Chapitre 13 - Derek

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De nombreuses ornières creusent le chemin de terre emprunté par la mobylette et son conducteur doit concentrer toute son attention pour ne pas faire tomber le véhicule. A la vitesse à laquelle il roule, ses passagers ne risqueraient rien mais Ambrose s'applique tout de même. L'engin est plus bruyant qu'efficace, mais il a insisté pour qu'ils l'utilisent, Derek et lui, pour aller dans la campagne. Ils vont têtes nues, n'ayant pas réussi à mettre la main sur des casques. Derek a enlacé son conducteur et s'agrippe à lui comme si la vitesse risquait de le faire tomber. Ambrose a un peu de mal à respirer avec les bras de son passager croisés sur son ventre mais il sourit plutôt que d'en faire la remarque. Derek pose sa joue sur l'épaule de son conducteur et regarde le paysage qui défile sous ses yeux, aussi lentement que plein de soubresaut. Il souhaiterait que ce trajet n'en finisse pas et remercie le véhicule d'être aussi poussif. Il s'abime dans la contemplation du duvet blanc qui couvre la nuque et les oreilles de son ami. Comme il aimerait que ces vacances ne se terminent jamais. Ambrose arrête la mobylette à l'orée d'un bois. Ils la laissent contre un arbre et s'enfoncent entre les arbres. Sous le branchage, la fraicheur leur permet de respirer plus normalement. Ambrose conduit Derek à travers les arbres jusqu'à une petite clairière où passe une rivière à l'eau transparente. Derek s'assied dans l'herbe, heureux de trouver un coin d'ombre et de fraicheur. En même temps qu'il s'assied, son regard descend sur les jambes d'Ambrose. Elles sont velues comme celles d'un faune et le soleil transforme le duvet qui les couvre en une aura brumeuse. Au niveau des chevilles, la sueur dessine de sombres sillons dans la poussière qui colle à la peau. Un instant de silence et d'immobilité fait prendre conscience à Derek que son compagnon le regarde, parfaitement conscient de l'observation dont il est l'objet. Embarrassé, il relève la tête. Ambrose se tourne vers la rivière qui traverse la minuscule clairière et dont le lit disparaît derrière des buissons après un virage. Le court d'eau reçoit les rayons du soleil de plein fouet et scintille de reflets d'argent.

« Viens te baigner, propose Ambrose.

- Tu aurais du me dire où nous allions, nous n'avons pas emporté de maillots.

- Nous n'avons pas besoin de maillots.

Un sourire innocent éclaire son visage et il tourne la tête vers l'eau. Il se déshabille avec une aisance qui rend Derek amer et jaloux, lui dont la pudeur cuirasse chacun de ses mouvements. Il traverse la clairière en courant et se jette à l'eau sans hésiter. Ses cris et les clapotis de l'eau qu'il fend de brasses et de plongeons, rompent le silence de la forêt. Il exhorte son compagnon à venir le rejoindre et le jeune homme hésite. Mais la peur de se retrouver nu en pleine forêt l'emporte et il décline l'invitation à plusieurs reprises. Alors le nageur se met à faire la planche et s'éloigne, doucement emporté par le courant. Rapidement, le voici qui tourne derrière les buissons et disparaît à la vue de son compagnon resté sur la berge. Un profond sentiment d'abandon lui étreint le cœur quand le silence s'installe à nouveau. Un nœud dans la gorge gêne sa respiration. Devant lui, les vêtements abandonnés par son ami. Une idée germe dans son esprit, qu'il repousse aussitôt. Mais elle a éclot et comme une vague, elle revient sans cesse. Son cœur s'emballe et alors même qu'il n'a rien fait, il rougit. Plus il y pense et plus il rougit et s'énerve. Finalement, il étend sa main tremblante au-dessus des vêtements abandonnés, écarte les doigts puis referme le poing et replie le bras précipitamment. Il observe attentivement le bras de la rivière, où Ambrose a disparut et attend son retour. Mais personne ne vient. Toujours tremblant, Derek tend alors à nouveau le bras au dessus des vêtements de son compagnon. Il sépare la fine chemise de lin et le short en coton, le caleçon à carreau et les mocassins en daim puis les étale au sol, comme s'ils habillaient une personne allongée. Il s'allonge sur ce corps imaginaire, sur ces vêtements vides et plonge la tête dans le col de la chemise, à la recherche de l'odeur et de la chaleur du corps d'Ambrose. Le tissu est encore chaud et légèrement humide mais l'odeur de l'herbe sur lequel il repose, masque celle de son propriétaire. Derek glisse vers le short. La joue posée sur la poche du vêtement, il porte le caleçon à carreaux à son visage et respire profondément le tissu. Les clapotis de l'eau le rappellent à la réalité au moment où Ambrose réapparaît et sort de la rivière. Derek rejette le sous vêtement qu'il tenait et regarde son compagnon le rejoindre. Ambrose ne cherche pas à masquer sa nudité et ne semble absolument pas gêné. Il s'allonge aux côtés de Derek qui suffoque à le voir aussi à l'aise. Il le maudit intérieurement de lui infliger un spectacle qui le bouleverse, mais ne peut pas détacher son regard de ce corps nu.

« Tu aurais du venir, insiste Ambrose. Elle est fraiche, cela fait du bien.

Derek déglutit difficilement. Il voudrait détourner son regard mais reste irrésistiblement attiré. Son compagnon le regarde en souriant et brusquement, il se plaque contre lui. Derek pousse un cri de surprise. Le corps du jardinier, humide et glacé, le paralyse et ses bras restent écartés de peur de le toucher. Puis vient le baiser. La chaleur de sa langue contraste avec la température de ses lèvres. En même temps, Ambrose ouvre la braguette de Derek avec hâte. En sentant les mains froides glisser dans son caleçon, le garçon se raidit et tente de s'échapper. Mais Ambrose pèse sur lui et la volonté lui fait défaut. Il se laisse déshabiller, presque fataliste, et plonge les yeux dans le ciel qui les surplombe, tandis qu'Ambrose lui écarte les jambes et s'allonge contre lui. Il va prendre ce qu'il désire et me laisser seul. Il va me briser le cœur. Derek retient un sanglot avec peine. Les mains d'Ambrose, glacées et encore mouillées apaisent la sève bouillonnante qui grimpait à toute vitesse le long de sa tige raide. Cela ne peut que mal finir.

« Ne me fais pas de mal, murmure Derek en retenant ses larmes.

- Bien sûr que non, répond Ambrose. C'est toi qui décide.

Il se redresse et s'installe à califourchon sur Derek. Il faut quelques secondes à ce dernier pour comprendre le quiproquo que ses mots ont généré. Il voudrait prévenir son amant qu'il ne parlait pas de sexe mais qu'importe, Ambrose a déjà craché dans sa main et Derek le sent enduire son sexe de salive. Accroupi au dessus de lui, il s'empale lentement et quand ses fesses froides se posent sur son pubis, il commence à s'agiter. Derek s'agrippe à ses pieds et tente de détourner son attention pour ne pas jouir immédiatement. Allongé sur le dos, il plonge son regard dans le ciel au dessus de lui, dans un paysage que n'aurait pas renié Seurat ou Pissarro. La frondaison qui les surplombe n'est qu'un amas de multiples tâches vertes, aux teintes allant du vert émeraude le plus sombre jusqu'au vert tirant sur le jaune, auxquelles se mêle le bleu du ciel. Il se concentre sur les chants des oiseaux qui accompagnent les halètements d'Ambrose, sur l'herbe grasse qui lui caresse les joues. Ambrose s'appuie de tout son poids sur son torse et ses mains encore froides de sa baignade le rafraichissent. Derek sent et entend ses bourses claquer contre son ventre. Il voudrait se retenir plus longtemps mais désespéré, il explose rapidement à l'intérieur de son amant. Mâchoire crispée, les yeux emplis de larmes, perdus dans les plus hautes branches, il se déverse en même temps que son cœur explose de bonheur. Ambrose poursuit ses mouvements et Derek sent des gouttes chaudes gicler sur son torse et dans son cou. 

Une saison brûlanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant