ellundril, la fuite; 6

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"Parce que tu décides toujours tout, c'est injuste!!!"

Ellundril la regarda, interdite. Ce n'était certes pas l'excuse la plus crédible...

Et pour la première fois de sa vie, devant l'air si sérieux de sa cousine, devant cet air si adulte, devant cet air si improbable, Keilith se posa une question des plus curieuses et pourtant si frappante:

Ellundril avait-elle réellement onze ans..?

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"Bon, reprit la concernée, retrouvant  sa prestance et son impatience habituelles, autre chose à revendiquer ou on peut y aller?!"

L'indignation enfla de nouveau dans la cage thoracique de Keilith, telle une vague brulante et soudaine.

"Puisque je te dit que non! J'ai dit non, d'accord?!"
La colère montait de plus en plus, elle finit cependant par se stabiliser à un niveau raisonnable.
"Je fais ce que je veux, alors pars sans moi!!!
-ah oui? Répliqua Ellundril, sans cacher son expression goguenarde. Et tu comptes aller où, toute seule?"

Les yeux couleur terre de la petite dévièrent de leur centre d'intérêt pour croiser deux puits de glace, incitants, appartenant à un certain grand homme brun installé près des braises.

"Tu peux venir avec moi si tel est ton souhait, petite soeur." proposa innocemment Fenan, transformé par un sourire qui semblait presque adorable tant il était acceuillant, promesse de voyage, d'inconnu et de nouveauté.
"Sahan n'a pas vraiment l'air en mesure de te ramener à la capitale de ce beau pays.

-Al-Jeit, compléta Ellundril. Une ville facile à joindre à cheval."

Reprenant les paroles de l'adulte a quelques mètres d'elle, elle acheva :

"Si tel est ton souhait, cousine!"

La blonde ignorait ce que cet homme qu'elle ne parvenait pas à cerner (c'en était d'ailleurs assez frustrant) avait raconté à sa seule amie et compagne, rescapée de ce qui leur restait de famille, mais ce qu'elle sentait, c'est que dans aucun cas elle ne pouvait faire confiance à un individu pareil! Son sourire à la fois glacial et si engageant, son regard qui lui faisait ressentir un picotement malaisant à chaque fois qu'il se posait sur elle, tout cela ne contribuait sûrement pas à une quelconque mise en confiance, plutôt à une sourde mise en garde apocalyptique. Cela ne fonctionnait pas sur elle en tout cas. Mais le charme semblait avoir opéré sur sa cousine puisqu'elle se dirigea, un peu hésitante, comme à demi-engagée, vers ce grand homme si étrange.

"Ravi de voir qu'au moins une personne, ici, me considère un minimum digne de confiance."

Retenant a contrecœur les paroles cinglantes qu'elle lui aurait volontiers assénées sans pitié, la petite nymphe le fixa longuement, l'air de dire "tu n'en auras jamais fini avec moi". Elle attendit que son regard aimable atteigne une réciprocité agacée avant de laisser échapper une question qui l'intriguait, voir l'inquiétait au plus haut point:

"Es-tu donc le frère de Keilith?"

La réponse fusa, toute aussi directe.

"Bien sur que oui, j'étais au repaire des Marches de l'Ombre, avant! C'est même moi qui ai assuré la formation de ton maître après que ta mère nous ait laissés. Nous ne nous sommes jamais retrouvés réellement à proximité, je suis plus un vagabond qu'autre chose et tu m'en vois navré. Je tiens aussi à te dire que je regrette du fond du cœur la disparition de ta mère, Ellundril. C'était une magnifique personne, la perdre a été un évènement terrible pour nous tous.
-je n'en doute pas, monsieur le vagabond, ironisa Ellundril. Mon oncle, votre père si l'on suit ta logique, serait-il donc si vieux pour avoir enfanté deux êtres ayant un tel écart d'âge?"

Fenan ne sembla pas outré le moins du monde par les accusations de la petite, au contraire, il s'autorisa de nouveau à sourire.

"Je ne suis pas si âgé tout de même, jeune novice! Jai entraîné ta mère durant quelques années à l'aube de ma carrière.
-mmh, fit Ellundril, sceptique. Kei, es-tu bien sure de suivre ce type vers je ne sais...
-Ce type est mon frère, Ludi! " Déclara Keilith avec force de conviction.

"Bien sûr, railla Ellundril. "Dans ce cas, allez-y, partez. Moi, je continues ma route seule. Je n'ai pas besoin de guide pour découvrir ce monde. Je refuse de courser comme un cheval domestique ce vieil inconnu arrogant, il m'insupporte.
-Attend! "

L'ambiance sembla prendre une autre teinte.

La blonde, s'apprêtant à partir, se stoppa dans son mouvement à l'entente de la voix du brun.

"Ne voulais-tu pas avoir tes réponses? Savoir qui tu es? Ce que tu fais ici?"

Une teinte gelée.

Cette fois ci, son immobilisation était totale, et sa plus prégnante attention portée sur son interlocuteur. Fenan pouvait sentir ses vibrations, qui avaient perdues la belle régularité qu'elles gardaient depuis le début. Il pouvait sentir cette poigne invisible, sortie d'une plaie béante, tout droit du cœur d'Ellundril. Enfin, il la sentait, ce délicieux potentiel de malveillance qu'il dénichait chez chaque être qu'il croisait.

Elle ne parla pas. Il savait qu'elle ne le ferait pas. Qu'elle ne le pouvait pas. Alors il continua de resserrer son étau gelé autour de la teinte de douleur dans les yeux de sa nouvelle proie.
Comme toutes les autres, elle se croyait sûrement consciente. Mais c'était déjà trop tard.

"Ta famille, ton existence, ton monde... Je détiens tout. Nous détenons tout. Il suffit juste de trouver. De venir. De protéger Keilith, de rester juste un peu à mes côtés. Veux-tu être ton esclave, Ellundril, ou celle de tes pensées embrouillées? Suis-moi, et tu auras la vérité. Toute. La vérité."

Le ton de Fenan était prenant, sans appel et à la fois si délicat. On aurait dit la douce gamme d'une enjôleuse, le frémissement de deux ailes de cristal face à un vent sans pitié, c'était au dessus de tout ce qu'on pouvait entendre d'ordinaire. La voix de l'homme n'était plus une voix, c'était un fil, conducteur de cœur, à la fois superbe, tranchant et malsain.
Chaque mot pesait et pouvait manipuler les vibrations du cœur de la jeune Ellundril, sous forme d'une ligne, la faire vibrer au rythme des syllabes détachées. C'était comme charmer une créature fragile, unique. Cette ligne semblait d'un doré durci. Elle était étrangement aussi brisée que solide, aussi plate qu'acharnée et douloureuse. Mais Fenan avait réussi à se l'approprier, et personne n'avait pu l'en empêcher. Il n'avait pas eu le besoin d'en avoir recours avec Keilith. C'était tant pis, Ellundril l'avait bien cherché.

Keilith, elle, s'était recroquevillée. Elle sentait que quelque chose d'anormal se passait.

Ellundril, elle, avait les yeux écarquillés et sentait son cœur marteler son crâne à grands coups réguliers. Des coups qu'elle semblait ne plus contrôler. Un sang qu'elle seule ne régulait plus. C'était comme une musique dans un silence oppressant. Une musique qui l'avait totalement immobilisée.

Elle ne contrôlait plus rien.

Dans une clairière timidement ensoleillée, un grand homme brun, souriant, relâcha les épaules et fixa la petite fille, toute raide, qui se tourna vers lui et baissa ses grands yeux dans lesquels la lueur du soleil se reflétait.

"Je viens avec toi. Mais au moindre faux pas, je t'égorge."

Le sourire de l'homme s'élargit, comme celui d'un gamin.

"C'est compris!"


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Ne me frappez paaaas ! >_<
Le chapitre était prêt depuis longtemps et j'avais carrément avancé dans l'histoire mais à cause des bugs de Wattpad, mon chapitre s'était supprimé et j'ai du... Tout recommencer!
J'étais carrément dégoûté et j'ai mis du temps à m'y remettre.

J'espère que ce chapitre vous a plu, si vous n'avez pas suivi quelque chose, dites-le moi car je ne m'en rend pas forcément compte. Ça y est, l'aventure se met vraiment en place! 😁

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 22, 2018 ⏰

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Ellundril Chariakin, une légende oubliéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant