Adélaïde et Jean Laroche font irruption dans la pièce, sans même prendre la peine de frapper à la porte, l'air épuisé. Ils sont tous deux habillés de noir.
Adélaïde Laroche : Ah, seigneur, nous voilà enfin ! Nous sommes en retard, n'est-ce pas ?
Louise Laroche : Oh non, vous arrivez à temps, nous passions à table.
Jean Laroche : Rien qu'à l'odeur, je ne regrette finalement pas d'être venu. Angélique a encore passé des heures aux fourneaux !
Adélaïde et Jean enlèvent leurs blousons et s'apprêtent à les poser sur le porte manteau.
Louise Laroche : Allons, allons, attendez plutôt qu'on vienne vous aider ! (criant) Angélique ? Angélique !
Angélique ne vient pas.
Louise Laroche : Cette fille n'est décidément là que lorsqu'on a vraiment besoin d'elle !
Elle se tourne vers Edith Volage.
Louise Laroche : Est-ce que vous pourriez, ma chère, débarrasser les affaires de mes invités ?
Edith Volage : Mais...
Louise Laroche : Allez, ma fille, exécution !
Edith, intimidée, va prendre les vestes pour les accrocher sur le porte-manteau.
Jean Laroche : Une nouvelle domestique ?
Louise Laroche : Non, une inconnue, mais c'est tout comme, n'est-ce pas ? Trêve de bavardages inutiles, comment allez-vous ?
Adélaïde Laroche : Ma foi, l'automne me fait grincer les os mais...
Louise Laroche : Bien, bien... Et vous, Jean ? Comment se porte la gendarmerie parisienne ?
Jean Laroche : Elle est débordée, mais que voulez-vous, l'immoralité des uns fait le gagne-pain des autres !
Louise Laroche : Vous m'en direz tant, vous m'en direz tant...
Un silence gêné s'installe, personne ne sachant quoi dire.
Adélaïde Laroche : Florian n'est pas là ?
Louise Laroche : Si mais il a décidé de se rebeller contre sa mère... Ça lui passera...
Adélaïde Laroche : Oh, il ne faut pas lui...
Louise Laroche lui coupant la parole : Il fait plutôt froid pour un mois d'octobre, n'est-ce pas ?
Nouveau silence gêné.
Adélaïde Laroche : Avez-vous entendu les nouvelles, aujourd'hui ?
Louise Laroche : Non.
Adélaïde Laroche : Oh... Et bien, il parait qu'ils ont découvert une nouvelle maladie mortelle. Elle ne toucherait que les...
Louise Laroche : Les ?
Adélaïde Laroche : Et bien, comment dire...
Louise Laroche : Avec des mots, voyons, avec des mots !
Adélaïde Laroche : Les homosexuels !
Louise Laroche : Oh, Adélaïde, pendant un instant, vous m'avez fait peur ! Haha, il n'y a donc rien à craindre pour nous !
Florian Laroche : Ma parole, si tu n'étais pas ma mère, je te traiterais sans problème de monstre...
Jean Laroche : Florian, arrête de faire ton sentimentaliste, ce sont eux les monstres...
Louise Laroche : Laissez donc, Jean, il ne sait pas ce qu'il dit...
Florian : Je le sais plus que vous, apparemment...
Jean Laroche : Non mais sincèrement, Louise, si vous pouviez voir les descentes que l'on fait dans le Marais, vous vous évanouiriez sur le champ !
Florian Laroche : Ridicule !
Jean Laroche : Ce n'est que luxure, beuverie et irrespect ! Ils ont leurs bars, leurs restaurants, leurs cabarets, et même leurs icones. Ils appellent ça des artistes, moi j'appelle ça des grosses folles se trémoussant à moitié nues sur scène. Quelques billets de 50, et elles passent la nuit avec vous. Immondes !
Edith Volage : Des femmes font la même chose, et pour beaucoup plus cher...
Jean Laroche : Ca n'a rien à voir !
Florian Laroche : Bien sûr que si !
Louise Laroche : Est-ce si important ? Les gens font bien ce qu'ils veulent, non ?
Florian Laroche : Maman, des personnes meurent, et mon oncle les traite comme des pestiférées... Alors, si, c'est important...
Jean Laroche : S'ils meurent, c'est bien qu'ils le méritent, non ?
Adélaïde Laroche : C'est bien triste, tout de même...
Edith Volage : Chaque année, de nombreux enfants meurent... Est-ce qu'ils l'ont mérité ?
Louise Laroche : S'il vous plait, cessez de faire polémique, ça ne sert à rien et le repas est bientôt prêt...
Adélaïde Laroche : Oui, mettons-nous à table et calmons nous... Ces hommes-là ne nous ont rien fait...
Jean Laroche : C'est cela, c'est cela...
Ils s'installent à table, sauf Florian qui reste dans son fauteuil.
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La place vide (théâtre)
Misterio / SuspensoLe dîner de ce soir, préparé en secret par Monsieur Laroche, semble prestigieux. Personne n'est au courant de rien, pas même sa femme, et tout semble énigmatique. L'hôte reste absent, la salle est sombre et les énergumènes qui vont dîner ensembles à...