Chapitre 16 - Mise au point

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Le mardi et le mercredi soir, Simon prétexta une soirée avec ses amis puis un entraînement pour ne pas retourner chez Louise.

Il devait se mortifier, mais il ne voulait absolument pas aller trop vite. Il savait le risque de tout faire rater parce qu'il pouvait être trop oppressant, trop pesant. Et puis, il aimait aussi son indépendance et ne voulait pas qu'elle le pensât toujours disponible.

Pourtant, il avait envie de la voir, de la toucher, de la sentir. Il se demanda si ce n'était qu'une attirance physique, mais il constata que ses pensées ne tournaient pas autour de son corps nu et des choses que cela pouvait évoquer, non il pensait vraiment à elle, à son sourire, à ses yeux, à sa manière de marcher ou de parler. C'était un sentiment incroyable. Lui qui avait toujours détesté perdre le contrôle, il se blottissait dans cet abîme sans fond avec une insouciance confondante.

Une part de son esprit lui criait de faire attention, de ne pas se laisser berner par le subterfuge des sens, le mirage des émotions. Mais cette part-là était incapable de couvrir le bruit de son cœur et de son âme. Louise était fixée sur sa rétine et il la voyait danser chaque fois qu'il clignait des yeux.

Pour faire bonne figure, il alla vraiment chez Léo le mardi soir et à la boxe le mercredi. S'il avait eu son ami assez souvent au téléphone ces derniers temps, cela faisait par contre un moment qu'il n'avait pas enfilé les gants. L'énergie qui dégageait de lui ce soir-là était incroyable. Il savait la colère ou la frustration source de puissance, mais il ne connaissait pas la même capacité dans les affres de l'amour.

Alors qu'il frappait un punching-ball qui ne lui avait rien fait, il s'arrêta soudainement. Il venait de penser « amour ». Depuis le tout premier instant où il avait vu Louise, il n'avait jamais ne serait-ce qu'imaginé ce sentiment. C'était un mot à ne pas prendre à la légère, c'était un mot important, c'était un mot conséquent. Il ne pouvait pas le penser sans le concrétiser. Il fallait lui donner une réalité, immédiatement.

Est-ce qu'il aimait Louise ? Est-ce qu'il s'était perdu au point de s'aveugler dans ce qu'il redoutait le plus ? Aimer, ce n'était pas possible, beaucoup trop tôt. Mais il pouvait déjà être amoureux. Simon avait une théorie bien à lui sur la question. Il ne la partageait qu'avec Léo, mais il se promit d'essayer de tâter le terrain avec Louise aussi. Pour lui, le sentiment amoureux n'était pas de l'amour et inversement. Ou plutôt, la passion des débuts n'était pas de l'amour. La passion était facile et volage, éphémère et intangible. L'amour était difficile, risqué, durable et concret. L'amour demandait des engagements, des efforts, des attentions, à tout moment. La passion se suffisait à elle-même, elle s'auto-entretenait, elle produisait assez d'énergie pour alimenter les fougues.

Il existait des théories, comme quoi la passion se dissipait forcément au bout de quelque temps. Certaines étapes d'une relation, dans la durée, étaient difficiles à franchir. Il y avait le cap des deux mois, celui des premiers ébats, quand son partenaire était inévitablement un prince charmant ou une princesse, enrobé dans un mirage sensoriel surpuissant. Puis il y avait le cap des six mois, souvent celui des premières lassitudes, de la routine, de l'amertume. C'était un cap assez facile à tenir si aucun élément provocateur ne venait s'immiscer entre les deux amants. L'étape des deux ans était nettement plus costaude. C'était souvent à ce moment-là que l'un des deux demandait davantage d'engagements : s'installer ensemble ou sortir la carte de crédit pour s'offrir un luxueux rassemblement d'amis et de parents destiné à officialiser l'union. C'était une étape critique, probablement la plus critique. Simon ne savait absolument pas comment gérer cette étape. Alors quant à imaginer franchir celle des sept années de vie commune...

Le temps s'était arrêté autour de Simon tandis qu'il venait de réaliser qu'il avait enfreint sa propre règle : il était en train de s'imaginer avec Louise sept ans plus tard ! Son cas devait être beaucoup plus désespéré qu'il ne le pensait.

Simon - Tome 1 : à demi-motOù les histoires vivent. Découvrez maintenant