Un grand début

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En fin de journée, quand elles s'arrêtèrent devant un cour d'eau déchaîné, Sahan eu un mouvement de recul.

Alors le maître s'avança, et, à sa grande surprise, se dévêtit.

-Maître... Que..?

Bouche bée, l'élève contempla le curieux spectacle. Après être entrée dans l'eau, Ingrid... Dansait. Non, jouait avec l'eau. Peu importe. Elle se faufilait avec une fluidité et une grâce presque irréelle entre les vagues, plongeait, ondulait... Elle ne ressortit de l'eau que quand ses lèvres prirent une teinte violacée.

Devant l'air complètement ahuri de Sahan, Ingrid expliqua:

-Ce cours d'eau est un guerrier invincible. Fou celui qui tente de l'arrêter. Nous nous rions de ce guerrier, lui tournons autour, lui volons son centre pour mieux le contrôler. La rivière est une force, un guerrier, mais elle est pure et limpide. Comprend-la.

-Vous... Vous voulez que je fasse comme vous? Pourquoi ne pas emprunter les ailes d'un dragon pour voler, tant que vous y êtes?!

-Il ne serait pas d'accord, répondit calmement Ingrid.

-Pa... Pardon? Balbutia la jeune femme.

À chaque fois qu'elle pensait être arrivée au bout de ses peines, son maître la surprenait davantage. Alors maintenant, les dragons existaient?

-Il ne serait pas d'accord, répéta Ingrid en détachant chaque syllabe le plus sérieusement du monde, mais ses yeux malicieux trahissaient son hilarité.

Sur ce fait, elle lança un grappin qui vint habilement se caler entre deux rochers sur l'autre rive, et enroula l'autre extrémité autour d'un solide tronc d'arbre.

Sahan comprit qu'elle n'avait pas le choix.

Avec un soupir résigné, elle se jeta à l'eau, mais se fit bousculer, happer par les remous, et seul Merwyn sait jusqu'où la rivière l'aurait emportée si son mentor n'avait pas placé le grappin...

Exténuée, à moitié noyée, la novice se traîna jusqu'à la rive grâce à la corde et regarda son maître, qui observait la créature pitoyable et trempée à ses pieds avec un soupçon de compréhension.

-Ce n'est pas grave, c'est normal, déclara-t-elle enfin.

Sahan s'apprêta à pousser un soupir de soulagement, mais fut coupée net dans son élan:

-Tu recommencera demain.

Puis, les yeux dans le vague, elle ajouta:

-J'ai bien fait de la laisser nous suivre.

Ignorant sa fatigue et sa tunique qui lui collait désagréablement à la peau, Sahan se releva et distingua une petite fille qui se jouait des remous. Avec une grâce sauvage, elle dansait, pensant être dissimulée par les rochers...


Ellundril.

Ellundril Chariakin, une légende oubliéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant