Seule

142 12 2
                                    

-Laissez-moi sortir!

     Je tambourinai de mes poings la porte de fer.
Je me suis réveillée dans une pièce délabrée, contenant en tout un lit, un lavabo et une toilette, dont je soupçonnais la propreté.
Où étais-je? Aucune idée. J'aurais pu être en Australie comme au Congo que je ne le saurais pas. La panique m'envahissai peu à peu que le temps passe et que personne ne vint m'ouvrir. Je sentis mon coeur cogner fortement contre ma poitrine.

-Eeeh ooooh! Euh... y a quelqu'un? Est-ce quelqu'un pourrait me sortir de là? Je commence à étouffer.

Je criai de toutes mes forces en continuant de tambouriner à la porte. Qu'est-ce qu'il s'était encore passé dont je ne me souvienne pas? Ce qui étais sûr cette fois-ci, c'est que ça devait être assez grave.
Oh non, qu'est-ce que j'ai pu faire cette fois? J'espère que je n'ai fait de mal à personne.
      "Ou peut-être que si. Peut-être que finalement c'est mieux que je sois enfermée. Je ne suis qu'une sale tarée qui fait peur à tout le monde. Je ne mérite pas de faire partie de ce monde."
     Je passais frénétiquement mes doigts dans mes cheveux emmêlés en les tirant doucement, comme si je pouvais en sortir des fragments de mémoires. Peut-être que j'étais en train de rêver, non? Tout ceci ne peut être que le fruit de mon imagination. Peut-être que je ne suis qu'endormie, et que je ne tarderais pas à me réveiller. D'ailleurs, qu'est-ce qui me prouvait que tout ceci était réel?

-Oui, mais rien ne te prouve non plus que tu es réellement en train de rêver, dit une voix derrière moi.

Je me retournais pour retrouver un petit chat gracieux aux yeux argentés et d'un jaune canari, qui se léchait la patte et remuait sa queue de droite à gauche. Il se trouvait sur le lit, comme s'il y avait toujours été, et me jaugeai d'un regard neutre -limite humain. Etait-ce vraiment lui qui venait de parler??
    Je me frottai les yeux et les plissai. Non, ce n'était pas un effet d'optique. Il y avait vraiment un chat jaune comme un poussin sur mon lit.

-Comment tu as fait pour rentrer? murmurais-je. Il y a des barreaux aux fenêtres.
-Facile, je suis apparue directement à l'intérieur, répondît-il en m'offrant un large sourire.

"OH MON DIEU! Je ne rêve pas!"
Je hurlais d'effroie et me remis à tambouriner à la porte.

-AU SECOURS ! Au secours! Il y a un chat qui parle dans ma cellule!! Venez me sortir de là!

J'entendis le chat partir d'un rire amusé derrière moi, mais je continuais à frapper à coups de poings et de pieds la porte de métal qui ne voulait pas s'ouvrir. J'avais tellement peur que je n'osais pas me retourner pour vérifier que le chat était toujours à sa place.
La porte s'ouvrit si soudainement que je tombai sur mes fesses, et considérais d'un air hébété l'homme qui venait d'entrer. Il était grand, baraqué et avait l'air dur.

-Tu vas arrêter de faire autant de bruit, oui? hurla-t-il en me menaçant d'un taser qu'il brandissait à mon égard. C'est quoi le problème?
-Je... je..., balbutiai-je. Euh... il y a un chat jaune qui parle dans ma chambre. Il me fait peur.

Il balaya ma chambre d'un air ahuri et je vis son visage se durcir au fur et à mesure qu'il détaillait du regard la pièce. Il se pencha très doucement vers moi, qui étais restée sur le sol, et brandit de nouveau son arme, le positionnant sous mon menton d'air menaçant.

-Tu crois pouvoir te payer ma tête en me faisant croire qu'il y a un chat dans ta chambre qui te fait la causette? T'as cru que j'étais débile, c'est ça ?

       "Mais qu'est-ce qu'il raconte? Pourquoi est-ce qu'il fait semblant de ne pas voir le chat ?"

      -Non non je vous assure! S'il vous plaît laissez moi sortir, il me fait peur... je ne sais pas comment il est arrivé sur mon lit, et encore moins comment c'est possible qu'il parle mais je...

      -La prochaine fois que tu me déranges avec tes conneries, je te mets un coup de jus. C'est clair?? hurla-t-il. T'as intérêt à ce que je ne t'entende plus jusqu'à l'arrivée du Docteur!
-Le Docteur? répétais-je. Quel docteur? Pourquoi? Je ne suis pas malade... Qu'est-ce que je fais là?
     -Arrête de poser des questions ou ça va mal se finir pour toi! Il te dira tout ce que tu voudras dès qu'il viendra.

Il sortit de la chambre et se retourna une dernière fois pour me hurler dessus:

-Et arrête de me déranger, c'est clair ?

Il claqua la porte et la verrouilla bruyamment, sans attendre ma réponse.
       Fébrile, je m'adossai contre la porte et me laissai tomber sur le sol. Je toisai le chat, qui n'avait pas changé de position pendant tout le long.

        -Est-ce que tu parles vraiment?
        -Si je te réponds, cela veut dire que oui.
        -Mais comment c'est possible ?   
        -Je ne sais pas. Je ne crois pas que ce soit important de savoir le pourquoi du comment. Trop ennuyeux.
        -Pourquoi est-ce qu'il t'a laissé dans ma cellule? Pourquoi est-ce qu'il ne t'a pas pris avec lui?
        -Peut-être parce qu'il sait que je fais ce qui me chante et que je vais où j'en ai envie, me répondît-il en m'offrant un large sourire rempli de canines pointues.
        -Et pourquoi tu veux rester ici, dans une toute petite cellule toute sale avec une fille que tu ne connais même pas?
        -Parce que cette fille a besoin d'un peu de compagnie. Je me trompe ?

        Mon coeur se serra dans ma poitrine. Je retins des larmes et jouai avec mes doigts pour m'occuper.

        -Cela fait combien de temps que tu te sens seule, Ambroisie?

        "Combien de temps. Combien de temps... Combien de temps! Combien de temps? Est-ce possible de le savoir? Je crois n'avoir jamais rien connu d'autre depuis toujours."

         -Je dirai beaucoup trop, reprit-il. Ai-je tort?

         Je hochai négativement ma tête tout en gardant mes yeux fixés sur mes doigts qui se tordent.
         Je ne le sentis donc pas venir et s'approcher de moi, jusqu'à ce qu'il se frotte contre mon flanc.

         -Eh bien, tu n'es plus toute seule, à présent. Et tu ne le seras plus, tant que je suis là. Je te le promets.

         Sur ce, il se roula en boule sur mes jambes, et se mit à ronronner tandis que je caressai ses poiles aussi jaunes que le soleil.
A certains moments, je sentais des gouttes de pluie tomber sur ses jolis poils, et l'eau salée diluer légèrement l'intensité du jaune pour en faire des reflets verts et oranges. Elle était triste, cette pluie, très triste. Et pourtant, sa tristesse avait réussi à faire de belles couleurs sur la fourrure du chat. Cette tristesse est belle, oh oui qu'elle est belle. Elle paraît, et surtout à ce moment, aussi belle que l'aube ou que les étoiles dans le ciel.
    Je m'assoupis sur ces pensées, épuisée par cette pluie qui coulait de mes joues et trempait encore et encore la fourrure du chat endormi, balançant des tâches de couleur et de beauté.

Sombre FolieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant