Prologue (Version 2) - EMRI

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Jour -0

Je caresse du bout des doigts le tissu du canapé sur lequel je suis assis. Le silence règne dans notre salon. Ma sœur trépigne près de moi, inquiète. Personnellement je me sens incapable de bouger. Je songe à nos cours de primaire sur la naissance de notre nation. Mme. Augré était une jeune femme, brillante enseignante, elle donnait vie à chaque leçon et captivait par son dévouement pour ses élèves. Je me souviens que ce jour-là elle semblait moins enthousiaste. La dernière sonnerie retentissait quand elle nous avait réunis devant le tableau noir. L'odeur de craie était douceâtre et au soleil des petits grains apparaissaient dans l'air, en suspens. Mme. Augré avait noté en titre : "La création de notre pays : Yoë ". Neutre, classique, sans mots inutiles. La classe gardait le silence, je sentais une tension monter. On savait que le sujet était important. Je ne sais pas comment on l'a su mais je ressentais en moi une angoisse grandir, la salle me paraissait trop grande, infinie, comme si je ne pourrai jamais atteindre la porte qui se trouvait dans mon dos. Mme. Augré avait commencé par nous raconter les causes de l'apparition de nos frontières. Je me rappelle que mon cœur battait très vite. Une guerre touchant l'Asie puis le monde avait détruit la majorité de l'humanité. Il ne restait que les quelques pays neutres de ce conflit, irradiés et détruits par la mort d'une grande partie leur peuples. Une entente fut établie entre les nations restantes. Ainsi, un ancien pays nommé la Russie avait construit une bulle gigantesque protégeant l'air et le sol des radiations à l'intérieur en prévision de cette apocalypse. Première victime de la bombe nucléaire, la bulle ne protégea que les équipes de maintien soit 1529 vies et du matériel militaire. Elle pu ainsi accueillir 83% de la population. Le reste des survivants fut abandonné à leur sort, le temps que l'alliance internationale puisse ériger une deuxième bulle. Un plan de construction fut entrepris avec le recyclage des matériaux de l'armée déjà stockés dans la sphère. La population laissée hors de la Sphère fut peu à peu oubliée tandis que le peuple de Yoë prospérait. Malgré l'absence d'aide, la population abandonnée réussi à survivre et également à se développer. Depuis 20 ans le nombre de pays à augmenter pour atteindre une dizaine. L'humanité a repris vie. Malheureusement, Yöe n'entretient pas de bonnes relations avec les autres nations. Je me masse les tempes. Maintenant nous sommes en guerre. Le Loup-garou a été instauré pour contenir une population à bout de souffle. Le système dictatoriale pêne à contenir les poches de rébellion qui fluctuent depuis quelques années même si le jeu télévisé a calmé les ardeurs de la majorité. Tyal me coupe dans mes pensées quand elle glisse timidement sa main dans la mienne. Je serre les dents et lui souris. Je ne me suis jamais penché sur ce sujet et je n'ai jamais jugé mauvaise la politique de Justiain Gunter. Notre pays était fragile depuis sa création et il a su réunir son peuple autour de valeurs, cependant je savais que tout n'était pas parfait. L'égalité sociale n'existe pas, les castes le démontrent très bien. Un jour, j'avais étudier un polycopié sur la hiérarchie de Yoë. Notre professeur avait commencé en disant "Notre peuple se divisent en trois catégories : L'émia, les plus riches d'entre nous, Les Ouskrets qui correspondent à la classe moyenne​ peu nombreuse et La population. Ce système garantit la sécurité du pays par une division des richesses encourageant la progression sociale. Vous pouvez tous progresser." Puis les révoltes contre la guerre qui sème la discorde entre les citoyens. Je sais tout ça mais ce n'est pas le genre de problèmes qui me touchait réellement. J'ai toujours vécu suffisamment bien pour ne pas avoir à m'en plaindre et personne dans ma famille n'est engagé dans l'armée, mes parents sont trop vieux et je suis l'aînée donc je ne partirai en service que pour mes 20 ans. Pour l'instant, je dois passer la sélection du Loup-garou. Je fixe l'écran toujours noir depuis quelques minutes. L'émission ne va pas tarder à commencer.

L'hymne du pays retentit dans la pièce peu après et mes muscles se tendent à l'extrême. La peur me ronge depuis plus d'un mois. La possibilité que je sois sélectionné est mince mais elle existe. Depuis quelques jours une phrase tourne en boucle dans ma tête : Pourquoi pas moi ? Je fais régulièrement​ des cauchemars. Ma peur grandit jusqu'à ce que je me réveille suant et alerte. Je tremble toujours violemment. Ma famille a bien sûr remarqué mes cernes, mes gestes lourds et maladroits mais ils n'ont fait aucun commentaire. Ils ont compris depuis bien longtemps la source de mes insomnies. Ma mère a tant bien que mal tenté de faire quelque chose pour moi. Elle a réduit mes tâches quotidiennes, mes parts de repas ont augmenté, je me couchais plus tôt, elle a même réussi à glisser quelques somnifères dans mes aliments. Malgré cela mes cauchemars continuaient et ma santé se dégradait. Jusque aujourd'hui. C'est le jour du tirage au sort des candidats. Quelque en soit l'issue mes cauchemars cesseront. J'attends, fébrile, mon destin. La symphonie cesse et Justiain s'avance vers le micro central. L'émission est retransmise en direct et chaque citoyen a l'obligation de la regarder. Les représailles en cas de désobéissance sont terribles à ce qu'il parait. Tout le monde connait quelqu'un qui connait quelqu'un qui connaissait une personne ayant disparu mystérieusement après avoir refusé de regarder l'émission officielle. Ainsi notre peur est alimentée par ces rumeurs et disparitions. Le dictateur prend la parole après quelques secondes de silence.
- Chers citoyens j'annonce aujourd'hui l'ouverture d'une nouvelle saison du Loup-garou !
Le public à l'écran applaudit bruyamment et lâche quelques cris. Près de moi, je sens Tyal serrer ma main. Gunter reprend.
- Les règles sont simples : Chaque candidat doit tout faire pour survivre. Ils auront des rôles tels La Petite Fille, Les Villageois, La Sorcière, Le Renard et beaucoup d'autres mais le rôle qui reste le plus célèbre et qui donne son nom au jeu est celui des Loup-garous. Leur différents rôles leur permettront de survivre un peu plus dans le jeu. Les personnages sont séparés en trois catégories​ : Les Loup-garous, Les Indépendants et Les Villageois. Le but de chaque camp est d'éradiquer l'autre et d'avoir le plus de survivants possibles. Le Maître vous expliquera mieux que moi les détails du jeu. Maître Nerw sera le bourreau cette année encore.
Un homme s'avance. Il semble solide comme un roc. Il reste impassible et il se plante à la gauche de Justiain.
- Merci Monsieur de me faire cet honneur.
Sa voix est rauque. Il passe sa langue sur ses lèvres et toise l'assemblée.
- Le jeu se déroulera en trois phases. La première est le jour où les sélectionnés interagiront normalement. Pendant la seconde phase, la nuit, ils pourront user de leurs pouvoirs. Certains seront appelés par moi-même pour procéder à des votes cruciaux ou pour récolter des indices contre les Loup-garous. La dernière est l'aube où chacun est réuni. Je décapite la personne choisie par vous, le public, ou j'annonce la nomination des personnes désignées par les Loup-garous lors de la nuit dans le cas où un autre personnage ne l'aurait pas annulée. Ensuite le village débat pour choisir un potentiel Loup-garou et le nominer. Concernant les morts, chaque jour suivant un conseil le public votera pour sauver son candidat si il est nominé. L'aube sera l'heure d'exécution. Les conseils auront lieu tous les deux jours ainsi que les mises à mort. Les quatre premiers jours seront un peu spéciaux. Il n'y aura pas de morts, ni de conseil le soir. Les relations n'en seront que plus intéressantes. Il peut y avoir certaines modifications lors du jeu en fonction de l'évolution de celui-ci. Voilà, je crois avoir terminé. Bon jeu messieurs, mesdames.
Son discours fini, Nerw recule et retourne s'assoir. Gunter et une adolescente se présentent face à une sphère énorme comportant des boules noires et blanches. Les boules noires étant moins nombreuses. Le nombre de boules est exponentiels. Sur chaque il y a noté un chiffre correspondant à une personne âgées de 17 ans. Criminel, Prisonnier de guerre ou citoyen. Il n'y a aucune différence tant soit peu la couleur des boules. Le compteur affiche 4 395 458 boules. Voici le nombre de jeunes de 17 ans dans tout le pays. J'ai une chance sur 4 395 458 d'être sélectionné. C'est ridicule... Mais pourquoi pas moi ? La sphère commence à tourner sur elle-même, de haut en bas. Le bruit des boules se mélangeant retentit à l'écran. Je commence à me ronger un ongle. Mes parents se serrent la main et Tyal regarde, captivée, notre petite télévision. Nous sommes restés ainsi pendant exactement cinq minutes et trente-quatre secondes à attendre que la première boule sorte. Je sens un filet de sueur descendre dans mon dos. Elle surgit soudainement et glisse dans une petite rigole. La jeune fille saisit la boule noire et la brandit face au public avec un sourire étincelant. Un zoom important nous apprend qu'il s'agit de la numéro 4 100 254. L'une des dernières. J'ai le tournis quand elle la dépose dans l'ordinateur chargé d'identifier la personne. Une demi-seconde, une éternité pour moi. Pourtant la teinte de la boule identifie un prisonnier ou un criminel. Un nom s'affiche : Yui Hashimoto. Une photo de l'adolescent ne tarde pas à apparaitre. Son expression est fermée et peu avenante. C'est le premier joueur de cette année. Il semble plus vieux que dix-sept ans mais la prison ne doit pas rajeunir. Les applaudissements sont très fournis. Le visage de Yui Hashimoto disparaît et laisse place à un autre nom et une nouvelle photo. C'est ainsi que pendant vingt minutes les candidats ont défilé, réduisant un par un mes chances d'être sélectionné. Je retiens vaguement certains prénoms : Angélique Dowgle, Daris Potar, Henri Bergson... C'est à la treizième boule que je ressens un léger pincement au cœur. Un visage familier s'affiche à l'écran. Ma respiration ralentit jusqu'à devenir presque imperceptible. Le visage d'un garçon châtain se dessine dans ma rétine. Layne Filarys. Je passe toutes mes journées à côté de lui. Mon voisin de table est candidat. Ma surprise est assez grande pour que j'ouvre la bouche. Je lâche la main de Tyal brusquement, elle se retourne vers moi et elle chuchote mon prénom : Emri ! Je soupire. On préfère toujours quand on ne connait pas les sélectionnés. Le tirage continue. Plus que cinq boules. Quatre. Trois puis deux. Il ne me reste que deux chances d'être candidat. Mon cœur se desserre peu à peu. Une boule noire glisse encore et enregistre le numéro 678. Une jeune fille apparaît. Ses cheveux blond et son air innocent contraste avec son statut de criminel. Jin Marlo. J'essaye d'enregistrer son nom. Je m'attarde sur son visage angélique. C'est la deuxième boule noire du jeu. La dernière boule ne tarde pas à arriver. 3 735 900. Le dernier numéro, le dernier candidat. Est-ce que c'est moi ? Je retiens ma respiration et ferme mes yeux. L'annonce retentit dans le silence du salon. Al Thrus. Les larmes me montent aux yeux. De joie et de tristesse car en ce nom je reconnais mon ami d'enfance. Ma famille crie de joie. Ma mère me prend dans ses bras en pleurant. Toute la terreur retenue s'efface. Elle reviendra plus tard lors du jeu mais pour l'instant je ne pense qu'à ma vie sauvée. La peur disparaît, les muscles se relâchent pour ce soir.

Loup-garou (À reprendre) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant