15 novembre 2008, 11h22 :
Pia Ellens se trouvait dans l'immense amphithéâtre de sa Fac de Droit, en essayant de ne pas prêter attention aux rires et chuchotements dont elle savait pertinemment qu'elle en était le sujet. Cela faisait quelques semaines à présent, mais ils ne s'en étaient toujours pas lassés, de son apparition dans le magazine. Alors, comme à son habitude, elle resserra les pans de son pull contre elle, bien que sachant qu'il n'arrêteraient pas les remarques désobligeantes à son égard. « Vu comment elle est maigre, c'est simple pour elle d'être mannequin » , « Elle n'est même pas jolie. » , « Tu as vu ses cheveux ? Une horreur ! »
Elle glissa ses mains dans ses poches, sentant sa tête prête à exploser à tout moment. La sonnerie stridente qui annonçait la fin du cours la libéra de son malaise, et elle rangea rapidement ses affaires, avant de se ruer hors de la salle, puis du bâtiment. Elle profita quelques instants de l'anonymat donc elle bénéficiait au milieu de toute cette masse d'étudiants, puis sortit son cellulaire de la poche de son jean, avant de parcourir son répertoire, et de coller le téléphone à son oreille une fois qu'elle eût trouvé le contact qu'elle cherchait. Il décrocha au bout de la cinquième sonnerie, et elle sourit en entendant sa voix rauque.
-Allô ?
-J'aimerais bien t'en vouloir pour tout ce qui m'arrive, mais je ne peux pas.
-Je suis désolé.
-Tu mens.
-Évidement ! Je reçoit des tas d'appels, tout le monde te veut Pia !
La jeune fille sourit largement, et s'arrêta un instant pour s'asseoir sur un muret et converser tranquillement.
-Donc ça te dirait de recommencer l'expérience ?
-hm, non merci !
-Allez ! On s'en fiche des critiques !
-J'y réfléchirai.
-Tu réfléchis beaucoup trop.
Il eût un instant de silence durant lequel elle coinça derrière son oreille une mèche de ses cheveux qui virevoltait autour de sa tête.
-Tu as fini les cours ?
-Ouep.
-Alors viens réfléchir à la maison.
Elle sourit, et releva la tête, son regard se portant au loin. Son sourire s'élargit, et elle laissa échapper un petit rire.
-Pas maintenant, dit-elle. Je viendrais plus tard.
Et elle raccrocha avant d'avoir pût lui laisser le temps de répondre. Elle se leva, traversa la rue presque déserte, et entra dans un salon de coiffure.
-C'est pour refaire une teinture.
La coiffeuse acquiesça d'un signe de tête et lui désigna un siège, avant de revenir auprès d'elle avec ses ustensiles.
Elle ressortit une heure plus tard, ses cheveux à présent colorés en châtains clair, lui encadrant le visage en un brushing parfait. Elle passa ses doigts dans ses cheveux, et sonna à l'appartement du jeune photographe. Il vint lui ouvrir et resta bouche bée.
-Tu as... tu es... tu... tu...
Elle tourna sur elle-même pour lui faire admirer sa nouvelle coupe sous tous les angles, tandis qu'il bégayait.
-Tu es magnifique. Finit-il par dire.
Elle sourit, et il s'écarta pour la laisser entrer. Il détailla pendant qu'elle s'asseyait sur le canapé deux places. Elle était toujours aussi maigre, bien qu'elle avait pris des joues, qui étaient plus rebondies.
-Dis Jack, qu'est-ce-qu'on mange ? J'ai faim !
Il sourit, et secoua la tête avant d'aller chercher les deux plats cuisinés qu'il avait préparé une heure plus tôt.
4 mai 2010, 8h15 :
Pia repoussa doucement le bras de Chris qui dormait paisiblement à côté d'elle, et s'extirpa du lit. Elle ferma la porte de la salle de bains derrière elle, et se passa de l'eau sur le visage avant de se brosser les dents et de se lisser les cheveux rapidement. Elle retourna dans sa chambre enfiler une simple robe par dessus ses sous-vêtements, des ballerines et un gilet. Elle griffonna un mot à l'adresse de son compagnon, et sortit de l'appartement, son sac au bras. Elle inspira profondément, et commença à marcher dans les rues New-yorkaises. Cela faisait deux ans qu'elle s'y était installée, travaillant comme petite journaliste, avant de se faire embaucher par Chris Davies grand patron de la chaîne de télévision nationale, et enchaîner les sujets et les plateaux télés les plus intéressants.
Elle le vit au loin, venant en sens inverse, rasé de près, beau comme un dieu. Tee-shirt à col V, écharpe noire, jean denim, chaussure classe. Italiennes, comme elle. Il releva la tête et croisa son regard. Il la détailla un instant, avant de sourire légèrement tandis qu'elle le fixait de son regard de fer. Elle était magnifique, impassible, terrifiante. Si ils étaient dans un film, le temps se serait arrêté, tout se serait figé. Il n'y aurait eu qu'eux marchant l'un vers l'autre, au ralenti. Le reste du monde aurait pu exploser qu'ils s'en foutraient royalement. Pourtant le monde continuait de tourner et il s'avançaient toujours aussi dangereusement l'un vers l'autre, au ralenti. Lui jubilait intérieurement, sautillant presque, courant presque. Il avait ce nœud dans le ventre, dû au stress, à l'angoisse, à l'euphorie, aux différentes émotions mixées en lui. Quelques mètres, il ne restait que quelques mètres... elle, serrait les dents, contractant sa mâchoire. Intérieurement, elle mourrait d'envie de prendre la fuite, courir, retourner à l'appartement et retrouver Chris qui devait sûrement s'être réveillée. Mais une partie d'elle-même continuait d'avancer, presque inconsciemment, voulant, juste lui montrer qu'elle s'en foutait. Juste passer devant, impassible et froide. Quelques mètres, il ne restait que quelques mètres.
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Ficción GeneralPia Ellens était une jeune fille timide et maladroite avant de rencontrer Jack Turner, jeune photographe. Quelques verres, des liens qui se forment et des séances photos peuvent marquer le tournant de toute une vie. Ne jamais mélanger amour et trava...