Ennemis de ma folie

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-Je vous présente mes condoléances, Mlle Ambroisie.
-Elle n'est pas morte, martelai-je en serrant les dents.

L'avocat jeta un coup d'œil perplexe au Dr Mcleen, puis poursuivit:
-S'agissant aux yeux de la loi comme étant... euh... un "crime", vous allez devoir vous présenter devant la cour d'assises pour mineurs. Toutefois, ceci reste une formalité afin que les juges puissent vous acquitter pour votre... euh...
-Si vous avez peur d'employer ce genre de termes, je vois mal comment vous pourriez la représenter devant les juges, coupa le Dr Mcleen en lui lançant un regard froid.

      Cette remarque le rendit aussi rouge qu'une tomate.
      -J'essaie d'être diplomate, monsieur, s'indigna-t-il. Le devoir d'un avocat est de savoir s'adapter à tout scénario et, euh... à tout type de personne. Quoi qu'il en soit, je suis également ici afin de régler les formalités qui feront de votre père votre nouveau tuteur légal. Comme vous n'êtes pas, euh, disons « apte », je m'occuperai du reste des formalités, c'est à dire du notaire, de votre héritage...
     -Ma mère n'est pas morte, criai-je, les larmes aux yeux. Que faut-il que je fasse pour que ça vous rentre dans la tête ?! Alors, laissez-moi tranquille avec vos conneries !

      Confus, l'avocat se tut et regarda le médecin.
      -Je crois que cela suffit pour aujourd'hui, Mr Mckenson, s'écria le Docteur. Ambroisie est encore fatiguée, et cela fait beaucoup à digérer en une fois. Je vous appellerai en temps voulu afin de terminer les démarches.
-Mais, protesta-t-il, les joues rouges, c'est que tout cela presse ! Cette affaire doit être bouclée avant la fin du mois, et j'en ai encore d'autres à traiter. Nous ne pouvons pas nous permettre de prendre du retard, déjà du fait que nous enterrons sa mère aujourd'hui !

Ses mots se mirent à marteler dans mon crâne, comme un marteau frappant contre le métal. Ils résonnaient tant dans ma tête qu'on aurait cru que quelqu'un s'amusait à me les chuchoter contre mon oreille.
     Ma mère n'est pas morte.
     Son enterrement...
     Non.
     Ils l'enterrent aujourd'hui...
     Non.
     Ma mère n'est pas morte.
     Non, non, non.
     Un long silence s'ensuivit suite aux mots de l'avocat.
-Je n'aurais pas du divulguer cette information, peut-être...
      -Ma mère n'est pas morte, répétais-je en fusillant du regard l'avocat, dont le visage avait viré du rouge cramoisi au jaune pâle. Et vous allez arrêter de parler d'elle comme ça, vous m'entendez ?? Vous faites ce que vous voulez, mais arrêtez de mentir. Ma mère n'est pas morte, et je le sais.
L'avocat baissa les yeux, tandis que le Dr Mcleen me jugeait de son regard, les yeux brillants, puis me dit:

-Alors où est-elle selon toi, Ambroisie?
       -Je... je ne sais pas.
       -Quel est le dernier souvenir que tu as d'elle ?
       Je fronçais les sourcils. A quand remontait la dernière fois que je l'ai vue? 
      Prise d'une violente douleur à la tempe, je me tint la tête en gémissant.
      -Tu peux me le dire, Ambroisie? A quand remonte la dernière fois que tu l'as vue?
      -Arrêtez, criai-je en fermant les yeux, mes ongles s'enfonçant dans mes cheveux. J'ai mal à la tête, aidez-moi !
-Réponds-moi, Ambroisie !

La pression se fit de plus en plus intense dans ma tête. J'avais l'impression qu'à tout instant, mon cerveau allait finir par exposer. Des morceaux de voix et de lumières emplirent ma tête, et je me mis à crier.
Tout ça est de ta faute, Ambroisie !
      Il n'y a qu'un monstre qui puisse être capable de tuer sa mère... tuer sa mère...
       Sa mère ...
     -Laissez-moi ! Laissez-moi tranquille !

•••

   Un, deux, trois petits chatons,
    Au bord de l'eau.
     Qu'ils sont beaux, qu'ils sont beaux,
       Ces petits chatons,
        Lorsqu'ils se mouillent sous l'eau.

    Un, deux petits chatons,
     Au bord de l'eau.
      Qu'ils sont beaux, qu'ils sont beaux,
        Avec cette fourrure aux poils blancs
         Et ces yeux noirs fixant le néant.

   Un petit chaton,
    Au bord de l'eau.
     Qu'il est beau, qu'il est beau,
       Mais qu'il est seul maintenant,
        Que les autres ont disparu sous l'océan.

•••

Je me réveillais en sursaut, la sueur au front. J'étais seule, dans la chambre d'hôpital, plongée dans le noir. Que s'est-il passé ?
Ai-je rêvé tout ce qu'il s'est passé ?
-Il y a quelqu'un ?
Personne, à l'évidence.
Me sentant légèrement nauséeuse, je tentai de sortir du lit. C'est alors que je remarquai la présence de bandelettes en cuire qui accrochaient mes poignets au lit. Je pouvais à peine me redresser.

-Est-ce que quelqu'un m'entend ? criai-je.
Mon pouls commença à s'accélérer. Pourquoi m'avait-on accrocher? Était-ce vraiment un rêve? Je n'en étais plus si sure à présent.
Je regardais autour de moi : rien qui ne pourrait m'aider à me défaire des liens qui me retenaient.
"Ils ont peur de toi. Pas étonnant."
Qu'est-ce qu'ils vont faire de moi?
"Je ne crois pas qu'une criminelle comme toi s'en sorte aussi facilement ! A mon avis, ils vont essayer de se débarrasser de toi de manière définitive, si tu vois ce que je veux dire..."

A ce moment, une jeune infirmière entra dans la pièce. Je remarquais immédiatement que ce n'était pas celle que j'avais lors de mon premier réveil en ces lieux. Petite, les cheveux d'un noir de jais coupé court au carré, et de grands yeux d'un vert perçant qui semblaient se retenir de me dévisager.
Où est passée l'autre infirmière ?
-Je vois que vous êtes réveillée, m'apostropha-t-elle.
Je reconnus la voix de la jeune femme m'ayant sorti du coma.
"Ils ont dû se débarrasser d'elle aussi. Ils ne vont pas tarder à en faire autant avec toi, si tu veux mon avis..."
Ils n'ont aucune raison de se débarrasser de moi...
"Haha! Mais bien sûr! C'est sûr que tu es une personne raisonnable, qui a toute sa tête."
-Votre père est arrivé. Je viens vous donner vos médicaments afin que vous soyez stable.
Quoi? Oh non ! Comment ça ? Pourquoi est-il là?
"Mon œil qu'elle veut te donner des médicaments ! Je suis sûre qu'elle a été envoyée pour faire le sale boulot !"
L'infirmière s'approcha de mon lit avec une seringue, puis me prit le bras droit de sa main libre. Je tentai de me dégager, en vain.
-Ne me touchez pas, m'écriai-je. Je ne vous connais pas, et je n'ai pas besoin de vos médicaments ! Je vais absolument bien !
Soudain, elle resserra son étreinte sur mon bras, me faisant pousser un cri de douleur.
-Vous avez le choix. Cela peut se passer avec douceur comme avec la manière forte. Je n'ai pas besoin de votre consentement, mais si vous résistez, cela ne vous apportera que de la souffrance supplémentaire.
Sur ce, elle enfonça sèchement la seringue dans mon bras, et versa son contenu dans mon sang. Figée, je la regardai faire, impuissante. Elle me lança un regard d'une froideur teintée de mépris, puis tourna les talons et s'en alla.

"Tu vois? Ce sont tes ennemis ! Ils ont déjà tout prévu pour te détruire jusqu'à ce que tu ne seras plus que cendres. Tu es déjà morte, mais tu ne le sais pas enco..."

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 07, 2019 ⏰

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