ellundril, la fuite; 5

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Lorsque Fenan lui avait demandé de la suivre, de retourner au camp où la petite blonde se débattait encore, Keilith n'avait pas envisagé un tel trajet.

Elle se surmenait derrière lui et tentait de le suivre à grand-peine. Les branches griffaient furieusement son visage, inhabitué à ces rudes conditions, et ses jambes, déséquilibrées par la course, foulaient désespérément un terrain accidenté orné de ronces, de terre retournée et de mottes d'herbes folles. Un terrain de course de rêve...pour les fous furieux.

Concentrée sur l'adulte déjà loin devant elle, la cousine d'Ellundril ne s'entendait même plus penser. De temps à autre, elle trébuchait où se tordait la cheville, mais les bottes en cuir que son maître lui avait achetées à l'occasion de son anniversaire s'adaptaient parfaitement à la situation, entourant et amortissant ses tendons endoloris.

Le plus important était Ellundril, celle qui la protégeait, celle qui jouait la dure alors que Keilith se cachait. Celle qui... Qui... Elle n'arrivait plus à penser...

Poussée par une force et une adrénaline encore inconnues, la petite gagnait en assurance de foulée en foulée. Sans même réfléchir, utilisant instinctivement des capacités bien souvent inexploitées par les enfants de son âge, et pourtant endormies au fond de chacun d'eux, elle se sentait envahie par un brouillard étrange. Un brouillard se diffusant dans tout son corps, portant ses instincts comme une foule portait son idole.

Oui, Keilith ne réfléchissait plus, elle courait comme si sa vie et tout son être en dépendaient, comme si la mort elle-même la poursuivait, comme si...

"Suivre."

"Sauver Ellundril."

"La sauver."

"Sauver", ces mots la poussaient inconsciemment à suivre cet éclat d'argent entre les arbres sombres.

Au fait..
Que faisait-elle?
La raison de sa course, en pleine reconstitution, stoppa sa transe.
Son corps perdit la précieuse adrénaline et la fillette reprit une allure pataude et banale.

Une dizaine de mètres plus loin, Fenan, quelques peut déçu par la prestation, d'après lui, ayant duré trop peu de temps, se forca à caler ses limites sur celles de la petite.
Déçu?

Effectivement, un air un peu désappointé avait effleuré son visage et il s'était vite repris, se contentant d'un masque gelé de façade, celui qu'il portait depuis bien longtemps.

L'heure était à courir à la clairière, peu importe le poids que lui causait la fillette.
Ils coururent donc, encore et encore, sur un court trajet déjà trop énorme pour l'apprentie.
Le temps passa sans même qu'elle puisse y réfléchir.

Elle menaçait de s'effondrer lorsque, une fois arrivés à l'orée de la clairière, Fenan se retourna vers elle. Les arbres semblaient déjà plus chaleureux, la lueur du feu perçait derrière l'homme.

La teinte froide du cœur de la forêt avait disparu. Une courte herbe fine, bien que tendre, la recouvrait presque timidement, laissant apercevoir une terre plate et un peu desséchée.

L'instant de répit, le lieu reflétant presque une certaine coquetterie et la pause sommes toutes bien méritée manqua de faire sourire Keilith. La lueur rassurante des flammes, désignant un lieu occupé, faillit lui faire oublier les bruits sourds de hargne et de coups encaissés, mais elle ne put lui retirer qu'une douloureuse grimace angoissée.
Elle écarta une branche, puis deux et la grimace s'accentua en une complainte silencieuse, un appel de détresse et d'espoir envers Fenan.
Juste le temps de voir Ellundril crachant comme un félin acculé, se prendre coup sur coup, une tâche rouge pâle au coin des lèvres.

Ellundril Chariakin, une légende oubliéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant