AVANT LA DELIVRANCE 1.2 GADREL

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Il m'a fallu beaucoup d'arguments pour que Michaël ne me suive pas. J'aime mon frère, mais je suis conscient que je ne peux pas retrouver Siah en sa compagnie. Il ne comprendrait pas pourquoi je l'aide. Est-ce que je le sais moi-même ?

Je n'en suis pas persuadé. Cette hésitation parsème mon inquiétude. J'aurais dû l'amener devant les Séraphins et leur dire qu'elle a enfreint une loi. Pourtant, je n'ai pas pu me soustraire de cette peine qui grandissait dans ses yeux. Il m'était inimaginable de la tourmenter plus qu'elle ne le paraissait déjà. Je ne comprends pas pourquoi elle subit cela. Pourquoi devrait-elle souffrir de cette chose ? Comment serait-il d'ailleurs possible d'endurer cette force ?

Ces péchés sont encore flous pour moi. Leurs utilités ou leurs significations m'échappent. Et bien qu'elle m'ait expliqué les tenants de ceux-ci, je ne n'assimile pas leur raison d'être. Pourquoi ont-ils été créés s'ils sont si néfastes à ce point ? Je devrais prier pour lui demander les réponses, mais je ne peux guère le faire. Si je prie, Siah subira sa justice et ce n'est pas ce que je souhaite.

Elle est ma sœur et je l'aime. En voir un seul envahit par de la peine ou de la douleur me déchire l'âme. Cette famille est plus importante pour moi qu'un petit mensonge. Au final, en y repensant, je n'ai pas menti non plus. Je n'ai juste pas dit toute la vérité. Cette nuance est nouvelle pour moi. Une divergence qui me perturbe comme Siah m'a toujours troublé. Et plus je descends pour rejoindre l'entrée du Paradis, plus un malaise grandit dans mon être.

Si elle n'était pas là ?

J'ai le sentiment que mon âme s'élève plus haut dans mon corps, mais qu'elle se contracte aussi sur elle-même, en me laissant avec un mélange que je n'arrive pas à définir. Mes ailes fouettent l'air et je désirerais qu'elles chassent aussi mes pensées si contradictoires. En les regardant, ma différence par rapport aux autres me frappe une fois de plus. Pourquoi suis-je le seul à les avoir noires ?

Raphaël m'a déjà avoué qu'il ne s'agit non pas d'une inégalité, mais d'un atout. Il les voit comme une tactique de guerre. Ainsi, comme Gabriel qui a créé ses pyramides, je serais un leurre. Une uniformité de la beauté pour tromper l'ennemi. Je ne sais pas s'il dit vrai. Je crois que Dieu m'a créé comme cela pour une raison, alors je dois l'accepter et ne pas revendiquer quoi que ce soit concernant sa décision.

En m'avançant vers la porte, je remarque un point rouge au loin. Étrangement, une légèreté plus fine que l'une de mes plumes envahit ma personne. Les Séraphins sont les seuls à avoir des ailes rouges. Une différence qui exprime leurs rangs plus élevés. Ils sont les premiers que le Père a créés et il en a fait ses conseillers les plus proches. Certains de mes frères jalousent leur grade, souhaitant aussi avoir les faveurs du Créateur. Pour ma part, je trouve cela gratifiant et je suis heureux pour eux. Il est normal qu'ils soient ses conseillers sachant qu'ils sont la première œuvre de notre famille.

Neuf grands frères et sœurs qui ont tous la sagesse ou la patience que certains n'ont pas. Michaël est très peu assidu par exemple. Mon frère est brave, certes. Cependant, il ne réfléchit pas assez. C'est d'ailleurs pour cela que j'ai de la facilité à le battre avec mes Légions. Lorsque l'on combat tous les deux, il n'observe rien et fonce tête baissée. Toutefois, je lui apprendrai à mieux raisonner. De tous les Archanges, il est celui que je respecte le plus. Michaël est le seul qui me dira toujours ce qu'il pense. Il ne gardera pas de mesure comme il peut l'avoir avec Gabriel, qu'il devine plus fragile. Il cherchera au contraire à me bousculer pour faire de moi un ange plus fort. C'est en cela qu'il développe ma force et que je parfaire son savoir. Raphaël taquine plus d'une fois nos caractères en déclarant que de toute la création, nous sommes si différents et pourtant, si proches. Ne pas lui avouer la vérité me déchire l'âme, mais en la voyant se retourner vers moi, ce sentiment s'envole aussi aisément que mes pieds touchent le sol. Il me faut un instant pour contempler ma sœur. J'aime toujours détailler ses traits.

Elle est belle.

Il a créé un ange qui reflète toute la pureté de son rang. Ses cheveux blonds et ondulés sont si brillants qu'ils n'appellent qu'au toucher. Son visage clair est parsemé de part et d'autre d'une teinte rosée dévoilant un sourire doux. Ses ailes rouges contrastent avec la blancheur de sa peau. Ses lèvres apportent chaleur et amour à ce visage admirable. Elle est plus petite que les Archanges, mais son âme est plus grande que la mienne. Elle inspire la sagesse, le respect et elle pourrait représenter la beauté de toutes mes sœurs réunies. Malgré sa tunique, elle me révèle parfois des formes exquises et gracieuses. Voilà ce qui définit le plus Mahasiah.

La grâce.

Elle est avenante dans tous ses mouvements ou ses mots. C'est cette lueur dans ses yeux est de loin la plus belle couleur qui m'ait été donnée de voir. Un bleu qui m'hypnotise. En la scrutant, j'ai envie de la prendre dans mes bras afin de lui retirer ce fardeau qui assombrit les traits de son visage. C'est la raison de mon mensonge. Le besoin de la protéger. Je n'imagine pas la voir malheureuse. Elle a une âme si pure et magnifique qu'il m'est impossible de la savoir tourmentée par une simple petite pierre. En un clin d'œil, un sentiment que j'ai du mal à définir ravage ma gorge. Néanmoins, il disparaît au moment où elle me sourit, gênée.

— Je viens d'arriver.

— J'avais peur que tu ne viennes pas.

Pourquoi lui révéler cela ? Je réussis à taire certaines vérités alors pourquoi celle-ci s'est permise de se frayer un chemin jusqu'à elle ? Mahasiah agrandit son sourire en me jaugeant, les yeux brillants.

— Gadrel, c'est moi qui devrais avoir peur. Non toi.

La douceur de ses iris inonde mon corps d'une chaleur ardente. Une ferveur qu'étrangement, je ne connais qu'en sa présence. Je hoche la tête et me retourne pour vérifier que l'un de mes frères ne décide pas de sortir maintenant. Ils ne préfèrent pas la Terre de nuit comme moi, mais je me sens le besoin de le faire. Je ne veux pas lui faire courir de risque.

Je ne lui en ferai courir aucun.

GADRELOù les histoires vivent. Découvrez maintenant