Chapitre 12 - Derek

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Derek est allongé sur son lit, absorbé dans ses lectures. Les volets tirés le protègent de la chaleur étouffante de cette fin d'après midi. Les voix monotones de ses parents, en pleine discussion à l'extérieur, lui parviennent des fenêtres entrouvertes, sans qu'il ne cherche à en saisir le sens. Le grincement des gongs de la porte de sa chambre attire son attention et ses yeux se posent sur Ambrose. Le jardinier est immobile dans le chambranle de la porte, les bras ballants le long de son corps, comme embarrassé. Le cœur de Derek se met à battre un peu plus fort. Il n'arrête pas de penser au jeune homme depuis leur dernier tête à tête, sur le chemin de campagne. Ambrose l'avait patiemment raccompagné jusqu'à la maison, portant ses livres et lui avait même prêté sa casquette pour le protéger du soleil.

Et voilà qu'il frappe à la porte de sa chambre. Son visage luit de sueur et ses épaules nues ont rougies sous d'effet d'un coup de soleil. Son débardeur est taché de terre comme les chaussettes bouchonnées autour de ses chevilles. Des gants de jardinage gonflent la poche de son short. Il oscille sur ses deux pieds, regardant d'un air gêné ses chaussures terreuses et l'intérieur impeccablement propre de la chambre de Derek. Celui-ci se relève, lui sourit et d'un signe de la tête, lui fait signe d'entrer.

« Je voulais vous demander...

Ambrose s'interrompt.

« On peut se tutoyer tu sais.

Le jardinier sourit maladroitement.

« Je sors ce soir et je n'ai pas vraiment de vêtements appropriés. Votre mère m'a dit que vous... que tu aurais ce qu'il fallait, et je voulais savoir si je pouvais t'emprunter quelque chose.

Il vient m'emprunter des vêtements, c'est tout. Derek ressent un pincement au cœur, un nœud dans le ventre sans comprendre ce que cela signifie.

« Tu n'as rien à te mettre pour plaire à une fille ?

A peine a-t-il finit sa phrase, qu'il regrette son ton agressif. Il tente de sourire pour faire passer sa remarque comme une plaisanterie. Ambrose hausse les épaules ; s'il a été blessé par son interlocuteur, il ne le montre pas.

« Je veux juste être bien habillé pour sortir.

Il ne précise pas que c'est un rendez-vous galant.

« Je ne voulais pas être désagréable, précise Derek en rougissant.

A son tour embarrassé, le jeune homme se précipite vers son armoire, pour éviter de faire face à au jardinier. Il sort plusieurs pantalons, des chemises, des pulls, tout ce qu'il trouve et les apporte sur le lit. Nerveux, il présente les vêtements, les repose, les compare.

« Cette chemise va être un peu juste tu es plus...

Il rougit et s'interrompt. Il voudrait dire plus musclé que moi, mais cela impliquerait qu'il a prit le temps de l'observer. Sans s'arrêter, il lui tend une paire de mocassin beige, des espadrilles noires. Son cœur bat la chamade et il effectue de grands gestes pour qu'Ambrose ne remarque pas ses mains tremblantes.

« Je viens de passer l'après midi dans le jardin de tes parents, dit le jardinier d'une voix douce. Je peux prendre une douche avant d'essayer quelque chose ?

La question laisse Derek interdit. Il imagine aussitôt le jeune homme en situation et s'en sent immédiatement coupable. Après quelques secondes de silence, il secoue la tête et bredouille.

« Bien entendu, bien sur, tu peux utiliser la mienne.

Il se retourne et traverse sa chambre vers une porte qui mène à une pièce attenante. Il conduit Ambrose dans sa salle de bain. La luminosité dans la pièce, dont les volets n'ont pas été tirés, est éblouissante et contraste avec la douce pénombre de la chambre à coucher. Le bois du sol et des meubles est un peu passé, mais les équipements de faïence sont d'un blanc lumineux. Derek y entraine Ambrose.

« Tu as des serviettes ici et tout ce dont tu peux avoir besoin dans la douche.

Les deux garçons restent immobiles et silencieux. Derek ne sait plus comment se comporter. Au sourire d'Ambrose, il comprend qu'il est temps pour lui de le laisser.

« Oh oui, s'embarrasse-t-il, je te laisse.

Il lui tourne brusquement le dos et quand il referme la porte de la salle de bain derrière lui, son cœur bat la chamade. Adossé au mur, il imagine le jardinier dans l'autre pièce et sa main se tend contre sa propre volonté vers la poignée de la porte. Dans cette vieille demeure, le moindre pas fait grincer le parquet, les portes ne s'ouvrent qu'en gémissant, aussi Derek interrompt son geste. Mais quand il entend l'eau de la douche couler bruyamment dans la vieille tuyauterie et s'écraser avec fracas contre la faïence, il ose à nouveau poser la main sur la poigné. Il pousse le plus lentement possible la porte et l'entrouvre d'une dizaine de centimètre. Une psyché fait face à cette ouverture, et lui renvoie le reflet d'une extrémité de la baignoire. Le souffle coupé, Derek observe un morceau d'Ambrose : une épaule savonneuse qui passe devant le miroir, une hanche nue, la marque de bronzage qui sépare les fesses de son dos. Il sent ses joues devenir écarlates et les jointures de sa main blanchissent tant ses doigts se crispent sur le chambranle de la porte. Un cri, venu du couloir, vient le tirer de sa contemplation et son sang se glace. Son nom, porté par la voix de sa sœur et les pas de cette dernière courant dans l'escalier. Dans la salle de bain, Ambrose s'est aussi redressé en entendant le cri et Derek a vu une partie de son reflet se tourner vers la porte. Le jeune homme se rue hors de sa chambre et empoigne sa sœur, au moment où elle allait franchir le pas de sa porte. Il lui plaque une main sur la bouche et l'entraîne dans le couloir. Lysandre s'est d'abord laissée faire, prise par surprise mais rapidement, elle se débat et veut chasser la main sur sa bouche mais Derek tente de tenir sa prise. Elle obtient rapidement le dessus et repousse brutalement son frère.

« Tu es fou, qu'est-ce qu'il te prend ! Explose-t-elle.

Observatrice, elle détecte immédiatement les joues cramoisies de son frère hors d'haleine, ses mains tremblantes, tout son corps tendu. Derek, mortifié, fuit son regard. Lysandre tourne alors la tête vers la porte de la chambre de son frère.

« Que se passe-t-il là dedans ?

- Rien, maugrée Derek.

Lysandre tente un pas de côté pour passer, mais son frère la suit à nouveau, pour lui bloquer le passage. Elle finit par l'écarter brusquement mais Derek lui attrape la main. Ils se coursent sur les quelques mètres du couloir et en arrivant devant la porte de la chambre, ils trébuchent l'un sur l'autre, quand elle s'ouvre sur Ambrose, séché et habillé. Il a choisi un pantalon de toile beige qu'il a replié à mi mollet, des espadrilles noires et un tee-shirt cintré anthracite par dessus lequel il a enfilé un veston. Ses cheveux encore humides tombent bas dans sa nuque et sur son front. 

« Je... j'ai trouvé ce qu'il me fallait.

Derek lui tourne le dos et se passe nerveusement une main dans les cheveux.

« Super, super, bredouille-il.

- Merci beaucoup alors.

Après avoir descendu quelques marches, il se retourne.

« Bonne soirée !

Derek se laisse aller contre un mur et son cogne le front à plusieurs reprises. Lysandre, qui a observé la scène sans rien dire, vient se plaquer contre son dos et passe ses bras autour de sa taille. La joue appuyée contre le mur, Derek murmure, la gorge douloureusement nouée.

« Il était simplement venu m'emprunter des vêtements pour ce soir.

« Je ne demandais aucune explication, lui répond Lysandre dans un petit rire.

- J'étais ridicule ? demande Derek d'une voie brisée. Il va me trouver ridicule ?

Lysandre ne répond pas et resserre son étreinte pour le réconforter.

Une saison brûlanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant