Chapitre 33 - Antidote et Alliance (partie 2)

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La nuit commençait à tomber alors que je marchais ou plutôt courrais à travers les couloirs du château. Je pensais être fatiguée, mais mon endurance était bien meilleure qu'avant. Mon lien avec Adonis était présent et me permettait d'être plus forte, mais je n'entendais toujours pas sa voix à travers le lien télépathique.

J'avais laissé les centaures hypnotisés dans la tour de la Prêtresse en espérant qu'elle trouve une solution rapidement pendant que je m'évertuais à vois si tout le monde allait bien.

J'entrai dans la salle du trône dont les portes restaient ouvertes jusqu'à nouvel ordre. La fraicheur des couloirs s'était glissée à l'intérieur, mais mon corps ne semblait pas le sentir. Cependant je voyais les femmes et enfants se blottir dans leurs capes et manteaux.

Les lèvres pincées, je ne pouvais pas risquer de fermer les portes de la salle pour qu'ils soient au chaud parce qu'il faudrait les ouvrir à chacun de mes passages qui étaient fréquents. Je m'approchai des tables et versai de la soupe chaude dans des bols pour les donner aux survivants de la bataille.

J'aperçus la tignasse blonde de Claire avec Amédé qui entraient dans la salle du trône. Apparemment, le départ d'Adonis et moi leur avait laissé plus de temps pour se connaître et se rapprocher. Je souris quand Amédé croisa mon regard.

Il souffla des mots à sa bien-aimée qui hocha la tête avant de marcher dans ma direction d'un pas décidé. J'haussai des sourcils, étonnée par son comportement.

« Ambre, il faut que tu te reposes. Avec toute cette journée, tu dois être auprès d'Adonis, dit-il en me prenant la cuillère et le bol des mains qu'il donna à Claire. Va auprès de Léandre. Il a besoin de toi. Tu es bienveillante, mais une Reine ne peut pas être partout à la fois. Veille sur ton fils, nous nous occuperons du reste.

– Mais Eugène...

– Cet homme rentrera avec ces hommes quand ils seront en état de voyager. En cet instant, ils se reposent dans des chambres.

– Mais je ne vais pas rester toute la journée à regarder ta sœur faire des potions magiques ! Il faut encore soigner les blessés et parler à ces deux femmes apeurées... Je...

– Claire va s'en occuper, maintenant va ! »

J'ouvris la bouche puis la refermai sans savoir quoi dire. Amédé me guida jusqu'aux portes massives de la salle avant de me laisser au soin de deux hommes armés que je reconnaissais comme des centaures. Ils ne me laissèrent pas retourner dans la pièce. De loin, je vis Claire ainsi que d'autres femmes se hâter pour distribuer la soupe chaude puis la jeune femme se dirigea vers les deux humaines dont les âmes-sœurs étaient des centaures.

Claire tentait de les apaiser et il semblerait qu'elle y parvenait. Après tout, elle avait été dans leur situation. Des centaures comme compagnons de vie. Des bêtes sauvages qu'elles devraient apprendre à connaître et à aimer. Je laissai Claire, cette amie si timide qui semblait avoir un regain de confiance en elle, gérer ces femmes au bord de l'hystérie.

Je soupirai en me laissant guider par les deux centaures sous forme humaine. Après plusieurs minutes de marche au calme, nous arrivâmes en haut de la tour où logeait la Prêtresse. Avachie sur ses fioles, elle était concentrée au maximum. Les deux hommes restèrent devant la porte d'entrée tandis que je m'avançais vers les centaures empoisonnés.

Assis sur leurs sabots ou jambes croisées, ils fixèrent un point imaginaire droit devant eux. Je pinçai des lèvres en voyant Léandre qui tentait de montrer à son père comment il avait été fort devant Alexandre.

« Léandre... murmurai-je.

– Maman ! » s'exclama-t-il en courant vers moi.

Je le pris dans mes bras et fut surprise de m'apercevoir qu'il n'était pas lourd comme je le pensais. Ma force était plus puissante que je ne l'imaginais.

« Tu vas bien, mon coeur ? demandai-je en relevant ses cheveux vers l'arrière pour voir entièrement son visage.

– Oui ! Quand est-ce que Père va bouger ?

– Dès que la Prêtresse trouve une solution d'accord ? Mais pour l'instant il faut la laisser travailler. Tu ne veux pas aller te coucher ?

– Non ! Je veux rester près de Père quand il se réveillera !

– Je sais, mais il ne sera pas content quand il verra que son fils n'est pas en forme et plein d'énergie, dis-je en lui déposant un baiser sur la joue. Va dormir, je te réveillerai dès que ton père bougera.

– Promis ?

– Promis, » soufflai-je en l'emmenant vers les guerriers à la porte.

L'un d'entre eux l'emmena vers sa chambre en le portant dans ses bras. Léandre bâilla avant de fermer les yeux. Je soupirai à ce bonhomme. Il en avait vécu des choses et pourtant il pensait aux autres. Il était certain qu'il ferait un bon souverain après Adonis. Et dans un sens j'étais heureuse qu'il soit né même s'il n'était pas mon enfant biologique ni celui d'Adonis, parce que je ne pourrais un jour lui donner un enfant.

Une autre de nos conditions pour ce voyage à travers les mondes. Les femmes ne pouvaient pas enfanter. Dans un monde avec une époque reculée comme ici, c'était un sujet délicat alors que dans un monde plus futuriste, il suffirait de dire que je n'étais pas fertile ou que je ne voulais pas d'enfants et l'histoire était réglée. Cependant, je n'avais pas pensé à la réaction d'Adonis quand je lui avouerais cette vérité. Je ne m'étais pas doutée que je l'aimerais autant ni que ces sentiments impacteraient sur les miens avec une telle force.

Avec tristesse, je me mis à genoux devant Adonis et lui caressai la joue. Son visage dur avec ces brûlures si visibles me donnait envie de pleurer. Allait-il rester toute sa vie ainsi ? Je regardai ensuite Onyx et Adélaïde, l'un à côté de l'autre avec cette même expression d'impassibilité.

Si la Prêtresse ne trouvait pas un antidote, je devrais les tuer c'était certain. A quel point les Moires pouvaient être cruelles ?

Les Changeurs de Destins - Le Royaume d'HéliaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant