Chapitre 8 - Le chat et la souris

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Les jours suivants, Simon sortit peu de chez lui. Il entama un nouveau roman dans lequel son personnage principal n'était non pas une femme comme il en avait l'habitude, mais un homme. Un homme qui lui ressemblerait, comme une allégorie introspective. Il laissa ses doigts pianoter sur le clavier de son ordinateur sans regarder le sens des mots, mais le sens des phrases, leurs intentions, ses sensations, son ressenti. Il avait l'impression de se libérer d'une partie du poids qui l'oppressait.

Son personnage, comme lui, était souvent désagréable en société. C'était une chose que de le reconnaître, une autre que de l'accepter et le changer. S'il désirait modifier cet état de fait, il lui fallait de la patience et de la compréhension. Il ne pourrait pas le faire seul.

Une femme, un personnage, une idée persistante revenait comme un point rouge au milieu d'un écran, comme une étoile au milieu des ténèbres : Louise. Elle l'obsédait. Elle obsédait son personnage.

Les pages tombèrent à une vitesse folle tandis qu'il buvait café sur café et imagina son héros si souvent dans les bras de sa muse qu'il eut du mal à réaliser qu'elle ne soit pas là, près de lui, alors qu'il terminait un chapitre si orgasmique qu'il ne pouvait continuer.

Souvent, lorsqu'il écrivait des scènes torrides, Simon se trouvait si excité qu'il ne pouvait continuer sans se caresser lui-même. Sauf qu'il savait que s'il se soulageait, seul, il perdrait toute envie de terminer la scène en question. Il n'était pas rare qu'il terminât un chapitre particulièrement excitant le pantalon sur les genoux.

Le pire, c'est qu'il en avait honte. Et il se trouvait stupide d'en avoir honte. Il savait pertinemment que les lecteurs – et surtout les lectrices – se caresseraient en lisant ces passages, pourquoi dès lors se sentirait-il gêné d'en faire de même ? Pourquoi était-il normal, voire sain, d'imaginer une femme passer un doigt entre ses chairs humides pendant qu'elle lisait son livre et honteux de l'imaginer lui, s'excitant sur ses propres mots ? D'ailleurs, n'écrivait-il pas en premier lieu pour lui-même ? N'était-il pas son premier lecteur ?

Que de questions dont il n'avait pas la réponse ! Il en voulait une pourtant. Le chapitre terminé, la queue dressée devant son clavier, il fit ce que l'excitation lui dictait : appeler la première femme qui ne se refuserait pas à lui pour assouvir son désir.

— Salut, Simon, qu'est-ce que tu veux ?

— Salut Maria. Ça va ?

— Oui, merci, et toi ?

Elle avait l'air un poil agacée. Progressivement, son désir retomba.

— Super. J'ai besoin de prendre l'air, je peux passer chez toi ?

— Je... je ne suis pas vraiment disponible, désolée.

— Ah. Allez, je serais sage et obéissant comme tu l'aimes...

Il se haïssait d'avoir osé dire ça, uniquement par besoin.

— Toi, tu viens de terminer un chapitre cochon d'un de tes bouquins et tu as besoin de te soulager, n'est-ce pas ? demanda Maria.

— Je... Non, enfin si, mais...

— Laisse tomber, j'en ai marre de ça. Va te soulager chez quelqu'un d'autre, d'accord ? Pourquoi tu n'irais pas voir ta nouvelle greluche blonde, hein ?

— De quoi ? Qui ?

— Tu le sais très bien. Les rumeurs circulent vite. Alors, laisse-moi tranquille maintenant. Bonne journée.

Simon comprenait mieux son humeur. Ainsi donc, des rumeurs circulaient. De quoi était-il question ? Il se sentait à la fois ravi et gêné qu'on puisse ainsi parler de lui dans son dos.

Simon - Tome 1 : à demi-motOù les histoires vivent. Découvrez maintenant