Chapitre 1

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C'était un jeudi pluvieux. Les gouttes d'eau ruisselaient sur la vitre de la limousine accompagnées des grondements de tonnerre qui se rapprochait de plus en plus. Garée devant la petite chapelle de l'île Atimude, le chauffeur ouvrit la portière de la voiture à sa passagère sous le gong résonnant du clocher non loin.

Vêtue d'une longue robe noire à dentelle, le visage caché par un voile, Fleure restait assise sur la banquette en cuir, le regard perdu dans le vide.

— Il est temps, mademoiselle, la prévint le chauffeur.

Sans un mot, la rouquine déploya son parapluie, se dirigeant vers le monument religieux.

Tous étaient déjà installés. Un silence lourd régnait dans la pièce froide. Un cercueil se trouvait au bout de l'allée, habillé d'une dizaine de couronnes fleuries. Retardataire, Fleure s'avançait sous le regard de tous, gardant la tête haute, laissant résonner le claquement de ses talons sur le sol fait de pierre.

Assise au premier rang, elle rejoignit Alice, qui, les larmes aux yeux, lui prit la main dans la sienne, prête à affronter la dure réalité.

— Bienvenue à tous. Nous sommes tristement réunis ici pour rendre hommage à Johanna (nom de famille), une amie, une élève, une enfant partie trop tôt. Chaque personne qui le souhaitera pourra venir dire un mot en son honneur. Nous allons offrir à Johanna un Adieu digne de ce nom. Pour ce fait, Juliana, s'il vous plaît...

Des sanglots se faisaient entendre. C'était dur. La cérémonie n'avait même pas encore commencé que les mouchoirs étaient déjà usagés. Juliana se leva, et, dans une grande inspiration, essuyant de son mouchoir en soie les quelques larmes qui glissaient le long de ses joues, elle s'avança sur l'estrade.

— Quand je survole cette salle du regard, je ne vois que tristesse et désarroi. J'aimerai vous dire que ce n'est pas grave, qu'il suffit d'un peu de temps pour accepter, pour ne plus y penser... malheureusement, ce serait vous mentir. Aujourd'hui, plus rien n'est pareil. Johanna, sûrement la jeune fille la plus courageuse et la plus joyeuse que j'aie connue est morte à cause de son pouvoir. Et je me dois de vous rappeler que cette année, ce n'est pas la seule. Pour vous, l'île Attimude est un monde paradisiaque, où vous vous sentez extraordinaire, puissant, plus fort que n'importe qui d'autre, mais c'est faux. Cette île est aussi maléfique que magique. Et c'est vous qui en payez les frais, jeunes inconscients, aveuglés par votre naïveté. Mais vous savez, je crois que je vous envie, vous ne savez pas regarder au-delà des apparences, et j'ai bien peur que ce soit ce qui causera votre perte, à tous.

Un peu déboussolés par ce discours qui n'avait rien d'un hommage réconfortant, les élèves et professeurs de l'école des pouvoirs s'échangèrent des regards interrogateurs, voire inquiets. Pourquoi Juliana était-elle si remontée ? Johanna était morte par malchance, à cause d'un pouvoir demandant trop d'énergie, ça n'avait rien avoir avec un acte cruel.

Ne voulant pas troubler plus les élèves, le prêtre remercia poliment Juliana pour son discours étonnant avant de laisser place à madame Maréchale, la professeure de français. Qui, elle, contrairement à sa directrice sut rendre honneur à Johanna avec une touchante intervention. Diego en fut de même, partageant de nombreux souvenirs de sa défunte petite amie. À eux deux, ils réussirent à faire oublier le malaisant discours de Juliana, laissant place à une ambiance plus détendue, chacun portant un petit sourire nostalgique aux lèvres.

***

La cérémonie touchant à sa fin, les amis proches de Johanna, ainsi que quelques professeurs se dirigèrent au cimetière de Tokama, là où le corps de la jeune fille serait enterré.

— L'île étant fermée à toutes entrées et sorties à cause de l'éveil du Roi maudit, la famille de Johanna ne peut pas être présente aujourd'hui. C'est alors en pensée avec eux que nous allons accorder une minute de silence en mémoire de Johanna.

Maudite, En noir et blanc.         [TOME 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant