Alter Ego (Tome 2) - La Flamme Jumelle

Chapitre 10

Claes marchait parmi des débris.

Il avait trouvé le village des tengu, ainsi que des cadavres et de graves blessés. Les maisons japonaises étaient en mauvais état. Les villageois étaient à la fois effrayés et en colère.

Continuant de marcher dans ce village qui semblait avoir croisé le chemin d'une tornade, Claes s'arrêta. Un homme se trouvait face à lui, quelques mètres plus loin et immobile en le regardant :

-Un ami à vous est venu, homme du feu, déclara le tengu qui avait kidnappé son Alter Ego.

-Un ami à moi ?

Une femme en larme se leva pour intervenir :

-Un Oni, un démon. Satan en personne. Ou alors un dieu du chaos... Il a même tué mon fils.

Elle éclata en sanglot et le tengu la prit dans ses bras. Claes se tourna vers un enfant allongé au sol, en fronçant les sourcils :

-Qu'est-ce que... ?

Il se tourna vers les autres « cadavres », la même expression sur le visage :

-Homme du feu, va-t-en. Nous n'avons pas besoin de toi pour enterrer nos morts. Yuki n'est plus ici de toute manière.

-Ils ne sont pas morts, déclara soudainement Claes.

-Comment ?

Claes s'approcha de l'enfant, posant sa paume sur son front. Fermant les yeux pour se concentrer, il réveilla l'âme de l'enfant. Le garçon ouvrit les yeux.

En voyant un tel miracle, la mère se mit à crier et pleurer de joie avant de prendre son fils dans ses bras :

-Ils ne sont pas morts. Leurs âmes ont été emprisonnées dans leur corps.

C'était un message qui lui était clairement destiné, il le savait parfaitement. Plissant les yeux, furieux, Claes devina facilement l'identité du fauteur de trouble :

-Claes ! Enfoiré tu m'as abandonnée ! hurla une voix frustrée derrière lui.

Lauryne arrivait, suivit de près par des Yuki-onna :

-Lauryne, corriges-moi si j'ai tort. Est-ce que Samael savait pour Yuki ?

Il se tourna vers Lauryne, le visage sérieux, les poings serrés :

-Oui. J'étais venue pour te le dire justement. Samael s'est emparé de Yuki. Mais avant que tu n'ailles sauver ta belle, tu vas devoir attendre Claes. Il y a certaines choses qu'il faut que tu saches. Et surtout tu as du travail, expliquait-elle en regardant les « cadavres » autour d'elle.

***

Qu'avait-elle donc fait pour mériter tout ça ?

Elle avait été piégée par un Baku, puis Tsubasa l'avait kidnappé avant qu'elle ne soit finalement emmenée en Enfer.

Des yeux curieux étaient tournés vers elle. Et comment leur en vouloir ? Tous ces démons étaient confrontés à la froideur alors qu'ils avaient l'habitude de baigner dans la chaleur la plus suffocante.

La végétation semblait brûlée ici, dans ces paysages rougeoyants. Même le ciel n'offrait rien d'autre que des couleurs cramoisies et sombres. Pourtant l'endroit n'était pas plongé dans les ténèbres. On y voyait parfaitement bien, comme en plein jour. Etait-ce la journée ?

Je touchais du bout de mes doigts la branche de l'un de ces arbres morts. L'arbre touché se redressa soudainement, redevenant un arbre majestueux, avant de prendre une couleur glaciale. Il se pétrifia de froid. Un froid que la chaleur abondante de l'Enfer ne put faire fondre. Voilà ce qu'était mon pouvoir.

Combien de temps resterais-je ici ? Je ne savais pas. Mais est-ce que cela avait une quelconque importance ? Non.

Deux bras m'enlacèrent par derrière, s'enroulant autour de ma taille, alors qu'un souffle brûlant se faisait sentir dans ma nuque :

-Bien loin de la froideur, l'Enfer te plait-il ?

Je me dégageais de l'étreinte de Samael, lui faisant face un instant avant de me tourner de nouveau vers l'arbre devenu argenté par le froid. Samael sourit, croisant les bras :

-Tu ne parles pas beaucoup. D'ailleurs je n'aie encore vu aucune expression sur ton visage.

-Les émotions sont inutiles, elles ne font que ralentir les pensées et entraver nos âmes.

Regardant l'arbre, aucune émotion ne parvint en moi. Pas un battement de cœur, pas de sensations particulières.

Levant le visage vers le ciel, je fermais un instant les yeux :

-Bel Hiver éveilles-toi à mon appel

Et chante mon refrain éternel.

Une partie du ciel, celle se présentant au-dessus de moi, prit une couleur grise claire. Des nuages se formaient, laissant bientôt tomber de la neige éternelle. Prenant dans ma main un flocon en vol, je le regardais se transformer en glace au contact de ma peau. Je devenais de plus en plus froide. Bien plus froide que l'Hiver en personne.

Jusqu'où mon corps serait-il capable de gelé pour protéger mon âme et mon cœur des émotions et des sentiments destructeurs ?