AVANT LA CHUTE 1.6 MAHASIAH

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Je m'avance vers le rang le plus haut en songeant à ce que je viens de faire. Je culpabilise. Des siècles que je garde ce secret et j'ai faibli uniquement parce que c'est lui. Si un autre Archange m'avait surpris, peut-être que jamais je n'aurais révélé cela. Comment ai-je pu être si égoïste ? Je voulais juste apaiser mon âme. Ne plus mentir et encore moins à lui. Je pénètre dans mon lieu en essayant de balayer de mon esprit les yeux verts de Gadrel. De tous les étages du paradis, celui-là est le plus élevé et le plus protégé dans la hiérarchie. Metatron garde précieusement la parole de Dieu. Le seul Chœur qui est autorisé à fouler en partie ce lieu est celui des Chérubins. Cependant, les Conseils que nous tenons sont interdits à tous. Et c'est la direction que je prends parce que malgré nos péchés, nous avons une nouvelle mission à accomplir.

En volant dans le couloir de mon niveau, je scrute de part et d'autre la surface. Rien n'est visible, mais derrière ces murs, se cachent des portes dissimulées par une magie puissante. Ce couloir n'est pas qu'une ligne droite menant au trône de Dieu, c'est aussi la bibliothèque du Créateur.

Je bats plus vite des ailes en entendant au loin le rire d'Elémiah. Mes frères et sœurs sont déjà autour de la table de Conseil ce qui m'inquiète davantage sur mon retard. En ouvrant la porte, je retrouve ma famille entourée de parchemins et de tablettes divines. Cahetel, notre gardien, relève son regard vers moi.

— Où étais-tu Siah ?

Je me mords l'intérieur de la joue sur le mensonge que je m'apprête à lui révéler.

— Je cherchais un lieu pour l'Homme.

Il me sourit tout en m'invitant à m'assoir entre Elémiah et Lélahel. Je ravale ma culpabilité naissante en contournant la table, puis m'installe. Nous sommes huit et nous avons chacun une place selon notre propre création. La première est Vehmiah. Elle porte l'orgueil et j'ai vu plus d'une fois son fardeau se répandre autour de cette table en s'appropriant les idées de certains. Yéliel à côté d'elle, garde l'avarice. Mon frère est discret et ne partage que très rarement ses pensées. Il n'est pas très bavard, mais il observe toujours. L'avarice le contraint parfois à surveiller bien plus que nous sept. À sa droite se trouve Sitael. De tous mes frères, il est le plus malicieux, et c'est ce qui en fait un gardien de l'envie bien justifié. Il a du mal avec son fardeau et il se confie bien plus à moi qui comprend davantage sa peine que les autres. Il est surtout mon plus fidèle ami. Il m'a aidé à maîtriser la Luxure. Il me regarde d'ailleurs en souriant. Mon grand frère est affectueux avec moi et en cet instant, je souhaiterais me retrouver dans ses bras pour qu'il me protège pour toujours.

Elémiah siffle entre ses dents, sûrement à cause de mon sourire niais. Elle secoue la tête avec une mine sombre. La colère se déverse sans limites et je dois lui accorder qu'elle détient le péché le plus dur à contrôler. Et malgré plusieurs de ses remarques acerbes à notre égard, on l'aime tout de même. Chaque Séraphin salue son courage. C'est elle qui a saisi le péché le plus coriace. Dieu nous a laissé cet unique choix avant de nous demander de le mettre autour du cou. Il nous a permis de nous concerter afin de prendre en charge nos missions. Elémiah voyait bien qu'aucun de nous n'osait toucher celui-là après avoir su ce qu'il recelait. Alors son courage excuse ses débordements. Je la regarde d'ailleurs du coin de l'œil. Sur ma gauche, elle est droite et entrelace ses doigts avec ardeur. Sa peau sombre se blanchit sur ses phalanges pendant qu'elle nous observe en silence. Elle est en perpétuel combat intérieur. Cela me déchire l'âme de la savoir si tourmenté.

— Essaye de te calmer, grande sœur. Je veille sur toi.

Elle pivote vers moi, ses yeux brillent de stupeur. Sa douleur me frappe en la voyant. Elémiah me sourit avec timidité la seconde suivante et hoche la tête. Elle détend ses épaules et j'en profite pour lui attraper la main et la lui caresser afin de l'apaiser. Lélahel à ma droite me lance un coup de pied sous la table. En me retournant vers lui, le gardien de la paresse ne me surprend pas, affalé sur sa chaise. Il me sourit aussi en laissant pendouiller son bras.

— Tu n'es jamais en retard, Siah.

Je quitte son regard sans lui donner la moindre explication et croise celui d'Achaiah. Elle scrute les parchemins tout en engouffrant mes dernières créations. Mes raisins craquent sous ses dents et ne la déconcentre pas de sa lecture. J'admets que je ne l'aide pas dans sa tâche en créant essentiellement de la nourriture. Elle me réclame souvent ce qu'elle appelle mes petites gourmandises. Je quitte mon regard d'elle lorsque Cahetel se redresse.

— Vos pierres, s'il vous plaît. Il ne doit pas y avoir de vices pour cette réunion.

Il ne tend pas la main, car il n'a pas le droit de les toucher. Le faire reviendrait à ne pas accomplir sa tâche. Il n'est pas censé s'y approcher pour garder son esprit juste et non tourmenté comme le nôtre. Nous nous levons tous et retirons nos pendentifs du cou. Posées au centre de la table, je contemple leurs couleurs s'animer. Elles clignotent les unes et les autres comme si elles communiquaient entre elles. Les sept péchés sont comme mes frères et sœurs à cette table. Ils ont besoin d'être en harmonie. L'un développe les autres et comme nous, ils doivent être ensemble pour être plus fort. Les teintes de ces pierres m'hypnotisent par leur beauté tandis que mon âme retrouve de la légèreté. Le rose de la luxure me rappelle néanmoins sans arrêt à ma tâche.

Je soupire et observe les autres couleurs tout aussi lumineuses. Le rouge pour la colère, le vert définit la paresse, le jaune subjugue l'orgueil, l'orange accroit l'avarice, le bleu symbolise l'envie. Et enfin, le violet scelle la gourmandise. En les fixant, je me souviens de l'idée d'Elémiah de les enfermer dans un lieu caché. Un coffre impossible à ouvrir. Cela aurait pu nous préserver, mais Dieu ne le souhaitait pas. Il a mis en nous sa confiance et a préféré voir ses plus proches garder ses fardeaux. Voilà, la plus grande de nos missions.

L'aider.

Metatron me tire de mes pensées envers l'amour du Père en entrant dans la salle.

— Vous voilà tous réunis ! Nous pouvons commencer.

Il s'installe aux côtés de Cahetel et pose les dernières paroles de Dieu au centre de la table. Je le regarde en songeant à ma mission et mes yeux dérivent sur les anges présents. En scrutant mes frères et sœurs, leur beauté me frappe davantage sans mon fardeau autour du cou. Je retrouve le temps d'un instant mon rang et je découvre comme sous un nouvel œil mes semblables. Ils sont magnifiques. Néanmoins, ils n'égalent pas la beauté d'un autre. Je fronce les sourcils en réalisant que des images de Gadrel s'immiscent dans mon esprit et qu'elles me perturbent. Je pensais mon péché responsable de cela, mais je viens de comprendre qu'il ne s'agit pas que de lui.

GADRELOù les histoires vivent. Découvrez maintenant