Chapitre 4

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Forçant ses pieds à se poser l'un devant l'autre, martelant ainsi le plancher de bois clair de sa marche pressée, Renji fonçait vers la salle des réunions stratégiques. Il avait rarement eu à subir une fréquence cardiaque aussi intense. Même les extrémités de ses cheveux relevés peinaient à suivre la cadence alors que leurs bases dégoulinaient de transpiration. Son ombre peignait à peine les murs latéraux pendant que ses pas ne laissaient que d'éphémères empreintes de son passage.

« Bon sang, se dit-il, si j'apparais en salle de réunion dans cet état, ils vont me virer aussi sec »

Il arriva finalement devant la porte où on l'avait convoqué. Close, elle renfermait derrière elle ceux qui allait peut-être décider de son destin. Ravalant difficilement sa salive, il plaqua ses deux grandes mains en hésitant à ouvrir les deux plaques de bois immenses.

Il se rappelait le sort d'un certain Seizo. Dépourvu de sa puissance, ce soldat avait été réduit au rang de larbin par les autres membres de sa division, la plus belliqueuse et violente de toute.

Ce n'est qu'à force de courage qu'il avait réussi à retrouver l'honneur de ses congénères, qui l'avait salué, au moment de son licenciement.

Renji ravalait durement sa salive.

Se pourrait-il que lui aussi, termine de cette même manière ?

Secouant résolument la tête, le soldat déchu fit craquer ses doigts en les plaçant fermement sur les poignées de bois mince, mais néanmoins ouvragées, de la salle de réunion.

En un souffle ample, les deux battants se déployèrent en un seul coup, répandant un courant d'air qui coupa la respiration du vice-capitaine.

Ce dernier, ordonnant la clôture de son cœur, avança dans la salle en affichant l'expression la plus neutre possible. Il avait acquis ce protocole depuis son ascension dans les échelons. Pour ne pas entacher la réputation de son capitaine, ou risquer de souiller celle de sa division, il avait dû apprendre à changer de visage. Ne garder celui du bon vivant joyeux et altruiste pour ses amis, pour qui il était prêt à tuer, et afficher devant son capitaine et ses autres supérieurs, le faciès d'un guerrier fort et implacable.

Heureusement pour ses nerfs, peu de personnes étaient présentes à cette réunion. Son capitaine, qui l'avait recommandé, ne bougea pas à son arrivée. Il avait eu le temps d'arriver avant lui, alors qu'ils ne s'étaient quittés qu'il y a quelques minutes. Sans doute l'intervention de Shine y avait contribuer. Celle-là... Il la retenait !

Un impassible et habituel regard strict l'accueillit, et un rapide déplacement de pupille répondit au respectueux salut de Renji.

En face de lui, aussi ancré dans le sol que les colonnes soutenant le toit de l'habitacle, le commandant en chef demeurait immobile, aussi impassible que le capitaine Kuchiki à l'arrivée du soldat rouge.

Ce dernier, toujours conforme au protocole, plia un genoux à terre, toucha le sol de son poing droit fermé, et courba l'échine, comme un chevalier preux faisant son salut.

Les yeux fermés, priant secrètement, il attendit le verdict.

Il lui sembla un instant que tout un souffle venant de son dos était aspiré par l'homme en face de lui. Et qu'il allait le relâcher, comme un lion qui rugit, de son éternelle voie caverneuse et chevrotante.

Âgé de plus d'un millénaire, et portant sur son corps au moins autant de cicatrices téméraires, le commandant en chef Shigekuni Yamamoto était de ces êtres que l'on pourrait comparer aux chênes. Aussi robuste, et la peau parsemé d'autant de ramifications ondulantes, son expérience de la vie et du combat était aussi longue que chacun des brins de sa barbe blanche traînant au sol. Une fois réunis, bien sûr.

-Des événements paranormaux ont été repérés et signalés par un être surnaturel depuis une côte isolée d'Angleterre, commença la voie vibrante et grave du grand barbu.

A côté de lui, son vice-capitaine Joshiro Sasakibe, très discret et professionnel au point que Renji l'ait à peine remarqué (ils étaient pourtant amis) esquissa un sourire tout juste perceptible. Ce pays qu'il aimait tant...

-Sous appui de votre capitaine, continua le commandant d'une voie rauque qui fit sursauter le shinigami rouge qui avait vu son attention vaciller, j'ai pris la décision de vous envoyer, vous, Vice-Capitaine de la Sixième division, déchu de votre sabre et par ce biais, de vos qualités de combattant (dieu que cette phrase-là était dure à entendre) sur le terrain pour répondre à la demande du surnaturel étant parvenu à nous contacter...

L'incroyable labyrinthe de tatouages que formaient les sourcils de Renji s'arquèrent en une expression de doute. Il tourna furtivement la tête vers son capitaine. Mais l'air fermé de ce dernier ne l'aida absolument pas. Il se jura néanmoins de prendre cette mission avec beaucoup de précautions, les mots employés par le commandant lui insufflant l'idée que ce surnaturel ne serais peut-être pas qu'un client, finalement...

-J'attends par conséquent de vous un résultat parfait concernant cette mission, ne faillez en aucun cas, et apporter des résultats capables de satisfaire la demande de l'investigateur !

Se relevant promptement, Renji inclina une dernière fois le buste en un salut final, tout en jurant de rapporter à ses supérieurs des résultats au-delà de leurs espérances.

Après avoir opiné de concert à ces propos, les deux capitaines s'écartèrent, et Byakuya Kuchiki tira de son fourreau son sabre d'un geste lent et gracieux.

Il l'enfourna en un geste d'escrime en face de lui, dans un espace complètement vide. L'extrémité de la lame, pourtant, disparu, et le reste du fer la suivi dans son sillage, comme si un drap invisible se trouvait devant l'arme.

Une lumière blanche naquit alors du bout coupé de l'épée, et un portail de bois japonais, tout à fait traditionnel, apparut devant Renji, pas le moins du monde étonné par ce spectacle.

Le Senkaimon s'ouvrit en un claquement de bois et, ne pouvant fermer le poing sur son épée, le guerrier rouge le ferma sur le vide de toute ses forces, et avança résolument et avec détermination vers le passage lumineux.

Dans le même bruit qui avait annoncé son ouverture, le portail se referma derrière lui, pour disparaître complètement.

Dans un geste silencieux, le capitaine de la sixième division rengainait son sabre, tout en saluant son supérieur dans l'intention de prendre congé, mais il fut intercepté par la voie prenante du commandant en chef, qui lui demandait :

-Êtes-vous bien sûr que cette décision était prudente ? Cela fait 300 ans que je n'ai plus eu affaire aux vampires. Ils sont d'un sournois et d'une perfidie à faire brûler les églises...

Inconcevable, pour ce vieil homme, de ne pas mentionner le feu dans ses mots...

Le capitaine Kuchiki clôt ses yeux dans le silence éternel qui le caractérisait, et répondit tout en se dirigeant vers la sortie :

-Ne vous en faites donc pas. Renji est impitoyable dès lors que l'on touche à ce à quoi il croît ou tient. Il se battra avec raison. Et puis...

Il ouvrit l'un des battants de la porte dans l'intention de disparaître, et lâcha juste avant :

-Il ne sera pas seul, dans ce périple....

A quelques lieux de là, dans un secret des plus grand, Shine Hatefull avait quitté sa demeure austère et avait également ouvert un Senkaimon pour l'Angleterre.

Elle tenait un secret lourd qu'elle n'allait pas laisser s'échapper....

Bleach - Le Mystère du Pont Mellor [TERMINEE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant