AVANT LA CHUTE 1.4 MAHASIAH

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Une fois sur Terre, je choisis mon lieu préféré et me dirige plus calmement. Je profite de ce parfum. De toutes les créations du Père, la Terre est la plus incroyable. Elle a une senteur particulière. La roche et les mers exaltent à chaque fois mon odorat. Je savoure toujours lorsque je décide de descendre. Mon épiderme est plus réceptif ici et s'il réagit dès lors où mes pieds touchent sol, il se décuple quand je redresse ma vue sur ce paysage.

Je m'assois sur le bord. Les pieds qui se balancent, je profite du bruit de l'eau qui frappe la falaise. Mon regard au loin, je fixe la lune qui se reflète sur ce tapis lumineux. L'espace est semblable d'une certaine façon à celui des Cieux. Tout est grand et vide, mais sombre. L'éclat du Paradis n'est pas comparable à celui-ci. La lumière des Cieux est puissante et aveuglante alors que celle-là est timide, voire douce. Je souris devant cette merveille tout en reprenant mes esprits. Je sais que ma mission est de protéger mes frères et sœurs de ce qui m'entoure le cou. Mais qui me protégera, moi ?

Parfois, je regrette de l'avoir, et d'autres, je me fais à cette mission. Je me dois de trouver une solution pour me défaire de ce qu'il me procure afin d'accomplir le devoir qu'il m'a confié. J'aimerais bien qu'il nous les ôte, mais le seul moyen que j'ai trouvé pour m'en détacher est de m'isoler ici, sur cette falaise. En dépit de tous les interdits. Je le fais juste pour ne pas m'égarer davantage. Personne ne peut me parler ou lire mon âme ici, et surtout, je peux laisser mon péché se répandre sans pudeur.

Alors je clos les paupières pour permettre à cette lumière rose d'envahir mon être. Mon souffle se fait plus lent en penchant la tête en arrière. J'extériorise en espérant l'épuiser ou me calmer. Je l'ai fait plus d'une fois et je sais que cela fonctionne. Plus je me crispe, plus mon corps frissonne et plus je me laisse bercer par cette chaleur ou ces images qui se propagent dans mon esprit. Mes membres se relâchent pendant que ma poitrine se lève et s'abaisse à toute vitesse.

En un instant, tout me foudroie. Mon être entier se contracte pour ensuite se détendre. À bout de souffle, j'ouvre les yeux et retrouve la lune face à moi, sonnée. Faible, pourtant, je me sens plus sereine une fois cette étape passée. En scrutant le point blanc au loin, je reprends mes esprits.

Je frémis lorsqu'un battement d'ailes claque dans mon dos. Immobile, je sens la panique me gagner quand un bruit sourd me confirme ce que je crains. Je me fige. Je n'ose pas me retourner, je n'ai pas le droit d'être ici. Mon rang me permet beaucoup d'avantages, certes, mais j'ai aussi des règles à respecter. Comment expliquer ma présence sur Terre tandis que je devrais être en haut pour voir les créations ? Je n'ai même pas le temps de préparer un mensonge à raconter que sa voix résonne dans mes ailes.

— Que fais-tu là ?

Apeurée, je me redresse avant de pivoter vers lui. Gadrel m'observe, un sourcil arqué. Il croise les bras et ses iris s'assombrissent.

— Je...

— Seuls les Archanges ont le droit d'aller sur Terre.

Sa voix n'est pas forte, mais brève. Sèche et implacable. Impossible de lui dire. Je ne peux pas. Gadrel baisse ensuite son regard vers ma poitrine, intrigué, et j'en fais de même. D'autant plus affligée, je distingue le rose de mon pendentif luire. Je prends panique lorsqu'il s'illumine en nous baignant de sa lueur. Sur Terre, je ne le cache pas et je n'ai pas eu le temps de le dissimuler.

— Qu'est-ce que cela ?

— Je... Rien !

Je glisse le bijou sous ma tunique, mais Gadrel stoppe ma main en saisissant mon poignet. Il réduit l'espace qui nous sépare. L'Archange agrippe mon fardeau par la cordelette avant de plonger ses yeux dedans. La petite pierre rose illumine son visage. Je me sens perdue, tétanisée. L'incompréhension qui parcourt ses traits est aussi ardente que mes pulsions.

GADRELOù les histoires vivent. Découvrez maintenant