Chapitre 18: Le Destin

2.7K 144 3
                                    


Les ténèbres s'étaient installées, avant d'être balayées par une vague de douleur. Je ne peux plus respirer. Ma gorge est trop chaude. Je sens des bouts de moi se casser, s'éparpiller...

Pendant un instant, je repris l'usage de mes bras, mais j'ai l'impression d'avoir des tuyaux de caoutchouc vides avant de ne m'offrir plus aucune sensation. Comme s'ils n'existaient plus. Comme si je n'existais plus.

Les ténèbres ont obscurci ma vision encore plus solidement que précédemment. Un bandeau épais, bien serré. Couvrant à la foi mes yeux, mais aussi moi-même, m'anéantissant d'un poids écrasant. Lutter est épuisant. Si je cède à la facilité, si je permets à l'obscurité de m'effacer, je ferais du mal à mes proches.

A présent, ils ne demandent qu'une chose que je reste pour eux. Malheureusement, la noirceur est telle que je n'arrive à distinguer plus rien du réel ou de l'imaginaire. S'accrocher en est d'autan plus compliqué. Je repousse le voile sombre, presque par reflex. Je n'essaye pas de le soulever. Je me conte de résister. Je l'empêche de me broyer entièrement.

J'allais résister en attendant qu'on me vienne en aide. Derek ferait son possible. Il ne renoncerait pas. Moi non plus. Hélas, ma détermination n'est pas suffisante. Au fur et à mesure que le temps avait grignoté petit à petit mon espace vital, il m'a fallu puiser mon courage ailleurs. Je ne peux même plus invoquer le visage de Derek, ni ceux de Peter, Scott, de Lydia, de mon père, de ma maman, rien. Cela me terrifie, je me suis demandé s'il était trop tard. Je me sens glisser, sans prise à laquelle m'accrocher. Non ! Je dois survivre. Mon entourage a besoin de moi.

La chaleur continue de gagner en intensité et en réalité, au point qu'il est difficile de croire que je l'imagine. Toujours plus chaud, trop chaud. Inconfortable. Brûlant.

Ma réaction instinctive est de lâcher cette incandescence, sauf qu'il n'y a rien dans mes bras, dans mes mains. Ils ne sont pas croisés sur ma poitrine. Ils sont des poids morts reposant le long de mes flancs. La brûlure est en moi. Elle augmente, encore et encore, jusqu'à surpasser tout ce que j'avais pu ressentir un jour.

Sous le feu qui ravage ma poitrine, je décèle un battement ; j'ai compris alors que mon cœur a redémarré, juste au moment où j'ai regretté de ne pas avoir accueilli l'obscurité tant que j'en avais encore l'occasion. J'ai envie de soulever les bras, de lacérer mon torse et de m'arracher le cœur – tout plutôt que cette torture. Malheureusement, mes bras ont disparu, mes doigts sont incapables de bouger. Lorsque L'incendie s'est déchaîné, j'ai tellement envie de hurler. Supplier qu'on me tue, de me laisser partir pour revoir ma mère plutôt qu'endurer une minute de plus cette souffrance infernale. Mais je ne peux remuer les lèvres. Le poids m'écrase encore.

Je me suis rendu compte que ce n'était pas les ténèbres qui me faisaient plonger, c'était mon corps. Lourd. Le seul changement qui s'est produit, brusque, incroyable, avait été le redoublement de la torture. La partie basse de mon corps, qui était paralysé bien avant la morsure, s'était soudain embrasée à son tour. Des liens brisés avaient guéri, raccommodé par les doigts brûlants des flammes. L'incendie s'était poursuivi, acharné.

Le contrôle de mon corps me revint par vagues, lesquelles constituèrent mes premières prises de conscience du redémarrage du temps. Je m'en rendis compte lorsque je pus de nouveau agiter les orteils et serrer les poings. Ce que je ne fis pas, cependant.

Le feu ne diminua en rien, je commençais d'ailleurs à savoir l'appréhender d'une nouvelle manière, à apprécier séparément chaque langue brûlante qui écorchait mes veines, mais je découvris que je suis en mesure de réfléchir malgré les blessures qu'il m'infligeait. Ainsi, je me souvins des raisons qui m'avaient empêché de hurler. De celles aussi pour lesquelles j'avais accepté d'endurer cette torture intolérable. Je me rappelai, bien que cela parût impensable, que ma souffrance était censée déboucher sur quelque chose qui en valait la peine, le choix que j'avais pris. Cette prise de conscience eut lieu juste au bon moment.

Je n'ai la force que de rester immobile, cependant que je suis brûlée vif. Mon esprit gagne en lucidité, et je fus en mesure de compter les battements désordonnés et bruyants de mon cœur qui mesuraient le fil du temps. De compter les aspirations haletantes qui se succédaient par à-coups entre mes lèvres. De compter les souffles mesurés et faibles qui résonnaient quelque part près de moi. Comme ils étaient plus lents, je me concentrai dessus. Ils signifiaient davantage de minutes égrenées. Plus rythmés que le balancier d'une horloge, ils m'entraînaient vers la fin à travers les secondes incandescentes.

-Je t'aime, Stiles. Je suis navré. J'entends une voix, je reconnais celle de Derek.

J'aurais tant voulu lui répondre. Mais je refusais d'augmenter ses tourments. Pas quand j'avais encore la force de tenir.

Pendant ce temps, le feu poursuivait ses ravages. J'avais plein de place dans ma tête, cependant. Pour méditer sur la phrase qui venait de me dire, pour envisager l'avenir avec lui qu'avec Peter.

J'entendis le faible bourdonnement de la lampe accrochée au plafond. J'entendis le léger souffle du vent à l'extérieur de la maison. J'entendais tout. En bas, quelqu'un regardait la télévision. Je tendis l'oreille, mais ne perçus rien d'autre que la télévision, je me concentrai de nouveau sur la respiration de Derek

Pour l'aspect positif des choses, la flamme brûlante commence à se retirer de mes doigts et de mes orteils. Lentement, mais c'est du neuf. Enfin, la torture s'évacuait. Quant aux mauvaises nouvelles...L'incendie de ma gorge a changé de caractère. Non seulement, je me consume, mais je suis assoiffée. Ma bouche est sèche comme le désert. Parcheminée. Un feu brûlant, une soif brûlante. Autre point négatif : l'incendie de mon cœur avait redoublé de vigueur.

La morsure du feu se retira de mes paumes, qui en furent immédiatement soulagées et refroidirent tout aussi rapidement. Hélas, elle se concentra dans mon cœur, qui irradiait comme le soleil et battait à une allure redoublée.

-Stiles ? Stiles ? Je reconnais la voix de Scott

Étais-je en mesure de lui répondre sans me mettre à hurler ? J'y réfléchis un instant, puis le feu explosa à l'intérieur de mon torse, encore plus chaud, en provenance de mes coudes et de mes genoux. Mieux valait ne pas courir le risque.

-Je reviens tout de suite, annonça Lydia avant de filer. J'entends ses pieds frôler le sol de ma chambre et descendre les escaliers pour rejoindre une autre personne, mon père, j'arrive à sentir son odeur d'ici.

Tout à coup... Oh ! Mon cœur décolla, ronflant comme les pales d'un hélicoptère en une note soutenue et presque unique. J'eus l'impression qu'il allait se creuser un passage à travers mes côtes. Les flammes crépitèrent dans ma cage thoracique, avalant les ultimes brandons qui s'attardaient dans le reste de mon corps, afin d'alimenter cette fournaise à la brûlure insensée. La douleur me pétrifie, brise ma prise sur le bûcher. Mon dos s'arque, comme si le feu me hissait vers le haut par le cœur. Lorsque je retombe sur la table, je ne permis à aucune partie de mon corps de rompre les rangs. En moi, la bataille devint enragée, entre mon cœur et l'incendie. L'un comme l'autre perdait. Les flammes étaient condamnées, ayant déjà consumé tout ce qui était combustible. Le feu se rétrécit, se rassemblant dans le seul organe humain qui subsistait avec une violence proprement intolérable. Y répondit un bruit sourd, profond, creux. Mon cœur tressauta à deux reprises puis, moins fort, une dernière fois. Il n'y avait plus de bruit. Plus un souffle. Pas même le mien. Durant un moment, je ne compris qu'une chose – la disparition de la souffrance.

Alors, j'ouvris les yeux



------------------

Pris comme référence :Twilight Tome 4: Révélation (pg740-774). Je vous conseille vraiment la saga (les livres plutôt que les films)

WHO IS HE ? TOME I [LGBT]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant