Douloureux réveil

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       Ambroisie? Ambroisie? Ambroisie? Ambroisie?
        "Ambroisie? Ambroisie? Ambroisie? Ambroi...."
Ambrrrr...
       Je me réveillais, secouée par la violence de la douleur qui me terrassa. J'avais l'impression d'avoir des marteaux et des cloches dans ma tête qui s'amusaient à résonner et à donner des coups de plus en plus forts.
        Je sentis mon esprit engourdi, comme si l'on avait débranché mes membres de mon cerveau.
        Je voulus ouvrir un oeil. Tout était flou autour de moi, dans un mélange de couleurs trop criardes qui me brûlèrent les yeux immédiatement. Du blanc, du jaune, du vert, tout y était! C'était trop insupportable pour moi. Je sentis mes yeux me picoter sous l'effet de l'effort que je faisais pour voir normalement -en vain. Je me sentis désorientée, faible...vulnérable.
Je ne sus pourquoi, mais je sentis un vide au fond de moi... comme si l'on m'avait arraché quelque chose.
        Mes oreilles sifflaient si forts que j'aurais voulu être sourde. Tout en mon être n'était que souffrance, ce qui m'empêchait de penser correctement. D'ailleurs, je n'arrivais pas du tout à penser.
         Je voulus me lever, mais quelque chose m'en empêcha. Je vis alors, dans un rapide et vif moment de clarté, que mes poignets, mes chevilles et mon bassin étaient attachés d'une épaisse bande en cuire contre mon lit (si c'était bien un lit).
         Là, je me mis à crier, paniquant à l'idée de ne pas pouvoir bouger.
Je me mis à tirer de toutes mes forces sur les liens, mais rien n'y fit. Au bout d'un quart d'heure je sentis des brûlures atroces, ce qui me contraint d'arrêter.
Mais qu'est-ce qu'il se passe? Où suis-je? Étais-je toujours dans cette prison pour fous? Que s'est-il passé? Pourquoi suis-je attachée? Que m'ont-il fait?

-Doucement, Ambroisie. Ce n'est pas la peine de tirer, tu ne réussiras qu'à te faire du mal.

Je tentai de diriger mon regard vers la voix, mais ma vision était trop floue et trop lumineuse pour que je puisse distinguer la personne.
Sentant ma tête tourner, j'abandonnai tous mes efforts pour tenter de distinguer quoi que ce soit.
Je sentis de la sueur couler le long de mes tempes, tandis que mon souffle demeurait de plus en plus irrégulier.

-Qu'est-ce qu'il m'arrive? haletai-je, le souffle court.
        -Nous t'avons donné des calmants et un régulateur d'humeur. Tu dois sûrement te sentir bizarre, vu que c'est la premiere fois que tu en prends. Mais ne t'en fais pas, tu t'y habitueras bien plus tôt que tu ne le crois. En tout cas, ça doit te changer de tes médicaments habituels, non?

      Cette voix avait une gaieté qui me faisait mal aux oreilles et que j'aurais voulu étrangler sur le champ. Toutefois, je sus que c'était une femme qui me parlait.

     -Que... que s'est-il passé ? Est-ce que je suis à l'hôpital?

      J'entendis des talons claquer sur le sol et se rapprocher de mon lit. Quelque chose -des doigts- me caressa le bras, ce qui me procura une sensation désagréable.

      -Non, petit coeur, dit-elle. Tu n'as pas quitté le Centre Dominique, même si tu as tout fait pour, à ce que je saches! Tu devrais te reposer un peu, les semaines qui vont suivre vont être rudes pour toi.
     -Quoi? Mais pourquoi? Qu'est-ce qu'il s'est passé? répétais-je, plissant des yeux pour mieux voir, le coeur battant.
-Je n'ai pas le droit de te le dire. Tu vas devoir attendre l'arrivée du Docteur Mcleen.

Elle enleva sa main de mon bras, feignant de s'en aller.

-Non! Ne partez pas! S'il vous plaît! criai-je, les larmes coulant sur mes joues. Ce serait cruel de votre part de me laisser comme ça, dans le déni et le doute, sans rien savoir de ce qu'il s'est passé cette nuit!

Un long silence se fit. Puis, je l'entendis revenir sur ses pas, et s'approcher de moi de sorte à ce que je puisse distinguer des cheveux châtains, lourdement ramassés en un chignon lâche, de grosses pommettes légèrement rouges, et des petits yeux d'un bleu vif. Son visage avait la forme d'une pomme assez grossière, mais d'une netteté parfaite.

       -Crois-moi, ce serait encore plus cruel de ma part de te le dire, chuchota-t-elle.
-Dîtes moi au moins si ma mère va bien.

Je ne sus pourquoi cette pensée m'était venue à l'esprit, comme alertée par mon subconscient. Cela ne me fit que me faire paniquer encore plus. D'autant que le silence de la femme ne faisait qu'accélérer encore plus les battements de mon cœur.

      -Désolée, je ne peux vraiment pas.
      -Est-ce qu'elle va bien? Dites-le moi! criai-je, la respiration saccadée. Dites-moi qu'elle va bien!

        Je tirai sur mes liens une fois de plus, avec toute la violence que j'avais en moi. J'aurais voulu étriper cette femme, en faire sortir de sa gorge la réponse que je redoutais.

      -Il faut te calmer Ambroisie, sinon je serais obligée d'augmenter la dose de tes calmants, soupira-t-elle d'un ton doux.
       -Répondez à ma question!
       -Je t'ai déjà dit que je ne peux pas, voyons.
       -Je l'ai tuée, c'est ça?

      Son absence de protestation ne fit que confirmer les pressentiments et ce que je redoutais.
      Mon cœur se déchira alors dans un long soupir sans fin, et je sentis tout mon corps s'affaisser et s'alourdir d'un coup. Cela ne pouvait être vrai.
      Ce n'est pas possible.
      "Sale meurtrière! Si tu avais accepté de rester dans ce centre comme je te l'avais dit, rien de tout cela ne serait jamais arrivé!"
       A ce moment, comme ouvrant d'un coup une fenêtre oubliée, la lumière de mon esprit m'éclaira tandis que je vis des flash-backs défiler devant mes yeux.
       Je retins mon souffle et chuchotais une dernière fois:

      -Non, ce n'est pas possible...

Sombre FolieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant