Six jours avant

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"La peur de mourir n'est rien comparée à celle de ne pas vivre."

Elle

Je pousse doucement la porte de la chambre 316 d'Isaac.

Je le vois allongé sur son lit, les yeux clos. Quelques machines le relient.

Je pousse sur les roues de ma chaise roulante de sorte à reculer pour le laisser se reposer quand je l'entends murmurer : « Non, entre, Ethel Rose. »

Je sens ma respiration accélérer.
Les rythmes des battements de mon cœur augmenter.

Ethel Rose, ces mots qu'il m'a répétés si souvent mais dont personne ne l'avait fait avec une telle intensité, une telle foi, un tel engagement, une telle envie. On sentait dans sa voix, qu'en prononçant ces mots il croyait en moi.

Je franchis le seuil de la porte de sa chambre et lui adresse un faible sourire.

Il ne répond pas à mon sourire, reste sans émotions pendant un court instant puis fond en larmes.

« Ethel, Ethel, Ethel, je ne voulais pas te faire de mal. Je suis si désolé! Je voulais que tu vives. Mais tu sais je... il s'arrête un moment pour reprendre sa respiration, comme si parler lui demandait un effort suprême. Je suis si faible à présent. »

Ses yeux trahissent de son embarras.
Ils n'ont pas de couleur précise. Je ne saurais les décrire. Un peu bruns, légèrement grisâtres avec un pointe de noir et un filet vert les soulignant. Mystérieux, comme lui.

« J'aimerais te donner toutes les raisons de ma venue ces derniers mois. Il y en a tant. Sache juste que je savais qu'il fallait que tu vives et surtout que tu étais capable de sortir de ce coma. J'ai vu juste, regarde! tu es là près de moi! J'en suis si heureux, m'explique-t'il entre deux sanglots.

- Mais pourquoi moi, Isaac? Je suis si banale, si peu différente des autres!
Je ne suis pas plus belle que mes amies, je chante comme un pied, je suis super maladroite, je ne sais même pas marcher avec des talons! Je ne sais pas dessiner un arbre correctement, je suis nulle en mathématique, et je n'ai aucun goût en matière de style.
Je n'arrive pas à croire en l'avenir, ni en l'Amour et encore moi en un Dieu tout puissant. J'ai aussi aucune confiance en moi et...

- Ethel Rose, on ne choisit pas de qui on tombe amoureux, me coupe-t'il. »

Ses mots me clouent sur place. Ai-je bien entendu? Ce sont les premiers mots qu'on s'échangent et il prétend m'aimer.

« Non, je m'exclame.

- Non? me répète-t'il.

- Non, tu ne m'aimes pas. Tu n'es pas amoureux de moi. Tu... tu ne me connais même pas. »

Il devient blanc. Encore plus qu'avant.

« Je n'ai pas dit que je t'aimais. J'ai dit que j'étais en train de tomber amoureux de toi. C'est différent. »

Il reprend sa respiration quelques secondes.

« J'ai une maladie, Ethel. Il ne me reste que peu de souffle, que peu d'espérance de vie. Et pourtant, je crois encore en l'Amour et en la Joie. Tu devrais en faire autant, car tu as toute la vie devant toi pour y croire, Ethel Rose. »

Ses yeux se ferment, des gouttes perlent sur son front. Il respire fort. Tellement fort que j'appelle une infirmière pour signaler cette anormalité. Il semble s'être endormi.

Lorsqu'elle arrive dans la pièce, elle me demande de sortir de la chambre pour réaliser les soins nécessaires sur Isaac.

Avant de partir, j'avance ma chaise roulante le plus près de son lit, lui attrape la main et lui murmure à l'oreille :
« Tu es la première personne qui croit vraiment en moi. »

LA FILLE DE L'OMBREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant