Take Off Your Running Shoes

Chapitre 6

« Tu as déjà couché avec quelqu'un dans les rayons surgelés ? »

« Quoi, genre à côté des pizzas à réchauffer au micro-ondes ? »

« Ouais. Ou les plateaux-télé, n'importe où. »

Harry sourit et baisse la tête vers l'assortiment de fromages et de fruits qu'ils se partagent pour le déjeuner cet après-midi-là. Il a plu toute la journée, ils sont donc assis contre un des murs du bâtiment, juste sous le porche devant l'entrée du magasin, où le sol est sec. Louis a la tête tournée vers Harry, à seulement quelques centimètres, et il est occupé à admirer la couleur que le temps plus froid a donné aux joues de Harry quand une dame âgée les évite visiblement délibérément et passe sous la pluie battante avant de rentrer dans le magasin. Louis se dit qu'ils ont tous deux l'air de clochards ; blottis sur le sol devant le supermarché à se passer des bouts de nourriture, mais il remarque ensuite la jolie couleur du bout du nez de Harry et décide qu'il s'en fiche complètement si une vieille mamie les juge.

« Euh, non, je n'ai jamais couché avec quelqu'un dans les rayons surgelés, » répond enfin Harry et il lève les yeux vers ceux de Louis, son sourire s'élargissant en quelque chose d'un peu espiègle et il remue ses sourcils de façon suggestive. Louis lui lance un raisin au visage.

« Ew ! » Crie-t-il alors que le fruit rebondit sur la fossette de Harry pour finir sur ses cuisses. « Dégueulasse ! Où ça alors, à côté des produits frais ? Tu l'as satisfait à côté des laitues bio, Harry ? »

Harry se contente d'attraper le raisin sur ses jambes, le lance dans sa bouche (Louis ne laisse ses yeux s'attarder que quelques secondes à l'endroit où il disparait) et tire sur une fermeture éclair imaginaire sur ses lèvres en les tendant en ce qui ressemblait à un sourire satisfait. Ça ressemble plutôt à ce à quoi doivent avoir l'air les chatons quand ils volent le reste du lait dans un bol.

Louis fait un petit bruit moqueur mais il ne peut s'empêcher de sourire du bout des lèvres lui aussi. Il est presque sûr que Harry plaisante - probablement. Peut-être. Il n'est pas sûr, mais il se dit qu'il serait temps de changer de sujet avant qu'il ne donne à son subconscient plus de matériel sur lequel divaguer.

« Alors, tu as de grandes choses de prévues pour ce week-end ? » Commence-t-il un peu sans conviction. « Une grosse beuverie ? Une orgie prévue au rayon des conserves ? »

« Non, pas ce week-end. Je vais en ville demain, en fait. J'ai cette chose de prévue. »

« Cette chose... » Répète Louis pensivement comme si ça expliquait tout.

« Ouais, » dit lentement Harry. « Um, il y a cette galerie qui va exposer certaines de mes peintures... »

« Vraiment ? »

« Ouais, c'est pas un gros truc, ni rien. »

« Ça m'a l'air d'être au moins un truc de moyenne taille, quand même, » dit Louis en souriant. « Tu m'impressionnes. »

« Je crois, enfin, les gens là-bas ont regardé ce que je fais uniquement parce que j'ai un ami qui est pote avec ceux qui tiennent l'endroit, mais ça pourrait permettre de vendre un peu. Me faire un peu d'argent, peut-être. »

« C'est vraiment cool, Harry. »

« Je veux pas me réjouir pour rien, mais... » Il hausse les épaules et baisse les yeux.

« J'étais mort d'inquiétude rien que de montrer mes projets à mon prof de céramique. J'allais plus tôt en cours pour enlever ce que j'avais fait du four pour que personne ne puisse se moquer de mon porte-crayon en argile, » dit Louis en riant.