Enchaîné - chapitre 9

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4 juin, 2014; 18h56

      Il aurait juré avoir sentit le sol vibrer sous ses pieds. La vibration d'une voiture sur la route. Comme s'il n'avait pas été totalement seul. Toutefois, il était sur le toit d'un édifice, pas sur la route. Le soleil... La lumière du soleil donnait le même effet, éclatant dans ses couleurs de feu entre l'oranges et le rouge. Il faisait encore chaud malgré la nuit qui arrivait lentement. Comme ce jour-là...


      Secouant la tête, le soldat chercha une position assise plus confortable. Ce fut un échec. Il lança un regard derrière lui à nouveau, puis il regarda la rue. Personne en vue. Sa cible était en retard. Rumlow lui avait dit quarante-sept minutes.


«– Où est-elle? s'informa-t-il, se demandant s'il devait rester.
Elle sait qu'on la suit alors elle prend un chemin différent. Elle sera là d'un instant à l'autre.
Personne ne l'a croisée, voulut-il savoir en se redressant légèrement, son bras captant un rayon de soleil qui brilla de mille feu sur sa peau de métal.
Si elle tombe sur l'un de nos agents en chemin, il la tuera.»


      Ce serait du gâchis de la faire tuer au beau milieu de la rue. Il avait été assigné à cette mission. Il était là pour tuer. Il le ferait. Peu importait ce qu'il voyait dans sa tête. Sa mission était d'éliminer une fille qui en savait trop et qui compromettait les secrets de son organisation. Qu'est-ce que cela pouvait-il faire qu'elle fut un jour une petite fille?



       Elle était si petite dans ses bras, presque minuscule. Quand était-ce? Il y avait plusieurs années. Elle avait vingt-quatre ans maintenant. Cela faisait une bonne vingtaine d'année déjà. Une fillette de cinq ans, à peine. Il s'était beaucoup entraîné depuis, s'il l'avait rencontré aujourd'hui, elle se serait perdue dans ses bras. Se souvenait-il d'elle vraiment? Pierce lui avait dit que ce qu'il vivait parfois, lorsqu'il était trop longtemps hors de sa cryogénisation, n'était qu'un amas d'informations recueillis de ses missions. Ce n'était pas ses souvenirs. Pourquoi en aurait-il eus? Il avait travaillé pour Hydra toute sa vie. L'avait-il?


      Il se demanda s'il n'y avait pas un peu de lui dans toutes ces images qu'il voyait aujourd'hui. Un peu de lui... Comment savoir, puisqu'il ne savait pas qui il était. Avait-il seulement un nom? On l'appelait le soldat de l'hiver, mais... ce n'était pas que ça. Il était autre chose. Il devait bien l'être! L'homme sur le pont l'avait appelé Bucky. Était-ce lui, Bucky? Pourquoi ne s'en souvenait-il pas?


«– Comment s'appelle-t-elle, questionna soudainement le soldat.
Je te l'ai dit tout à l'heure, soupira Rumlow avec exaspération. Beverly Brennan. Ta mission est de l'achever, de ne laisser aucune trace et de revenir. Aucun témoin.»


      C'était pourquoi elle devait mourir dans son appartement. Le soldat hocha la tête et n'ajouta rien. Il ferma les yeux un instant et se fit violence pour empêcher son esprit de vagabonder. Ce n'était ni le moment et surtout pas l'endroit.



      Les secondes passèrent si lentement, mais moins d'une minute plus tard, une brunette apparut au coin de la rue, marchant d'un pas décidé. C'était elle. Le soldat se redressa et l'observa, convaincu qu'il l'avait déjà vue. Où? Dans son souvenir. Était-ce bien la même fille? Une enfant devenue adulte? Incertain, il s'approcha du bord de l'édifice. Il vit, deux coins de rue plus loin, un homme en noir avec une casquette. Un agent. Il en vit un autre qui s'approchait de la jeune femme sans la regarder. Il passa à côté d'elle et ne fit rien. Le soldat sentit alors quelque chose qu'il ne sentait normalement jamais. Comme si un étau autour de son cœur s'était relâché. Il était soulagé. Elle n'était pas blessée. Il secoua la tête et se leva sur le toit. Elle ne le vit pas, pas encore.



      Rumlow eut l'impression de connaître la scène par cœur. Elle s'arrêta devant la grille, mais se ravisa en tournant la tête derrière elle. Elle vit le soldat. Elle le vit sans le voir, le soleil derrière lui rendant son bras incandescent. Elle fronça les sourcils entre l'inquiétude et la curiosité. Avait-elle peur? Non. Elle ne ressentit rien de la crainte. Elle put voir ses cheveux sombres cacher en partie son visage. Il avait encore ce masque. L'homme resta là, à la regarder en retour, immobile comme un lion devant sa proie. Elle fit un pas vers lui, l'observant avec attention. Sans qu'il put se retenir, il fit pareil. Seulement, elle se détourna rapidement, ferma la grille, et trottina jusqu'à sa porte. Elle regarda une dernière fois derrière elle avant de se cacher à l'intérieur.



      Le soldat posa un pied sur le rebord du toit où ils s'étaient perchés et se laissa tomber pour atterrir sur le trottoir sans une égratignure. Il replaça son manteau en traversant la rue, puis s'arrêta devant le mur blanc. Il tourna la tête sur sa gauche, puis la droite. Personne en vue pour l'instant. D'un mouvement rapide, il s'agrippa à la grille et monta jusqu'à la corniche. Les pics de la porte grattèrent contre son tibias, sans lui faire de mal pour autant. Lorsqu'il fut accroupi sur le dessus du mur, il lança un regard derrière lui et vit un signe de Rumlow. Il se lança de l'autre côté et s'appuya au mur un court instant. Il sentit la forêt...


      Il fallait que ça cesse. Il inspira profondément et s'avança dans la cours jusqu'à son fond et se cacha contre le mur. Habillement, il monta jusqu'au toit.



      Personne ne l'avait vu et lorsque Beverly regarda derrière le rideau de sa fenêtre, elle ne vit rien d'anormal. Le soleil qui se couchait et la rue. Pas d'homme. Elle soupira et revint sur ses pas pour rejoindre Anastasia et Nikolaï à la cuisine. La télévision était ouverte sur une chaîne de nouvelle. Des terroristes avaient attaqué un pont au centre-ville. Lorsqu'elle se joignit à eux, le jeune homme tourna la tête vers elle.


«– Ils ont arrêté Capitaine America, fit-il en désignant la télévision d'un mouvement de tête.
Pourquoi? souffla-t-elle en se penchant sur le comptoir.
Il est soupçonné de trahison, expliqua Anastasia, regardant toujours l'écran. Je dois vraiment y aller, soupira-t-elle en se levant. Je ne peux pas manquer mon cours, autant j'aimerais savoir la suite des événements.
Oui, moi aussi, intervint Nikolaï en se levant. Texte nous la suite, Bev'.
Oui, à ce soir, lança-t-elle, encore concentrée sur la télévision, oubliant d'enlever ses souliers.»

Brise d'été et vent d'hiverWhere stories live. Discover now