Quarante-deux jours avant

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"La sagesse, c'est d'avoir des rêves assez grands pour ne pas les perdre de vue lorsqu'on les poursuit."

-Oscar Wilde-

Elle

Aujourd'hui, seule ma mère est venue me rendre visite.

«Bonjour Ethel, j'espère que tu vas bien, a-t-elle dit en ouvrant la porte. »

Oui, maman, je vais bien, ça se voit non?

Je suis reliée à une vingtaine de machines, toutes les deux heures une infirmière vient remplir plusieurs Baxters, cela fait deux mois que je n'ai pas bougé, que mes yeux ne sont plus ouverts, mais oui,

Je vais bien.

Elle s'est assise au pied de mon lit.

«Hier, j'ai emmené Olive chez le médecin pour son vaccin, tu te souviens, je te l'avais dit mercredi. Elle a fait une de ses crises, enfin, tu connais ta sœur. »

J'aurais voulu être là pour la rassurer.

J'essaie au maximum de me souvenir de son gracieux visage.

Je me souviens de ses yeux d'un bleu profond,

De ses fines mains que j'adorais tenir,

De ses longs cheveux bruns qui retombaient le long de son dos,

De son sourire...

Ce sourire que j'adorais,

Qui même dans les moments les plus difficiles me rendait le mien.

Ses petites dents qui au fur et à mesure se faisaient remplacer par de plus grandes.

Son rire, aussi.

Quel beau rire elle avait!

Cela fait deux mois que je ne l'ai plus entendu.

Ma mère veut éviter qu'elle me voie dans cet état.

Elle n'est venue que deux fois depuis que je suis ici.

Elle me manque.

Ma mère a continué son monologue pendant un long moment.

Nous sommes passées par le bulletin de mon frère, par ses nouveaux élèves qui la rendent folle, par ma sœur qui arrive à lire de mieux en mieux, par mon père qui rentre trop tard de son boulot, par ma grand-mère qui a gagné un tournoi de Scrabble...

Bref, la vie continue.

Même sans moi.

Elle a tout de même terminé son discours en disant:

«Tu nous manques, Ethel. C'est pas pareil sans toi. Liv te réclame souvent, tu sais. Le soir, surtout. Après que je l'aie embrassée elle me dit souvent qu'elle aimerait que tu sois là.»

J'aimerais lui dire qu'ils me manquent aussi tous, que j'aimerais les revoir.

Surtout Olive.

Puis elle ajoute:

«Je t'aime, à mercredi.»

Je t'aime aussi maman. Je vous aime tous.

Ensuite elle referma la porte et j'entendis ses pas s'éloigner dans le couloir.

La vie me manque.

LA FILLE DE L'OMBREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant