Retour à la réalité

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  -Mlle Ambroisie? Vous m'entendez ?

  Je gémis; la lumière me déchirait les yeux. Qui était-ce, cette fois ci? Où étais-je, maintenant?

-Je vois que vous réagissez, reprit la voix. Nous avons dû stabiliser votre état après... l'incident qui s'est passé. Nous vous réveillons car vous allez avoir de la visite cette après-midi, il faut donc vous préparer en conséquence. Vous avez passé deux jours dans un coma artificiel, certains de vos aspects sensoriels sont encore engourdis, il ne faut donc pas vous inquiéter de votre état végétatif, il ne durera que quelques minutes le temps que votre corps se réhabitue à faire son ancien travail. Je dois vérifier que vous n'avez pas de séquelles de votre coma.

     Sa voix résonnait tel un lointain écho. Elle était d'une froideur...
     Tout à coup, on me prit la main.
      -Serrez ma main, s'il vous plait.
      Je me concentrai de toutes mes forces.
      -C'est faible, mais c'est un bon début.

      Les couleurs vives qui tournaient dans la pièce commençaient peu à peu à se stabiliser et à laisser place à des formes aux contours indéterminés. Je pouvais voir mes mains, posées le long de mon corps, inertes, et, au-dessus de mon ventre, un plateau recouvert d'une cloche, dont l'odeur nauséabonde qui s'en échappait m'était désagréable. Le bruit de mes doigts martelant un clavier avec nervosité emplissait péniblement mes oreilles. L'engourdissement de ma vision et de mes pensées était pesant; je n'arrivais pas à me concentrer plus de deux secondes sur chaque nouveau détail visuel qui se présentait à moi.

   - J'ai fini votre examen d'éveil. Tout à l'air en ordre... je vais vous laisser récupérer à votre guise; je vous ai ramené un plateau repas de la cafétéria, il est impératif que vous mangiez afin de concrétiser votre éveil. Vous allez sûrement avoir des nausées, des maux de tête ou des pertes de mémoire, mais ne vous en faites pas, c'est tout à fait normal. Le Dr Mcleen va passer pour vérifier la stabilité de votre état; il pourra répondre aux questions probables que vous vous posez.

     Sur ces mots, elle me quitta, me laissant seule dans la pièce. Mon esprit étant toujours embrouillée, je tentai de bouger mes mains, mais quelque chose me bloqua. Mes poignets étaient reliées à des menottes qui l'attachaient au lit, et qui me laisser à peine bouger mes mains jusqu'au plateau repas.
       Suis-je si dangereuse que ça ?
       J'avais l'étrange et désagréable impression que quelque chose d'important m'échappait, quelque chose qui expliquerait cette situation... quelque chose clochait en moi, je le sentais... comme si l'on avait pris un morceau de mon être.
        Ma vision se restaurant peu à peu, je vis que j'étais dans une petite pièce grise, avec deux machines entourant mon lit qui faisaient un bruit infernal. L'heure au mur indiquait qu'il était deux heures de l'après-midi, pourtant, les fenêtres ne filtraient aucun rayon de soleil. Quel mois était-on, déjà ? Je n'arrivais pas à me souvenir d'une simple date... et si j'oubliais pour toujours certains détails de ma vie? Oh mon Dieu, tout ceci est-il bien réel ?

       Je m'appelle Ambroisie. J'ai 16... non, 17 ans. Je suis malade.
       Malade ? Malade.
       Le Dr Mcleen est mon nouveau médecin. Avant, j'étais suivie par M. Finchel; c'est un ami de la famille. Mes parents sont divorcés. Mon père est parti à cause de moi... juste après l'incident qui s'était produit quand j'avais 5 ans, et que ma maladie s'était alors déclarée. Je ne l'ai plus revu depuis.
        Ma mère... je... n'arrive pas à me souvenir. Cette partie de ma mémoire m'est comme bloquée... mais pourquoi ? Je verrai ça plus tard.
        Reprenant peu à peu mes esprits, je décidai de manger le contenu du plateau repas; rien de bien fameux: du riz et un morceau de poisson, avec un grand verre d'eau. Bien que je dusse me battre contre la nausée qui me prenait, je réussis à manger les trois quarts du plat.
       Au bout d'une heure à regarder le plafond, le Dr Mcleen rentra dans la pièce.
      -Eh bien, m'apostropha-t-il en s'asseyant au pied de mon lit. Bonjour, Ambroisie. Bien dormi?
       Je tentai de répondre, mais un son aigu et difforme sortit de ma bouche.
       -Ne t'inquiète pas, avec un peu d'entraînement, tu retrouveras rapidement ta voix. Le plus important, c'est que l'on a pu te retrouver. Est-ce que tu te souviens de ce qu'il s'est passé ?
        Je hochai négativement la tête. Je ne sus pourquoi, mais mon cœur se serra brusquement dans ma poitrine. Que redoutais-je donc?
      Le Dr Mcleen parut embarrassé. Il remonta ses lunettes.
     -Eh bien, comme il n'y a pas de bonne manière de le dire, je vais être directe avec toi. Je t'avais laissée avec ta mère dans une pièce, pour que tu puisses la revoir. Je me suis absenté quelques minutes à peine, le temps d'aller chercher un café. Quand je suis revenu, la porte était grande ouverte, et le corps de ta mère était par terre, la gorge ouverte. Tu... as tué ta mère, puis tu t'es enfuie. Nous t'avons retrouvée, Mlle Jenson et moi, évanouie dans le parc.
     "Non, ce n'est pas possible."
      Ce n'est pas moi. Ce n'est pas possible. Ma mère ne peut pas être morte, je n'ai pas pu la tuer. Je n'ai jamais levé la main sur ma mère ; je suis incapable de commettre un tel acte. Il doit se tromper de personne.
      Face à ma confusion, le médecin reprit sur un ton doux:
      -Nous avons visionné la vidéo de surveillance de la pièce. Au moment où elle allait t'enlacer, tu as sorti les clés que je t'avais confiée, et tu les as enfoncées profondément dans la gorge de ta mère. Je suis désolé.
      Les larmes coulaient sur mes joues malgré moi. Comment ai-je pu faire ça ? Comment puis-je n'avoir aucun souvenir de tous ces événements ?
      Ma poitrine se soulevait douloureusement à présent.
      -Un avocat viendra te voir tout à l'heure, me dit-il. Il te représentera devant le juge; je serais également là pour appuyer ton dossier, afin que le juge puisse te juger ... euh... comme n'ayant pas tous tes esprits lors des événements. Aussi, maintenant que ta mère est... hum... tu vas être confiée à ton père. C'est lui qui prendra toutes les décisions te concernant, et qui sera donc responsable de toi.
    Ces derniers mots eurent raison de moi. Je déclinai la tête sur le côté, et vomis tout ce que j'avais dans l'estomac.

Sombre FolieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant