Alter Ego (Tome 2) - La Flamme Jumelle

Chapitre 6

Ouvrant les yeux, je tendais l'oreille. Les oiseaux chantaient joyeusement dehors, comme pour annoncer l'arrivée du printemps. Pourtant le paysage que j'apercevais dehors n'était pas printanier. C'était un paysage froid, appartenant à l'hiver.

La neige avait recouvert le sol et les arbres sans feuille. C'était magnifique, presque poétique. Pourtant cela reflétait aussi une lourde vérité. Comme la neige sans couleur et glaciale, mon cœur était froid et insensible à tous les sentiments les plus réels.

Ce détestable souvenir revint à ma mémoire. Un souvenir déplaisant. Un souvenir funèbre. J'avais tué. Et je savais parfaitement ce que cela signifiait. J'en avais entendu parler, seulement cela n'avait été qu'une légende pour moi. Une histoire abominable que l'on me racontait pour m'empêcher de faire la moindre bêtise.

Les Yuki-onna, d'après cette légende, n'était pas des êtres de bontés. Elles chassaient. Monstres sanguinaires, elles perdaient dans leurs blizzards les hommes qui s'approcheraient de leur montagne. Les dévoraient-elles ? Ou bien le faisaient-elles simplement pour le plaisir ? Nul ne le savait véritablement. Et bien que les Yuki-Onna pouvaient par moment se montrer bonnes et charitables, guidant les perdus, elles gardaient leur côté obscures et monstrueux en elles.

Etait-ce ce même monstre qui était sortie de moi à ce moment-là ? Je ne savais pas. J'avais vraiment eu l'impression que cela provenait de moi et de personne d'autre. Ni un monstre, ni un étranger. Juste moi, avec une personnalité affreuse.

Sentant des larmes perler sur mes joues, j'écarquillais les yeux de surprises. Je ne pleurais pas, je ne pleurais jamais. Alors pourquoi pleurais-je en ce moment ?

La neige qui tombait dehors semblait si dense que je compris que j'en étais la cause. Puis un souffle dangereux siffla dehors, comme si une tempête était en approche. Etait-ce moi qui provoquais cela ?

La porte de ma chambre s'ouvrit :

-Yuki, calme-toi, tentait de me rassurer la voix.

Alors deux puissants bras m'enlacèrent par derrière. Ceux de Claes. Je savais que c'était lui, pourtant je n'arrivais pas à sentir sa chaleur.

Il me relâcha, prêt à partir, et je lui agrippais la manche. Tout aussi surpris que moi, il m'offrit néanmoins un magnifique sourire. Un sourire qui me dégoûta un instant. Pourtant, malgré moi, je sentais ce besoin d'être avec lui.

S'approchant de moi, il passa ses mains sur mon visage, se rapprochant de moi :

-Claes, j'ai commis le pire de tous les crimes.

Alors mes larmes se remirent à se manifester sur mon visage glacial :

-Non, ne pleure pas Yuki-sama.

-Tu es un ange vengeur, n'est-ce pas ? Alors venge ces pauvres humains. Tues-moi.

Il secoua négativement de la tête :

-Je ne peux pas faire ça.

-Mais pourquoi ?

Soudain, sans me laisser le temps de réagir, Claes s'empara de façon possessive de mes lèvres. Il m'embrassait.

Contre toutes attentes, je ne le repoussais pas. J'avais la désagréable sensation d'avoir besoin de ce contact.

Alors,séparant lentement nos visages, je le regardais droit dans les yeux. Mon cœur se serrait, non pas de bonheur mais de douleur. J'avais envie de pleurer, encore plus qu'avant :

-Tout ira bien, tu verras.

Me prenant dans ses bras, il me murmurait de doux mots. Des mots qui ne m'atteignirent pas. Sa chaleur habituelle ne s'infiltrait pas en moi, ce qui me frustrait. Mais je décidais d'ignorer.

Seulement, lorsque mon regard se tourna vers le paysage extérieur, je compris qu'il y avait un véritable problème.

Le paysage était différent du village humain dans lequel je me trouvais. Et d'ailleurs la nuit était tombée depuis longtemps, alors que j'aurai juré que nous étions le matin. La Lune qui apparaissait dans le ciel avait une taille démesurée par rapport à la normale.

Alors je compris : j'avais été piégé.

***

Claes regardait sa Flamme Jumelle qui dormait profondément. Elle ne se réveillait pas.

Endormie depuis plus d'une semaine, Yuki ne se réveillait pas. Depuis qu'elle avait tué de sang-froid ces voyous d'humains.

Miyuki, Lola et lui-même continuaient de veiller sur elle. Miyuki n'était pas encore persuadée de pourquoi Yuki était dans un tel état. Elle passait d'ailleurs son temps au téléphone. Mais apparemment le village des Yuki-Onna avait quelques petits problèmes et elles ne pouvaient pas leur venir en aide.

Quelqu'un frappa à la porte et Miyuki s'empressa d'aller ouvrir. Tatsuki venait d'entrer. Et lorsqu'il vit Yuki, il s'approcha immédiatement d'elle, ce qui fit grogner de mécontentement Claes. Mais le serpent n'en tint pas compte. Touchant le front de Yuki, il grimaça :

-Tu avais raison, Miyuki.

-C'est bien ce que je craignais, comprit-elle.

-Qu'est-ce qu'il se passe ? s'inquiéta Claes.

Elle se tourna vers lui alors que Tatsuki reculait d'un pas :

-C'est un Baku.

-Un quoi ? demanda Lola soudainement.

Tout le monde se tourna vers elle, qui leva les mains pour se défendre :

-Ok, tout ça devient trop compliqué pour moi. J'ai du travail à Rome. Donc Claes je te laisse te débrouiller.

Et elle partit rapidement dans des flammes, les abandonnant. Mais Claes n'avait pas besoin d'elle.

Il se tourna vers les deux Yokai :

-Et donc, qu'est-ce qu'un Baku ?

Il avaitl'impression d'être idiot en énonçant à haute voix le nom de cette créature :

-Un mangeur de rêve, commença Miyuki.

Un long silence tomba dans la maison avant que Tatsuki ne le brise :

-Yuki est coincée dans un rêve.