Scène 10

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Angélique entre avec son chariot surmonté de plats fumants.

Angélique : Le plat de résistance, madame.

Louise Laroche : La porte est verrouillée, ma fille... Ouvre-la, Monsieur Minois doit prendre congé...

Angélique : Vraiment ? Quel dommage...

Louise Laroche : Epargne nous tes réflexion et ouvre cette foutue porte...

Angélique : Non.

Angélique commence à servir les invités.

Louise Laroche : Comment ça non ?

Angélique : Ce sont les ordres de Monsieur, tout le monde doit rester jusqu'à la fin du repas...

Louise Laroche : C'est absurde...

Angélique : Oui, mais que puis-je y faire ? Vous me l'avez tant répété : les ordres sont les ordres... Et je ne suis qu'une domestique...

Jean Laroche : Louise, qu'est-ce que c'est que cette mascarade ?

Louise Laroche : Je n'en sais rien, Jean, je n'en sais rien !

Adélaïde : Après tout, si c'est la volonté de Charles...

Louise Laroche : Charles n'est pas là, sa place est vide ! Alors oublions-le, un peu !

Florian Laroche : Oublier papa ? Mais c'est ce que vous faites depuis tout à l'heure, maman !

Louise Laroche : Ne m'appelle plus comme ça !

Adélaïde Laroche : Florian, Tristan, revenez donc vous assoir !

Louise Laroche : Non, il doit partir ! Ouvre cette porte !

Angélique : Je ne peux pas...

Jean Laroche : Quand on veut, on peut...

Angélique : Alors, je ne veux pas...

Louise Laroche : Depuis quand les domestiques font ce qu'ils veulent ?

Angélique : Depuis qu'ils ont enfermé six personnes dans leur salle à manger, Madame...

Edith Volage : J'ai peur...

Adélaïde Laroche : Il n'y a aucune raison d'être effrayés...

Angélique : En êtes-vous bien sûre ?

Adélaïde Laroche : Non...

Angélique : Dans ce cas, taisez-vous...

Louise Laroche : C'est une prise d'otage ?

Angélique : Oui, peut-être, mais quelle importance ? Le plat est servi. Florian et Tristan, il est préférable que vous reveniez vous rassoir, sinon vos assiettes vont refroidir... C'est certainement le meilleur pot-au-feu que je n'ai jamais fait...

Florian Laroche et Tristan Minois retournent à leurs places. Angélique s'apprête à partir.

Louise Laroche : Vous êtes devenue folle, Angélique...

Angélique : Madame me vouvoie ? Serait-elle nerveuse ?

Louise Laroche : Vous n'êtes qu'une... Tu n'es qu'une domestique...

Angélique : Plus maintenant...

Elle enlève son tablier et le laisse tomber par terre.

Angélique : Et Angélique, comme vous la voyez, vous tiens par la gorge, Madame...

Louise Laroche : Quand Monsieur sera mis au courant de ton comportement, tu peux être sûre de partir de cette maison, Angélique...

Angélique va s'assoir à la place réservée au maître de maison, en bout de table.

Angélique : Monsieur n'en fera rien, je vous assure...

Louise Laroche : Mais où est-il, à la fin ? Qu'as-tu fait de mon mari ?

Angélique : La question, c'est plutôt « Qu'est-ce que Charles veut vous faire ? »...

Tristan Minois : Là, ça devient glauque...

Edith Volage : J'ai vraiment peur...

Adélaïde Laroche : La petite a raison, il y a quelque chose de malsain qui se prépare...

Jean Laroche : Louise, qu'est-ce qui se passe ?

Louise Laroche : Comment pourrais-je le savoir ?

Florian Laroche : Où est mon père ?

Angélique : Vous le saurez en temps voulu... Qu'attendez-vous pour manger ?

Personne n'ose toucher à son assiette, puis Edith Volage goûte à la nourriture.

Edith Volage mal à l'aise : C'est délicieux...

Angélique : Je n'en doute pas...

Tristan Minois : Pourrais-je encore avoir du vin ?

Florian Laroche : Ce n'est pas une bonne idée, Tristan...

Angélique : La bouteille est devant vous, mon jeune monsieur... Servez-vous autant que vous voulez...

Tristan Minois se sert de l'alcool.

Adélaïde Laroche : Mademoiselle Volage a raison, c'est exquis...

Angélique : D'ailleurs, pourquoi est-ce que Monsieur Minois devait partir ?

Jean Laroche : Parce que.

Angélique : Parce que ?

Jean Laroche : Parce que, voilà tout.

Angélique : Mais encore ?

Louise Laroche : Parce qu'il est homosexuel, voilà, maintenant arrêtez de nous emmerder !

Angélique : Homosexuel ? Et alors ? Vous, vous êtes bien cocue, et pourtant personne n'en parle !

Silence.

Louise Laroche : Pardon ?

Angélique ironiquement : Vous ne saviez pas ? Oh, désolée...

Jean Laroche : Angélique, c'est inutile.

Louise Laroche : Répète ce que tu as dit ?

Angélique : J'ai dit que vous étiez cocue... Vous le voulez une troisième fois ?

Jean Laroche : Vraiment, ce n'est pas le moment...

Louise Laroche : C'est ridicule, Charles ne me ferait jamais ça, il me respecte trop !

Angélique : Allons, que croyez-vous ? Cela fait bien des années que plus personne ne vous respecte !

Louise Laroche : C'est faux !

Angélique : Si seulement vous pouviez voir les cornes qui poussent sur votre crâne ! Vous êtes le diable en personne !

Louise Laroche frappant la table : Tu mens !

Jean Laroche : Elle a raison Louise...

Louise Laroche : Comment ça ? Comment ça elle a raison ?

Jean Laroche : Charles te trompe...

Louise Laroche : Tu étais au courant ?

Jean Laroche : Oui.

Louise Laroche : Et tu ne m'as rien dit...

Jean Laroche : C'est mon frère, Louise...

Louise Laroche : Avec qui il le fait ? Dis le moi, qui est-ce ?

Jean Laroche : Je n'en sais rien, je te le jure ! Il ne m'a pas dit son nom !

Louise Laroche : Le salaud... Mais quel salaud !

Angélique : Ça devait bien finir par arriver...

Louise Laroche : Mais quel connard !

Jean Laroche : Je suis désolé...

Silence gêné.

La place vide (théâtre)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant