja, j'en suis ravi !

La cadre était trop stricte pour se laisser aller à l'amitié, aussi ils ne purent s'étaler bien longtemps sur leur vie personnelle.

- Malheureusement je ne suis ici que dans un but professionnel et intéressé, ajouta Galaad. La délégation du commerce a examiné tes demandes de partenariat avec l'industrie médicinale, et je suis enchanté de t'apprendre qu'elles ont été acceptées.

- Quelle bonne nouvelle !

- En effet ! Cependant nous devons discuter de quelques conditions.

Ils discutèrent des heures durant du contrat, chacun se tenant à ses propres exigences, jusqu'à ce que la nuit pointe le bout de son nez. La Nature se transformait, devenant plus sombre et inquiètante. Maintenant que tout avait été abordé et que la nuit tombait, ils pouvaient se laisser aller à la confidence. Galaad avait suggéré, voire même ordonné à la délégation de le laisser seul avec Anja, sans protection superflue. L'elfe et le vampire étaient de vieux amis, des amis d'enfance pour tout dire. Leur complicité malgré leurs différences avait été difficile à accepter pour la plupart de leurs proches, mais leur lien n'en avaient été que renforcé. Au fil des années leur relation changea, et Galaad considéra peu à peu Anja comme la petite soeur qu'il n'avait pas, malgré le poid de leurs différences et de leurs responsabilités grandissantes qui ne cessaient de s'alourdir.

- Quand dois-tu repartir ? demanda Anja.

- Après-demain, à l'aube. Nous avons encore un peu de temps devant nous.

- Dans ce cas j'aimerai t'emmener quelque part ce soir.

- Je te suis.

Ils furent pris d'une soudaine proximité et il la prit dans ses bras en déposant un baiser bienveillant sur son front. Puis il s'éloigna d'elle, la fixant de ses grands yeux d'acier. Il était très rare qu'un sang-pur vive une telle relation amicale, d'autant plus avec quelqu'un d'une autre race. Cependant jamais ils ne s'étaient sentis amoureux, ils avaient su déceler la limite bien des années auparavant, et c'est en parti ce qui rendait leur relation si belle. Anja repassa par ses appartements récupérer une longue cape brune qu'elle déposa gracieusement sur ses épaules puis ils quittèrent le palais. La soirée était douce et les oiseaux gazouillaient toujours, apportant un charme unique aux lieux. Ils descendirent sur les flancs de la montagne, quittant la richesse démesurée digne des hauts elfes pour s'enfoncer sur des chemins plus secs et terreux, modestes. Ils ne tardèrent pas à apercevoir un village boisé un peu plus bas. Les gens qu'ils croisaient les saluaient, et ils firent de même. Anja n'avait pas le caractère hautain et méprisant des hauts elfes envers les autres peuples, elle prônait l'égalité et le respect. Ils s'aventurèrent dans le village d'elfes des bois, reconnaissables au premier coup d'oeil grâce à leurs vêtements verts en marron, souvent tirés directement de la nature. Anja connaissait un petit endroit où se poser tranquillement, à l'abri des regards. On les installa dehors, sur une terrasse boisée construite tout au bord de la falaise, les fondations bien visibles touchant la roche bien des mètres plus bas.

- J'ai pris un coupe-faim il y a deux jours, ajouta Galaad.

- Ah, bon, très bien, tu as bien fait. Chasser sur notre territoire est sûrement la dernière des choses à faire pour un vampire, surtout un haut gradé tel que toi.

Le ciel était presque noir maintenant, le soleil avait disparu et laissé place à la belle lune.

- Demain je vais remplacer mon père, je vais sièger pour la première fois au Conseil. Je t'avoue que le stress monte peu à peu.

Un serveur apporta un verre de liqueur fruitée à Anja, qui prit la coupe entre ses mains sans la porter à ses lèvres. Galaad l'observait sans un mot.

- Imagine que ça ne se passe pas bien...

- Mais non, ne t'en fais pas. Il est temps que tu mettes en pratique tout ce que tu as appris jusqu'à maintenant. Ne sois pas intimidée, sinon tu deviendras la cible.

Elle préféra rester silencieuse et porta délicatement la coupe de cristal à ses lèvres. La boisson coula lentement dans sa gorge, déposant un parfum agréablement fruité et d'une légèreté trompeuse sur sa langue.