Chapitre 3♦

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[Version Réécrite.]

Avec tout le respect que je lui dois, mon boss est un enfoiré.

Je n'arrive pas à croire qu'il m'ait demandé d'être dans son bureau à neuf heures tapantes, chose surprenante mais vraie : j'y suis arrivée même avec dix minutes d'avance. Ce qui est un exploit sachant les verres alcoolisés que j'ai englouti hier. Finalement, je n'ai pas pu respecter ma parole et me suis retrouvée à enfiler quatre verres de punch.

Alcool tu me perdras.

Ce qui m'irrite n'est pas tant l'heure à laquelle je suis arrivée, car elle est tout ce qu'il y'a de plus correct; c'est juste que mon patron, ce cher monsieur Lockwood qui a menacé de me virer si je n'étais pas à l'heure, est lui même en retard. Comment ça se fait ?

Je regarde frénétiquement la montre accrochée à mon poignet tout en mâchant un chewing-gum mentholé pour retirer ce goût fade qui pollue mon palais. Même les deux tasses de café que j'ai sirotée avant de venir n'ont pas réussi à estomper mon mal de crâne ni à me donner une certaine pêche.

Promis juré, je ne toucherai plus jamais une goutte d'alcool.

Tu répètes la même chose chaque fois après une cuite, mais jusque là on ne voit pas grand changement.

T’es qui toi ?

J'étais tellement mal ce matin que je n'ai fait aucun effort vestimentaire. Je baisse les yeux sur ma tenue sans pouvoir contenir ma grimace. Et dire que c'est juste maintenant que je réalise cet ensemble immonde que je porte.

Alcool quand tu nous tiens, on commet des choses terribles.

Je jette à nouveau un coup d'œil sur ma montre. Est-ce que mon patron a décidé de me mettre sur les nerfs le premier jour ? Si ça se trouve, il le fait exprès. Il se dit certainement que s'il se montre exécrable envers moi, je serais lâche et prendrais la fuite.

Ha ha ha. Là c'est mal me connaître. S'il croit y parvenir, il se met le doigt dans le cul. Pour rien au monde je ne quitterai ce poste de mon plein gré, sinon en cas de force majeure. Même ce dernier point me fait douter. L'argent clignote bruyamment dans mon cerveau et parle pour moi.

Quelques minutes plus tard, alors que je rumine toujours et traite mentalement mon boss de petit prétentieux, la porte du bureau claque brutalement, ce qui me fait sursauter. Machinalement je redresse ma posture, et sans que je ne sache pourquoi, mon cœur s'est mis à pulser plus de sang que nécessaire. Je n'ai même pas besoin de me retourner pour savoir qui vient d'entrer.

– Excusez-moi pour ce petit retard, présente Raphaël Lockwood.

Il retire rapidement sa veste bleu marine qu'il place autour des épaules de son fauteuil en cuir. Malgré toute ma bonne volonté à résister, mes yeux louchent carrément sur sa chemise blanche qui cache sans aucun doute, un corps musclé et athlétique. J'admets, sa carrure impose du respect.

Et pendant une nanoseconde, j'imagine mes mains en train de tâter chaque parcelle de sa peau.

Ma parole, tu délires déjà.

En guise de ses excuses, j'arbore un sourire platonique. C'est ça. Lui il a le droit de s'excuser, mais moi je n'ai pas le droit d'arriver après une minute de l'heure convenue, sinon je suis virée.

Je le regarde s'asseoir et ouvrir son ordinateur portable. Il pianote dessus pendant quelques secondes, puis son regard se pose sur ma personne. Il fronce les sourcils, certainement intrigué par mon look.

– Pourquoi portez-vous des lunettes de soleil dans un bureau ? s'enquiert-il sèchement en me toisant.

Parce que j'ai la gueule de bois, des yeux bouffis et envahis de cerne par manque de sommeil.

Je hausse les épaules, en prenant un air que je veux désinvolte.

– Juste comme ça, pour changer.

Il ne répond pas et continue de me scruter, comme s'il cherchait à trifouiller les tréfonds de mes pensées. Je dois faire un effort monumental pour ne pas broncher, et rester droite comme un «i», pourtant l'envie de me gratter envahit soudainement mes mains. Pourquoi me dévisage-t-il de cette manière ? Heureusement que j'ai une barrière de protection visuelle.

– Si je vous ai demandé de venir c'est pour vous parler de votre travail en tant que mon assistante. Comme j'ai pu le remarquer sur votre CV, vous n'avez aucune expérience. Est-ce exact ?

Pourquoi me demande-t-il une confirmation alors qu'il a déjà une réponse à la question ? Pourtant, je hoche la tête.

– OK, c'est simple. Vous ferez tout ce que je demande, vous serez à ma disposition à toute heure, vous m'obéirez sans broncher. En gros vous serez une «mini-moi».

Mes épaules s'affaissent comme si je venais de recevoir un violent uppercut. J'aimerai pousser un soupir interminable pour lui montrer ma frustration, cependant en bonne élève obéissante je me contente de hocher la tête.

Je sens que c'est le début de mon calvaire. Un pur martyr qui m'attend.

– Je ferai tout pour vous satisfaire afin que vous n'ayez aucune plainte à émettre sur mon travail, affirmé-je solennellement.

– J'aime ça, sourit-il un brin narquois. Pour l'instant vous commencerez par un engagement à essai, au bout de trois mois si je suis satisfait de votre boulot je vous engage définitivement, dans le cas contraire adieu !

Adieu, répété-je mentalement en hochant la tête.

Je ne réponds pas, et il ne semble attendre aucune réaction de ma part. Il soulève le combiné du fixe, et le colle à son oreille après avoir appuyé sur une touche.

– Est-ce que t'as le contrat de Mademoiselle Bridgestone? demande-t-il sans préambule, bien apporte-le moi. Je le veux tout de suite.

Il raccroche et se remet à me fixer.

– Quelles sont les langues que vous parlez ?

– Anglais, Français et Japonais, rétorqué-je fièrement.

Il n'a pas l'air si impressionné que ça, et marmonne un «bof» qui m'envoie un crochet de droit douloureux.

– Ça tombe bien concernant le japonais, nous sommes en ce moment en collaboration avec une société japonaise, dévoile-t-il toujours en rangeant quelques dossiers, nous devrons nous rendre à Tokyo.

Je mets un moment pour enregistrer l'information, et après l'avoir analysé, mes yeux s'écarquillent légèrement de stupeur.

– Sérieusement ? m'enquiers-je hébétée.

– Oui d'ici la fin de la semaine, annonce-t-il, ne vous inquiétez pas concernant la réservation d'un billet, j'ai un jet privé à ma disposition.

Waouh. Je suis comme un enfant qui mate son dessin préféré à la télé.

– Super cool, pensé-je toute frémissante.

Il arque un sourcil en me regardant. Il ne peut pas voir l'étincelle qui brille en ce moment dans mes yeux…et c'est une bonne chose.

– Veuillez retirer vos lunettes, exige-t-il froidement.

– Euh…je ne pense pas…

– Mademoiselle Bridgestone, me coupe-t-il lentement, je pensais avoir été clair quand j’ai dit que vous m’obéirez sans broncher par conséquent je me fiche de ce que vous pensez, quand j'ordonne, j'attends qu'on m'obéisse. Quand je parle avec une personne, j'aime la regarder droit dans les yeux, alors je ne vais pas me répéter une troisième fois. Veuillez retirer ces lunettes.

Je grogne des choses inaudibles, et retire malgré tout mes lunettes. J'ai très envie de le fusiller du regard, cependant je prends énormément sur moi. Je le ferai lorsque il sera distrait. Son éternel rictus suffisant apparaît à la commissure de ses lèvres.

– Ouille, vous avez une mauvaise mine, se moque-t-il.

– Je sais, grommelé-je, pas la peine d'enfoncer le couteau dans la plaie.

Des petits coups sont frappés à la porte.

– Entrez !

L'instant d'après, la rouquine qui m'avait l'air un peu stricte la veille apparaît et tend un dossier à mon patron.

– Merci Margerita.

Elle me jette un bref regard, avant de repartir vers la sortie. Monsieur Lockwood glisse vers moi le fameux contrat tout en me conseillant:

– Prenez la peine de le lire avant de signer.

– Quand dois-je le remettre?

– Demain. Et j'espère qu'il sera signé.

– Je l'espère aussi, ironisé-je.

– Bon assez bavardé, clame-t-il en se mettant debout.

Je me lève à mon tour en fourrant le contrat dans mon sac. Il passe devant moi, et je pose mon regard sur ses fesses fermes à l'œil nu. Son pantalon qui doit sûrement coûter une partie du loyer de l'appartement de Gwen, lui va à ravir et épouse parfaitement ses jambes fuselées. Malgré le fait que je porte des talons, il me dépasse au minimum d'une tête.

Ça c'est sûr, mon boss est une putain de réincarnation d'un dieu.

– Vous voulez peut-être une photo ? crache-t-il en pivotant.

Je me stoppe net, et me cogne contre son torse. Ma-ma-mia. Je recule de quelques pas et plonge mes iris dans les siens toujours si mystérieux.

– Quoi ? parviens-je à dire en effaçant toute pensée obscène à sa vue.

– J'ai senti votre regard peser sur moi, ce qui en dit long sur vos pensées, raconte-t-il d'un air malicieux. Vous devriez vous montrer plus…comment dire déjà…discrète.

– Merci du conseil monsieur Lockwood, je compte l'appliquer, répliqué-je sarcastique en souriant.

On se défie du regard pendant un instant. Bordel ! Je flanche et détourne le mien. C'est quoi ces yeux malsains ? Ce qui est terriblement troublant, et fait retourner mon estomac étrangement. Il se retourne, et j'enjambe ses pas. Nous sortons du bureau. Il ouvre la porte qui est en face de la sienne.

– À partir d'aujourd'hui voici votre bureau, m'annonce-t-il de sa voix grave.

Mon bureau. Quand je me rends compte que je vais avoir un bureau rien que pour moi, j'ai envie d'exécuter le triple saut. Je suis emplie d'enthousiasme. Parlant du bureau, il est plus petit que le sien. La couleur glace à la vanille recouvre les murs, une fenêtre, un petit bureau sculpté en verre est au centre, dessus tous les outils nécessaires pour travailler comme par exemple un ordinateur portable, une tablette, quelques classeurs, un pot où sont rangés des crayons. C'est simple. Joli et simple. Ça me convient.

– J'aime bien, dis-je finalement sans cesser de parcourir la pièce du regard.

– Même si vous n'aimiez pas il serait quand même le vôtre.

Cette fois-ci je le foudroie du regard. Heureusement pour moi, il ne le constate pas.

– À chaque fois que j'aurai besoin de vous, une lumière rouge clignotera sur le fixe situé ici, pointe-t-il du doigt ledit téléphone sur le bureau.

– OK.

– Margerita vous expliquera comment gérer mon emploi du temps, continue-t-il.

– Qui est-ce?

– La secrétaire qui était il n'y a pas deux minutes dans mon bureau, explique-t-il en me regardant d'un air mauvais. Apparemment vous avez des problèmes de mémoire, si vous ne vous rappelez même plus des personnes que vous venez de rencontrer, dois-je craindre les résultats de votre travail ?

Connard ! Ma lèvre inférieure me démange, et je tourne sept fois ma langue dans ma bouche pour ne pas m'emporter dans mon élocution.

Je glisse mes mains dans les poches de mon pantalon.

– Je ne me rappelle que des choses ou des personnes importantes, assuré-je légèrement froide sur les bords.

Je tourne la tête et surprends son regard sur moi. Instinctivement, je déglutis. Rho, peut-il arrêter de me dévisager de cette façon ? Ça me fout la chair de poule.

– Suivez-moi, ordonne-t-il.

Je lève les yeux en l'air. Il aime tellement commander. J'obtempère. Nous nous rendons dans son bureau. Et il me tend une pile de dossiers vraiment lourde, qui manque de me faire perdre l'équilibre. Après une seconde, je parviens à retrouver une position stable et cesse de tituber.

– Vous les traduirez en anglais, ils sont tous en japonais, et je les veux au plus tard pour jeudi.

Je fais des yeux ronds abasourdie.

– Vous n'êtes pas…enfin monsieur Lockwood, jeudi c'est dans deux jours et ces dossiers sont énormes, je ne crois pas que je pourrai finir dans les temps, me plains-je de façon dramatique.

– Vous ai-je demandé ce que vous croyez ? Non, alors faites votre travail et tout ira pour le mieux.

Mes lèvres me brûlent à force de me retenir. Oh ! N'oublie pas que c'est ton patron. Oui, ce détail pertinent me rappelle toujours à l'ordre.

Je fais volte-face, et marche d'un pas assuré malgré le poids volumineux des dossiers vers mon nouveau bureau.

– Zoé, m'interpelle-t-il.

Je manque de lâcher un «Quoi», mais m'abstiens en m'intimant de rester polie, courtoise en toute circonstance.

Je me retourne et lève un sourcil:

– Oui ?

– N'oubliez pas que vous êtes en période d'essai, alors le moindre écart de votre part entraînera votre départ immédiat de mon entreprise. Suis-je clair ?

– Très clair monsieur.

– Parfait ! Savez-vous préparer du café ?

– Oui.

– Je le prends noir et sans sucre, renchérit-il, j'ai besoin d'une bonne dose de caféine avant d'entamer toute activité.

– Oui et alors ? lâché-je sans réfléchir.

Le petit rictus qu'il arborait s'évanouit dans la nature, et merde je me mets à paniquer. Ai-je mal répondu ? Surtout je ne vois pas où il veut en venir.

– Vous allez me préparer un café tout de suite, la cafétéria se trouve au fond du couloir.

Je me retiens de lui faire un doigt d'honneur et de lui dire d'aller se préparer lui-même son café noir.

– Bien Monsieur, dis-je en lui adressant mon sourire le plus hypocrite.

Je dépose les dossiers dans un bruit sourd sur mon bureau. Je prends un temps de réflexion. Mon boss est un connard doublé d'une attitude prétentieuse, ça c'est clair. Et j'imagine déjà que toutes mes journées se régleront selon les humeurs de monsieur. Ce qui craint franchement.

Je suis maintenant dans la cafétéria. C'est surprenant à quel point elle est fournie. Avec de tels gadgets, on n'a plus besoin de mettre le nez dehors. Avec un tel coin, je ne mourrai jamais de faim.

Je fais marcher la cafetière. Finalement, je vais aussi me prendre un autre café. J'en ai fichtrement besoin.

– Tenez, dis-je en déposant la tasse sur le bureau de mon patron.

Il l'attrape en me jetant un coup d'œil suspicieux. Il renifle l'odeur comme un chien devant un os, et sa grimace ne m'échappe pas. Je ne comprends pas son geste. N'aime-t-il pas ? Mais…Il ne l'a même pas encore goûté.

– Goûtez-le, m'incite-t-il, j'aimerai être certain que vous ne cherchez pas à m'empoisonner.

Je tombe de quinze étages là. Je pince les lèvres, vexée. Et je le dévisage comme s'il est névrosé. Ça c'est la meilleure. Je n'ai même pas eu cette idée, et ce qui est pire c'est que c'est une bonne idée et qu'elle vient de lui.

Je plaisante.

– Si vous y tenez vraiment.

J'attrape la tasse, et trempe mes lèvres dans le nectar. Une grimace me fend le visage. C'est vraiment amer. Noir comme son cœur.

Finalement, j'esquisse un demi-sourire.

– Vous voyez ? Je n'ai pas une tête de meurtrière, rétorqué-je sarcastique.

– Ouais, ouais. Filez travailler maintenant, ronchonne-t-il.

Je lève les yeux en l'air et pivote.

Je pourrais peut-être bien l'empoisonner.

Non, je déconne.

Ou pas.


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My F*cking Boss. ( Publié chez &H)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant