Enchaîné - Chapitre 11

114 14 13
                                    


22 avril, 2014

      C'était trois missions en une journée. Vingt-quatre heures pour tout régler. On lui avait donné un ordre précis et il ne devait pas s'en éloigner.



      Michael Chambers. Treize heures et deux minutes. Bibliothèque de Dallas. C'était un homme grassouillet, avec un sourire franc et de petits yeux enfoncés dans leur orbite. Cinq pieds, six pouces. Cheveux roux avec une moustache digne des années 70. Le soldat n'avait pas comprit cette référence. De quoi avait l'air les années 70, il se le demandait bien. Il en conclut que cela devait ressembler à cet homme.


      Il était dans un petit jet, traversant les états sans s'en rendre compte. Il regardait devant lui, sans parler. Trois hommes étaient avec lui. Les trois étaient assis plus loin, jouant aux cartes. Il se rappelait vaguement qu'il avait apprit, une fois, à jouer au poker. Quand, il n'aurait su le dire, mais l'information était encore quelque part. C'était comme monter sur un vélo. Ça ne s'oubliait pas. Peut-être aurait-il voulu jouer avec eux. Il se demanda ce que cela faisait de parler avec les autres, d'avoir quelque chose à dire. Il s'interrogea sur l'impact que cela aurait sur ses missions s'il ne retournait pas sur la glace. Aurait-il des histoires à partager avec eux, avec Rumlow? Partageraient-ils des blagues qui les feraient tous rire? Rire... C'était quelque chose qu'il ne faisait plus. Pas. L'avait-il déjà fait? Rien, dans les tréfonds obscures de ses pensées, ne le lui indiquait. Peut-être il y avait plusieurs années, très loin, dans une jeunesse depuis longtemps perdue.


      Rien ne se vit sur son visage alors qu'il constatait qu'il n'avait rien en commun avec la vie des gens qui l'entouraient. Il n'en aurait jamais. Il n'avait pas de vie, proprement dit. Les armes n'avaient pas de vie. Les hommes avaient des vies. Il n'était pas un homme, mais un soldat. Il y avait beaucoup de différences.



      Treize heures et une minutes. Le soldat poussa une porte qui grinça sur ses gonds. Il regarda les pentures, puis devant lui à nouveau. Aucun bruit. Il traversa un couloir, puis passa une nouvelle porte. Il se trouva dans une réserve où des rangés s'entassaient à la file indienne, des boites de cartons s'empilant sur les étagères poussiéreuses. Il ne s'attarda pas à regarder. Les autres derrière lui le feraient. Son arme se balançait au rythme de ses pas contre sa jambe droite. Derrière lui, les hommes avançaient précautionneusement. Pas lui. Il savait ce qu'il avait à faire. Il ne serait pas blessé. Il ne l'était jamais.


       Il poussa une nouvelle porte et se retrouva dans une aire ouverte. Sa cible était là, derrière un comptoir. Quelque personnes étaient assises ici et là, aux tables disposées à égale distance les unes des autres. Tant pis.


      Il leva son arme et visa le cœur de l'homme. La détonation rugit violemment dans la pièce, mais ce furent les cris qui lui explosèrent les tympans. Un enfant se mit à pleurer et son cœur s'emballa. Il tourna la tête vers le jeune garçon, caché sous la table, dans les bras d'une mère en hystérie. Son souffle se coupa. Sa tête tourna. Il cligna des yeux plusieurs fois avant de détourner la tête vers sa victime qui s'était effondrée derrière son comptoir. Il y monta d'un mouvement leste, presque gracieux. Il y resta accroupi et observa l'homme. Le sang s'échappait de sa blessure, un peu trop haute pour être fatale sur le coup.


«– S'il... vous... marmonna-t-il, du sang coulant au coin de sa bouche.»


Brise d'été et vent d'hiverWhere stories live. Discover now