Odds

Chapitre 7

12 décembre 2008, 5h48 :

 Jack se réveilla difficilement à la sensation de vibrations qui parcourait le long de sa jambe. Il se redressa, et sortit son téléphone de la poche de son jean dans lequel il s'était endormit, trop fatigué pour le retirer, avant de décrocher sans même regarder le contact.

-Allô ? Demanda-t-il d'un ton agressif tout en murmurant.

-Il neige, c'est marrant.

Tout sa colère retomba la voix un peu rocailleuse de la jeune fille.

-Pia ? Tu sais qu'il est cinq heures du matin ?

-Cinq heures et demie plus exactement.

Il entendit le ton moqueur dans sa voix, il sourit avant de soupirer. Elle était si innocente.

-Il y a un problème ?

-Non, juste que je suis fatigué.

-Oh, pardon. Dit-elle en retrouvant son sérieux.

Il y eût un lourd silence, qu'aucune deux n'arrivait à interpréter.

-Tu... je vais te laisser. À bientôt Jack.

Et elle raccrocha avant qu'il n'est pût dire un mot. Il contempla l'appareil durant un moment, puis le posa

sur la table de chevet, avant de se recoucher en mettant ses bras derrière sa tête. Il repoussa les draps, jeta un regard à la femme enveloppée dans les couvertures à côté de lui, et sortit du lit, enfilant un tee-shirt qui traînait par terre, une paire de baskets, un veste, une écharpe, et un bonnet, avant de sortir de l'appartement sans faire de bruit. Il grimpa dans sa voiture, et conduisit jusqu'à la maison de la jeune fille. Il sortit, et s'arrêta sous sa fenêtre. Il ramassa de la neige, ignorant la morsure du froide sur ses doigts, et le lança sur la vitre au-dessus de lui. Il répéta l'opération deux à trois fois, avant qu'une faible lueur éclaire la pièce, derrière les rideaux qui furent repoussés, et qu'une silhouette ne se dessine dans l'encadrement.

-Jack ?! S'étonna-t-elle en ouvrant la fenêtre. Qu'est-ce-que tu fais là ?

-Je suis venu voir la neige avec toi, tu descends ?

Elle sourit, et disparut un moment avant de réapparaître emmitouflée dans un gros pull, accompagné d'une écharpe et d'un bonnet. Elle sortit par la fenêtre, et il s'avança vers elle, souriant malicieusement avant d'étaler de la neige sur sa tête. Elle riposta joueuse, et glissa sur le sol froid. Il vint la relever, mais elle le fit tomber. Elle étouffa son rire dans la paume de sa main, et il pinça affectueusement sa joue tandis que ses yeux s'illuminaient sous l'effet de la bonne humeur.

4 mai 2010, 9h00 :

 Pia était assise sur un tabouret, fumant une cigarette durant la pause que faisait l'équipe avant de reprendre la séance photo.

-Pourquoi on arrive plus à faire ça ? Lui demanda-t-il en lui envoyant un magazine.

Pia s'en saisit, et le contempla longuement. C'était un ancien numéro dont elle était en couverture. Elle releva la tête.

-Jack...

Sa voix n'était qu'un murmure. Il planta son regard dans le sien. La détailla méticuleusement, encore plus qu'il ne l'avait fait en trois ans. Elle avait changé, trop changé, et pas qu'en apparence. Elle n'était plus la Pia qu'il connaissait, elle n'était plus Pia. Elle n'était plus sienne, bien qu'elle ne l'avait jamais réellement été. Elle se leva pieds nus sur le sol en béton ciré, simplement enveloppée dans un peignoir en synthétique, cachant ses sous-vêtements, ayant enlevé la tenue qu'elle portait avant la pause, ses cheveux soigneusement enroulés dans un chignon sophistiqué. Elle écrasa sa cigarette dans un cendrier, et s'avança vers lui. Elle était près, vraiment près. Quelques centimètres les séparaient à peine. Elle le regardait intensément comme il l'avait fait quelques minutes plus tôt. Elle le passait aux rayons X, sous son regard gris fer. Elle partit d'un coup, sèche et dure, la claque, laissant une marque rouge sur la joue de jeune homme. Son visage était redevenu dur et impassible, ses prunelles froides et rigides n'exprimaient plus rien sauf de la colère. Alors lentement elle se détourna de lui, sentant ses épaules se contracter, se retenant pour ne pas abattre, une seconde fois sa main joue.

Jack enroula sa main autour de son poignet, l'empêchant de partir. Elle lui face, durcissant son regard, ce qui ne réussit qu'à lui faire resserrer doucement sa prise. Cinq secondes, c'est de temps que prit leur duel de regard, véritable bataille de chimères hurlantes en accéléré. Elle franchit la distance qui les séparaient, se dressa sur la pointe des pieds, et déposa ses lèvres sur les siennes.