Enchaîné - chapitre 13

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29 avril, 2014

      L'agence était toujours sur le qui-vive. Le soldat n'avait pas trouvé la clef. Elle était quelque part, perdue dans le néant et qui pouvait savoir ce qu'il y avait vraiment dessus! Où était-elle? Pouvaient-ils retourner dans cette maison en deuil pour finir la mission? Peut-être n'y était-elle même pas!


      Ce qui était sûr, c'était que Beverly ne l'avait pas. Rumlow s'en était assuré. La jeune femme avait été fantomatique toute une semaine. La mort de ce garçon l'affectait plus qu'il n'y aurait cru. Après tout, ils ne se voyaient que rarement. Leur intimité s'était résumée à un minimum dont Beverly se contentait et dont l'autre ne savait pas quoi en faire. Rumlow continua d'observer sa cible, à tous les soirs dans sa petite chambre qu'elle refaisait sienne après le vol, à chaque cours depuis l'avant de la classe. Il remarqua comment elle prenait ses notes. Elle était concentrée, elle posait des questions pertinentes et motiva certains débats. C'était comme si rien ne s'était passé et, pourtant, derrière son regard, le militaire pouvait voir la mort. C'était du remord qui jetait un voile sur sa personnalité. C'était désolant.



      Le militaire avait appris beaucoup sur l'étudiante depuis le début de sa mission. Il s'y était investi, peut-être plus qu'il n'en avait l'habitude, selon quelques agents.


      Il avait mis un temps, relativement court, à gagner l'autorité sur ses élèves. On épiait toujours ses faits et gestes. On chuchotait encore sur son passage. Il était différent, sur bien des points aux autres professeurs du département, de l'établissement. Seulement, il s'avéra pertinent et utile aux yeux de ces jeunes passionnés. Il finit par s'immiscer dans les projets de ses élèves répondant à leurs questions et inquiétudes de parcours. Il y avait, là-dessous, un plaisir coupable de voyeurisme. Rumlow se montra suffisamment efficace pour tirer de Beverly un enthousiasme relativement naïf, impliquée qu'elle était à apprendre et découvrir. Il supervisa sa recherche, comme les autres.


      Il se tint au courant de sa procession, de ses mises-à-jour. Il se permit d'implanter des idées sur son chemin, quelques pistes. Il joua avec les informations qu'elle voulait trouver pour la diriger à l'aveuglette vers autre chose que Hydra et le Soldat de l'hiver. L'homme l'aida autant qu'il lui nuit sans qu'elle put jamais clairement le pointer, lui particulièrement, du doigt. Il étudia ses méthodes de recherches, ses tactiques pour déjouer ses coups bas, sa débrouillardise. Elle avait beaucoup de ressources. Elle n'avait aucune confiance en lui, il le savait, mais elle restait passive en public.



      Dans l'intimité de son bureau, toutefois, il en était autrement. Beaucoup trop souvent pour un professeur et une élève normaux, se rencontrèrent-ils pour parler de cette thèse. Et ils ne parlèrent effectivement que de la thèse, des réponses à trouver, de nouvelles questions. Assise sur la chaise devant lui, Beverly devenait furieuse, s'emportait sur son sujet et ce qu'il représentait socialement pour elle. Elle devenait provocatrice, défiante envers lui. Elle le jugeait, tentait de le cerner et tout ce qu'elle voyait de lui et croyait comprendre éclatait en morceau lorsqu'il lui offrait une nouvelle perspective de sa personnalité. La personnalité qu'il voulait bien lui offrir.


      Sournoisement, l'homme observa, nota, chaque petit détail que Beverly offrit d'elle-même dans ces rencontres. Il l'évalua comme il avait déjà évalué les recrues pour Hydra, plus encore pendant son deuil. Elle savait faire fi de ses émotions. Elle avait un esprit vif. Une agressivité dormait quelque part en elle, il le savait. Il suffisait de trouver ce qui la déclencherait. Elle s'isolait de son monde une fois sous pression. Le poids de la mort, du doute, l'éloignait des gens avec qui elle vivait. Elle n'appela ses parents qu'une fois au dix jours.

Brise d'été et vent d'hiverWhere stories live. Discover now