Nous

Chapitre 9.

Je pioche avidement dans mon bol de chips, lovée chaudement dans ma couverture. Cette journée a été éprouvante, et je suis la première à le dire. Ma mère entre dans ma chambre et je grogne de mécontentement.

- Tout va bien ma chérie ?

- Je sais pas.

Je me contente de cette simple réponse qui traduit tout ce que je ressent. Je triture nerveusement la pierre dans mes mains, que j'ai gardée tout ce temps dans ma poche. Elle s'approche et mon lit s'affaisse légèrement sous son poids. Elle me caresse la joue de manière bienveillante.

- Tu veux en parler ?

- Je sais pas.

Elle fronce les sourcils alors que je porte une grosse poignée de chips à mes lèvres.

- Tu ne sais pas ?

Je hausse les épaules, la bouche bien trop pleine pour parler.

- Plutôt bien où plutôt mal ?

J'avale.

- Les deux.

Elle sourit et embrasse mon front.

- Quoi qu'il arrive, tu sais que toujours pire va t'arriver, hein ? Tu voudras mourir dans d'atroces souffrances, te pendre, te jeter sous un camion...

- Merci maman, je la coupe en grimaçant, pas sûre que ce qu'elle me dise est réellement réconfortant.

- C'est vrai quoi, n'importe l'ampleur de ton désespoir, et même si t'es sous terre jusqu'au cou, il y aura toujours quelqu'un pour nous enterrer encore plus. Tu dois faire attention, ça peut-être ta plus proche amie qui te fait le coup le plus salaud de l'univers, te faire crever pour profiter de ton argent par exemple... Donc reste sur tes gardes et...

- Ça suffit maman, j'ai compris.

Elle me regarde franchement dans les yeux.

- Sache ma fille simplement que quoi qu'il arrive...

Je souris. Je connais déjà la fin de la phrase.

- ...Je serais toujours là pour t'enterrer.

Je m'étouffe avec ma salive. Clairement, je ne m'attendais pas à ça. Je grogne.

- C'est bon à savoir.

Elle quitte mon lit en me souriant, éternellement heureuse.

- Je te laisse, j'ai trouver quelque chose sur le pas de ma porte.

- Ouais, maugréais-je, sûrement ton potentielle assassin. Mais ne t'inquiète pas, je ne m'en soucie plus. De toute façon, quoi qu'il arrive, tu seras toujours là pour m'enterrer, hein !

Elle rit et quitte la chambre avec un "je t'aime ma fille", sonore. Je me retiens de lui répondre que je n'y crois plus trop, à son amour débordant, mais me tais car une tornade violette vient de débouler dans ma chambre. Dès que la porte c'est fermée, elle crie à m'en faire saigner les oreilles et se jette sur le sol en se roulant par terre. La similitude à un ver est flagrante, mais je crains d'attirer son attention en signalant ma position. Pour l'instant, elle est bien trop occupée à enchaîner des galipettes au sol. Elle finit par coller ses jambes au mur après une énième roulade, et reprends son souffle en souriant et haletant, les jambes perpendiculaires au sol.

- T'es complètement tarée, Turde. Faut consulter, ca devient urgent.

Elle penche la tête en arrière de manière à me regarder dans les yeux, alors que je suis sur mon lit entrain de la dévisager longuement.