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Le lycée de Portland est un des rares établissements franco-américain du pays. Mes parents m'y ont inscrite en m'assurant que c'était génial et qu'ainsi, je pourrai parfois découvrir les cultures françaises. Je remarque simplement que la soixantaine d'étudiants provenants de là-bas restent principalement entre-eux. Chose qui ne me dérange pas plus que ça, je ne cherche pas vraiment à leur adresser la parole.
Je m'installe au fond de la salle, à côté de Jason pour le cours de français avec mademoiselle Parks. Nous sortons le livre que nous avions à étudier pour aujourd'hui.

- T'as réussi toi ? me demande-t-il.
- On peut dire ça, mais je n'ai pas passé énormément de temps dessus.
- Mademoiselle McQueen, ne commencez pas à discuter, m'avertit la professeur.

Ça va quoi... J'ai à peine ouvert la bouche. Je ne sais pas ce que les adultes ont ces temps-ci, mais je les trouve insupportables. Je me tais ensuite durant quelques minutes tandis qu'elle commence à parler de l'auteur. Mademoiselle Parks s'interrompt subitement et me fixe.

- Bien, nous allons procéder à des changements de place étant donné qu'une pipelette est parmi nous, dit-elle sans détourner les yeux.
- Quoi ? Mais j'ai rien dit cette fois, dis-je pendant que quelques-uns de mes camarades sourient.
- C'est moi qui décide, répond-t-elle simplement.

A cet instant précis, je n'ai qu'une envie : sortir de là. Pourtant, je me retiens de ramasser mes affaires et de quitter la salle.

- Jason, allez vous installer à côté d'Alexis, la place est libre. Alyson, à côté de Rebecca; échangez votre place avec Tyler.

Mon ami et moi nous levons; il part s'asseoir à l'endroit indiqué tandis que j'attends que mon camarade daigne se lever.

- Euh non madame, intervient la peste. En fait ça ne va pas être possible ça.
- Et pourquoi donc, jeune fille ?
- Bah parce que je ne l'aime pas, dit-elle tout naturellement en parlant de moi. Personne ne l'aime ici.

Cette remarque semble faire sourire toute la classe, excepté mes amis. Je sais que c'est faux, pourtant, ça me blesse. Je lance un regard de détresse à Caroline, qui me regarde tristement sans pouvoir rien faire.

- Dehors; dit sèchement la prof.

Rebecca rassemble ses affaires et sort de la salle en affichant son habituel sourire de garce. Qu'est ce que j'aimerai lui arracher les cheveux un par un pour me soulager un peu... D'habitude, ses réflexions ne m'atteignent pas, mais là oui.
Particulièrement parce qu'elle a fait exprès de le dire devant tout le monde. Mon cœur s'emballe. Je tente donc de penser à quelque chose d'autre. Les glaces par exemple, c'est bon une glace non ? Et puis, c'est beau aussi. Non, c'est moche, ça fond, et ça tache le jean en tombant.

- Alyson, asseyez-vous maintenant.

Je reprends ma place puisque je suis désormais toute seule. Je ne risque pas de parler au mur, enfin, je ne crois pas.
Je n'arrive pas à me calmer, mes yeux s'humidifient. J'essaie tout de même de suivre le cours sans sangloter. Je ne dois pas pleurer, je ne dois pas pleurer. Soit froide Alyson, reste indifférente. Je prends une grande inspiration et me concentre à nouveau.

- Ouvrez vos livres à la page 38, nous allons parler d'une des métaphores présentes.
- Madame ? J'ai pas mon livre, Rebecca et moi on travaillait avec un livre pour deux, dit un garçon.

Je percute ensuite qu'il s'agit de Tyler. Mademoiselle Parks soupire, visiblement exaspérée et fatiguée de nous tous.

- Quelqu'un a-t-il un livre à prêter ? demande-t-elle sur un ton lassé. Non ? Personne ? continue-t-elle sans attendre de réponse ni regarder les quelques mains qui s'étaient levées. Bien, Tyler, à côté d'Alyson, et que ça saute.

Jamais séparésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant