Hamlet

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    C'était un jeudi du mois de Décembre, un jeudi gelé et brumeux. Notre professeur d'anglais avait décidé de nous mettre en travail de groupe afin de traiter de la manière la plus originale possible une des uvres de Shakespeare.
On entendait des acclamations de joie retentir dans toute la salle à cette nouvelle (même si j'avais du mal à voir où était le plaisir dans cette activité...).
     Alors que les groupes se formaient sous la demande du professeur, je me mis à part pour commencer à travailler sur mon projet.
Le professeur le remarqua:

     -Qu'est-ce que tu fais, Ambroisie?

     Cette question me prit au dépourvu.

     -Je travaille sur mon projet...
     -J'ai spécifié que ce doit être un travail de groupe, pas individuel. Alors dépêche toi de trouver des personnes avec qui te mettre.

      La panique m'envahit et je tripotais mon stylo avec nervosité.

      -Je préférerai travailler seule. Je n'aime pas travailler en groupe.

Certains ricanèrent à cette remarque.

      -Je ne veux rien savoir. Tu seras dans la vie toujours confrontée à ce genre de travail collectif, et tu dois justement apprendre à travailler avec les autres. Alors tu vas intégrer le groupe de (il jeta un coup d'oeil aux groupes formés) Matt, Lylie et Henri.

      Ils protestèrent immédiatement.

      -On est déjà beaucoup trop, monsieur..., commença Lylie avec une moue boudeuse.
      -Vous êtes à peine trois. Soyez gentils et prenez Ambroisie avec vous; elle ne mord pas, vous savez...

      Henri souffla fort d'un air énervé et Matt me fusilla du regard. Je ne pouvais pas leur en vouloir, tout le monde me trouvait bizarre, accentué par le fait que je refusais tout contact avec les autres.
       "Respire, respire. Tout va bien se passer. Fais confiance au traitement de Monsieur Finchel."
       Pourtant je sentais déjà la nausée monter et les murs danser autour de moi.
"Concentre-toi ! Avance vers leur table. Comme une personne normale. Un pas après l'autre... oui, voilà."
Je m'assis lourdement sur une des chaises de leur table, tandis qu'ils me fixaient avec des yeux de poisson rouge.
       Matt se racla la gorge.

       -Bon, moi je propose qu'on travaille sur la pièce Hamlet, ça me paraît être celle qui est la plus facile à traiter et la plus connue de ses oeuvres.
       -Ouais, je suis d'accord, renchérit Henri. Et on n'aura qu'à mettre notre expo sous la forme d'une mise en scène.
       -C'est pas mal, mec! Puisqu'on est quatre, deux d'entre nous pourraient jouer une des scènes pendant que les deux autres exposeront ce qu'il se passe et tout, comme s'ils arrêtaient la pièce pour l'expliquer aux spectateurs.
       -Je veux jouer le rôle d'Ophélie! brailla Lylie. J'adore les histoires d'amour tragiques et c'est le seul rôle qui semble fait pour moi dans cette pièce.
-OK, soupira Matt. Et moi, je n'aurais qu'à faire Hamlet, je suppose.
-Pour que vous vous roulez des galoches devant tout le monde? Nan, vraiment, il vaut mieux que ce soit moi qui joue Hamlet. T'auras qu'à préparer ton analyse de la pièce avec... euh... Ambroitruc pendant que nous, on se prépare à jouer une des scènes.
-C'est vrai que j'aurais du mal à me contrôler, ricana Matt. Surtout si elle met le même décolleté qu'on voit dans les films d'avant, là, avec les grosses robes de bal.
-Hors de question qu'il bosse avec elle! rétorqua Lylie. Et puis quoi encore? J'ai pas envie qu'il devienne bizarre comme elle...
- Arrête de râler, Lylie, la coupa Henri. C'est juste un exposé; en plus, si on la met de côté, le prof s'en apercevra et on n'aura pas une bonne note.
-Bon, moi je dis qu'on commence maintenant à préparer tout ça, renchérit Matt. Plus vite on commencera, plus vite on terminera.

Sombre FolieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant