Chapitre 8 : Engelure

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Je me réveillai dans le froid et la glace. Je tremblai, sentant le blizzard impétueux parcourir mon échine. J'émergeai lentement du profond sommeil dans lequel je m'étais abandonné, hier, bercé par la chaleur et la respiration calme et régulière de Joe. J'ouvris mes petits yeux rubis embués de fatigue pour constater que ledit Joe n'était plus là. Seule la trace de son corps auparavant couché juste à côté était encore présente, recouverte d'une fine pellicule de givre. Me mettant sur mes courtes pattes, je cherchai le Deviljho en relevant mon long cou de cobra pour surpasser le mur de neige qui s'était formé autour de notre nid et scruter les environs. Que dalle.

Par contre, il avait sacrément neigé. Il devait y avoir vingt bons centimètres de poudreuse supplémentaires, donnant un total d'un gros demi-mètre de neige à traverser pour sortir du nid improvisé. J'entrepris de franchir ce mur de glace en le fragilisant de mes petites griffes bleu marine pour me frayer un chemin puis de nager pour me déplacer dans l'océan blanc. Une fois dans l'élément liquide gelé, je fus transi par la morsure cryogène de celui-ci. Seul le sommet de mon dos dépassait, ainsi que mon cou et ma tête. Je fendis la mer de neige, tremblant de froid, les lourds flocons qui continuaient de tomber se posant sur mon museau. Je me débattais dans la poudreuse depuis un bon moment lorsque j'aperçus le Deviljho qui dévorait goulûment un Popo, éclaboussant l'immensité immaculée d'un peu d'écarlate.

- H-Hey ! lançai-je, bouffant de la neige en voulant me presser vers lui, et grelottant à cause des -25°C environnants.

- Chalut ! répondit Cornichon géant, un morceau de viande entre les crocs, les babines suintant de salive. J'étais parti chercher à bouffer, comme tu peux le voir, mais j'avais une 'tite fringale, alors ...

- No problem, répondis-je en esquissant un fin sourire, j'peux me servir ?

- Tout à ton aise, acquiesça le Deviljho, se remettant à manger.

Nous dévorâmes le cadavre du gros mammouth jusqu'à ce qu'il n'en reste que les os, et encore, Joe s'amusant à en sucer la moelle, qu'il jugeait « délicieuse » et qu'il considérait comme « le meilleur là-dedans » ou encore « un met de choix », pour reprendre ses termes. Une fois le festin terminé, nous décidâmes de nous rendre en zone 1 de la Toundra, guidés par la carte que Joe considérait à présent comme la sienne.

Froid. C'est la première impression que me donnait l'endroit. Oui, je sais, c'est relativement con de dire d'une Toundra qu'elle est « froide ». Mais là, pour le coup, on passait de -25°C à -35°C sans transition. Donc ça pique. Et pour en rajouter une couche, le blizzard se déchaînait, semant ses éclats de glace sur son passage. Même Joe commençait à se les cailler sévèrement, lui qui prétendait tenir n'importe quel climat.

- Wow pu-putain, f-fait un p-peu frais d-d'un coup ! grelotta la wyverne brute.

Personnellement, je n'arrivai plus à articuler correctement ne serait-ce qu'un fichu mot, étant perpétuellement en mode vibreur. Notre duo brava la tempête de neige, avançant silencieusement dans la poudreuse, tous nos sens en alerte. Depuis que la Voix de la Raison m'avait prévenue de l'agressivité spontanée des monstres, je me méfiais, ainsi j'avais averti Joe de la dangerosité potentielle de notre traversée. Il avait approuvé ma suggestion de scruter attentivement les zones avant de tenter quoi que ce soit. Nous avions également opté pour une marche en queue leu leu, beaucoup plus sûre en terme d'assurage et beaucoup moins pénible pour moi, Joe déneigeant aisément le chemin de ses muscles puissants à ma place. Bref.

La zone 1 était une poignée de terre enneigée cernée de montagnes qui brandissaient leur pic acéré vers le ciel gris. Celles-ci étaient couvertes de pins, qui courraient sur tout leur long jusqu'à leur pied, débordant un peu sur la zone. Des Popos cherchaient vainement de l'herbe dissimulée sous l'épaisse couche de poudreuse, grattant celle-ci de leurs sabots poilus, barrissant de tristesse en ne découvrant pas un seul brin de leur précieuse nourriture tant recherchée. Ils prirent tous peur en nous voyant, et s'enfuirent, sauf le mâle dominant, qui osa se camper sur ses énormes pattes et nous provoquer, meuglant en nous présentant ses puissantes défenses, raclant le sol pour nous intimider.

La Marque du Héros - Tome I : Opération Grand Dragon Noir [Monster Hunter]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant