Alter Ego (Tome 2) - La Flamme Jumelle

Chapitre 5

Marcher, encore et encore. C'était l'une des choses que j'adorais faire lorsque j'étais au village de mon clan. C'était la chose qui m'apaisait le plus. Me perdre dans l'hiver, écoutant son silence mélancolique et pourtant si vivant. La nature endormie n'était pas là pour venir me faire obstacle. Les quelques animaux éveillés ne venaient que très rarement me déranger, préférant rester silencieux et distant.

Seulement ici ce n'était pas l'hiver. Il n'y avait pas la forêt à l'air pur et gelé. Il n'y avait pas la blancheur vierge de la neige pour recouvrir le sol. Ni arbre, ni silence, l'urbanisation avait tout détruit.

Arrivant près d'une rue désertée, je me rendis compte que je m'étais perdue. La ville était plutôt grande par rapport à mon village de Yuki-onna. Et bien que j'aimais me perdre, les villes humaines ne m'inspiraient pas autant confiance que les forêts naturelles.

Je voulus rebrousser chemin lorsque deux hommes débouchèrent de nulle part, me souriant :

-Mademoiselle, êtes-vous perdue ? me demandèrent-ils.

-Oui, sauriez-vous où se trouve le centre-ville ?

Mais alors que je pensais qu'ils allaient m'aider, deux autres gars arrivèrent derrière moi. Je compris que cette situation n'était pas normale.

Danger.

Entendant cette voix en moi, je sursautais. Elle était la mienne, une pensée furtive qui venait d'effleurer mon esprit.

C'est alors qu'une nouvelle sorte d'explosion se provoqua dans ma tête. Des battements sourds qui venaient peser dans mon crâne. Quelque chose voulait sortir, quelque chose allait sortir. C'était comme un instinct, une bête. Un moi que je ne connaissais pas et que je ne voulais pas connaitre.

Et soudainement tout se calma. Le vide se fit dans mes pensées. Je savais qui j'étais, je savais ce que j'étais. Je savais ce que j'avais à faire. Des émotions nouvelles semblaient m'effleurer, m'envelopper.

Ma vue était devenue légèrement rouge, une couleur que je me mis à affectionner sans raison.

Un sourire carnassier se dessina au coin de mes lèvres. Puis ce sourire de prédatrice se transforma en sourire charmeur qui fit rougir les jeunes hommes. Et alors que l'un d'entre eux s'aventura sur le terrain glissant de m'approcher, je serrais mon poing.

« Reste calme et détendu », me conseillais-je. Seulement l'excitation nouvelle qui semblait s'être emparée de moi ne m'écouta pas. Alors une lame de glace se forma à la place de mes mains pour aller se planter directement dans le ventre de l'un des hommes.

Le sang coula le long de cette lame glaciale alors que l'homme s'effondrait au sol. Puis à mes pieds commença à apparaître une brume fine hivernale, qui plongea bientôt toute la rue dans un flou total. Un flou où je me mis à sourire, heureuse de ce que je voyais. Les hommes hurlaient, terrorisés.

Me mordant la lèvre, je les regardais, attendrie par ce spectacle. Les pensées de perversion meurtrière venaient me hanter, me dominer. Je devais le faire. J'en avais besoin.

Alors je me déplaçais tel un fantôme, éliminant un à un les hommes.

Lorsque la brume se retira, ce fut tel un rideau qui révéla au monde l'artiste macabre que je venais de devenir. L'un égorgé, l'autre éventré, le sang et les organes des quatre hommes venaient se mélanger, comme s'ils ne formaient plus qu'un.

Ma vue revenant progressivement à la normale, je me mis à contempler le spectacle sous une toute autre perspective. Avec aversion et horreur.

Regardant mes mains ensanglantées, je pris conscience que j'étais responsable de cette boucherie.