Chapitre 5♦

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Soyez prête d'ici une demi-heure, j'enverrai mon chauffeur vous prendre. R.L

Je range le téléphone dans la poche arrière de mon jean, et termine de boucler ma valise. Je n'ai pas besoin de demander qui c'est parce que je le sais déjà. La signature à la fin du message a été explicite. R.L comme Raphaël Lockwood ou mieux Raton laveur. Raton Laveur Lockwood, je me marre toute seule comme une conne avant de me dire que cette blague est vraiment nulle.

Petit rappel : Ne jamais la sortir en présence du concerné sinon…affaire à suivre. Je visualise déjà très bien la scène : moi en larmes, un carton contenant mes maigres affaires prenant le chemin de la sortie sous les regards de pitié des autres.

Ah non. Oust! Du balai malchance.

La semaine s'est vite déroulée. Mon boss que j'ai baptisé monsieur l'enfoiré a passé son temps à me critiquer et à tripler mon travail, me faisant chier par la même occasion. Heureusement, j'ai remis à temps cette foutue traduction. Ça valait la peine de sacrifier deux nuits de sommeil en me carburant à la caféine extra-forte. Même comme il a été d'une humeur plus qu'exécrable. «vous êtes si lente, j'aurais mieux fait d'embaucher un escargot.»; «non ce n'est pas ça mais putain êtes-vous certaine d'avoir été au cours élémentaire?»; «dites-moi un peu qui était votre professeur au lycée, vous êtes hyper nulle.» Bref tous ces propos m'ont convaincu d'acheter un bloc-notes sur lequel j'ai commencé à inscrire différentes tortures que je lui prépare.

Numéro un: couper ses parties génitales, les faire frire dans une poêle et les donner aux vautours comme déjeuner.

J'ai tellement hâte d'atterrir à Tokyo, une fois de plus. Je connais à peu près très bien le territoire japonais comme ma poche, les endroits magiques qui éblouiraient plus d'une personne. La dernière fois que j'y ai mis, c'était avant que je ne fasse ma rentrée en première. Une sorte de colonie de vacances, et on peut dire que ça date.

La bonne nouvelle c'est que Margerita viendra avec nous. Au moins, je peux la considérer comme une alliée. La seule personne que j'ai appris à connaître ces derniers jours et qui se démarque considérablement du lot «d'enquiquineurs» comme j'aime les appeler. Sa bienveillance et son amabilité n'ont fait que renforcer l'agréable impression que j'avais sur elle. Elle s'est comportée comme une grande sœur et j'aurais bien aimé que le rôle de Gwen lui soit attribué. Malheureusement ce vœu ci ne pourra pas être exaucé. On ne choisit pas sa famille.

La mauvaise nouvelle c'est que Cassandra fera aussi partie de «l'escapade». Selon monsieur l'enfoiré, c'est une personne dotée de pleins d'atouts, grâce à elle nous pourrions même signer un contrat avec le pape». J'imagine à peu près ces soi-disant atouts. Ouais, ouais !

La porte de ma chambre grince, je tourne la tête et souris en découvrant Ryan sur le seuil. Il arbore une mine tristounette à l'idée que je parte et le laisse entre les griffes de la sorcière. Bien entendu, la dernière remarque vient uniquement de moi.

– Cet appart ne sera rien sans ta bonne humeur, ronchonne-t-il les bras croisés sur la poitrine.

J'esquisse un demi sourire.

– Toi aussi tu vas me manquer. Je ne vais pas durer là-bas, juste le temps qu'on signe le contrat avec les investisseurs et hop je reviens te protéger de la méchante sorcière.

Il ne réagit pas à mon rire, se contentant de me réprimander à travers son regard noisette. Je lève les yeux en l'air, il n'est pas drôle.

Il maugrée, mais cela ne l'empêche pas d'avancer pour me prendre dans ses bras. Je réprime un cri en sentant mes boyaux se tordre sous l'impact de cette étreinte vraiment…étouffante. Il me tient si fort entre ses bras que je crains de mourir par asphyxie. Drôle de façon de s'éteindre. Je me hisse sur la pointe des pieds et réponds à son câlin en humant son odeur familière et chaleureuse.

Au moment où je manque vraiment d'air, je veux me détacher mais c'est sans compter sur Ryan qui en profite pour me serrer encore plus contre lui, et cette fois-ci je ne retiens pas la grimace qui chiffonne mon visage.

– Oh Ryan c'est bon…tu m'étouffes.

Il se détache de moi, ce qui me permet d'inspirer et d'expirer librement. Se grattant le front en lâchant un petit rire, il s'excuse penaud:

– Désolé.

Je souris.

– Et si tu m'aidais à descendre ma valise ? proposé-je en la pointant du doigt. Raphaël a dit qu'il m'envoyait son chauffeur.

Mon ton se veut détaché, pourtant mon for intérieur bouillonne d'impatience et d'excitation. Un chauffeur, bon sang, je n'aurais pas rêvé mieux !

– Et n'oublie pas de m'appeler dès que tu arrives, me répète Ryan pour la énième fois.

– Oui papa.

Nous attendons maintenant sur le trottoir devant notre immeuble, et je ne peux m'empêcher de lancer des coups d'œil de droite à gauche.

– Tu ne pouvais pas faire un effort pour mieux t'habiller ? lâche-t-il en me détaillant de la tête jusqu'aux pieds.

Je lui jette un regard outré. Ryan m'énerve lorsqu'il se montre franc envers moi, et pourtant incapable de s'affirmer devant Gwen. Nous n'hésitons pas à nous balancer des vérités quand c'est nécessaire, parce qu'après tout une amitié se fonde sur la base de la sincérité. Cependant, il fait uniquement preuve de ce courage avec moi, et vice-versa. Nous, du moins il ne porte pas encore assez ses paires génitales pour affronter ma sœur. Il faut dire qu'elle a tout de Maléfique.

– Quoi ? m'étranglé-je, je suis bien comme ça.

En quoi ma tenue le dérange-t-il? J'ai opté pour de vêtements simplistes comme un top blanc dont les manches sont en dentelles qui s'accompagne d'un jean skinny délavé, le tout complété par des ballerines. Rien de bien moche. La brigade anti-ballerines veuillez passer votre chemin. Cordialement !

Sur le point de sortir une autre réplique, il se fait interrompre par un coup de klaxon. Nous sursautons en même temps qu'une BMW X4 aux vitres teintées ralentit à notre hauteur.

Incroyable !

Tout comme moi Ryan est stupéfait, et mes yeux s'écarquillent comme des soucoupes en voyant le chauffeur émerger de l'habitacle avalant la distance qui nous séparait de quelques pas. Waouh ! Alors ce n'est pas un mythe. J'ai droit à un chauffeur personnel.

Redescends ma cocotte! C'est juste pour quelques minutes, le temps que tu te pointes à l'aéroport.

– Bonjour mademoiselle, me salue-t-il d'un mouvement de tête, monsieur !

En plus d'être chauve, il est courtois. Ça alors !

Quel est le rapport entre le fait qu'il ne porte pas de cheveux sur la tête et sa courtoisie ?

Aucun !

Malgré tout, je m'empourpre devant son sérieux et ses yeux inquisiteurs qui s'arriment aux miens.

– Je peux vous aider ? demande-t-il en faisant référence à ma valise.

– Euh oui, merci…?

– Jake Stewart !

Je fais des yeux de merlan frit devant son nom, et comme une sotte j'attrape le bras de Ryan et m'exclame toute guillerette:

– Oh mon Dieu Ryan tu as entendu ? Il s'appelle Jake Stewart.

Mon ami me lance un drôle de regard, mélange de confusion et d'incompréhension.

– Euh…Oui ?

– Merde mais Ryan il a le même nom que le chauffeur dans le jeu Is it love, t'as oublié ?

Il retire ma main de son avant-bras en ricanant nerveusement.

– Zoé, tu n'es pas sérieuse hein ?

Je ne réponds pas, toute chamboulée par ma découverte. Est-ce une coïncidence ? Il est chauffeur. Il s'appelle Jake Stewart, et il est…chauve ! Bon pour le dernier point, je ne suis pas trop sûre mais quand même…

Le concerné me regarde inexpressif, et je perds un peu de ma fébrilité. J'acquiesce comme s'il venait de me poser une question et adopte une attitude neutre.

– C'est gentil Jake.

Je me tourne et dépose un baiser sur la joue de mon ami. Pendant que le chauffeur transporte ma valise jusqu'à la malle arrière, Ryan me dévisage tendrement. C'est bon, il veut que je sorte les mouchoirs ou quoi ? Nous échangeons un câlin affectueux.

– Embrasse la garce pour moi, on se voit très vite.

Il opine et dépose un baiser sur mon front. Je quitte ses bras pour m'installer sur la banquette arrière de la voiture. Un couinement inattendu franchit mes lèvres alors que mes fesses entrent en contact avec la matière soyeuse du cuir.

Ryan ne peut pas me voir, alors je ne lui fais pas de signe de main. Jake me demande si je suis prête, et après mon affirmation, fait démarrer la voiture, la projetant sur les rues de Le Bronx.

Le trajet se passe dans un silence paroissial. Et très vite, je commence à m'ennuyer. J'aimerai bien parler, mais ne sachant pas quoi dire, je garde obstinément la bouche fermée. S'il y'a une chose qui m'insupporte, c'est l'ambiance sinistre. Il faut toujours que je sois avec des personnes qui me mettent à l'aise pour discuter, et le moins qu'on puisse dire c'est que Jake me fout un peu la trouille. Dans le genre Hitman agent 47. Ils ont la même dégaine.

Mes lèvres me démangent, et comme je suis incapable de garder le silence plus longtemps, je suis prête à dire la première bêtise qui me passe par la tête.

– Jake ? L'appelé-je doucement. Puis-je vous appeler Jake ?

Il me jette un rapide coup d'œil à travers le rétroviseur, avant que son regard ne se braque de nouveau sur la route.

– Je n'y vois pas d'objection, répond-il calmement.

– Et appelez-moi Zoé, mademoiselle/madame, ce n'est pas trop mon truc.

Il hoche la tête.

– Comme vous voudrez.

Je me tortille sur ma place. Ce n'est pas très marrant de parler avec lui. Est-il toujours aussi distant ? D'autres auraient souri ou ri, mais lui préfère garder cette apparence neutre propre au garde du corps. Petite pensée pour Kevin Costner. Pourtant je suis sûre qu'il ne dépasse pas la trentaine, il doit être dans la même catégorie que mon patron.

D'autres sont fétichistes des pieds ou des cheveux. Et toi de l'âge?

C'est drôle. Un jeune chauffeur, travaillant pour un jeune PDG.

– Jake ?

– Oui.

– Puis-je vous poser une question ?

– Tant qu'elle n'est pas indiscrète.

Je plisse les yeux. Inspecteur Gadget du balai !

– Indiscrète du genre ?

– Du genre si vous voulez savoir quelque chose sur mon patron. Nous n'aborderons aucun sujet ayant trait de près ou de loin avec lui.

Curiosité piquée à vif. A-t-il signé un NDA? (Accord de non-divulgation).

– Et pourquoi donc ?

– Parce que je ne parle pas de monsieur Lockwood en son absence, clame-t-il.

Et dans ma tête ça résonne: «que la force soit avec toi»...avec le générique en fond de Star Wars.

As-tu oublié de prendre tes cachets ma petite Zoé ?

Des notes d'irritation percent dans sa voix. Jake-Stewart-le-chauve n'aime pas trop dialoguer avec moi, ou dialoguer tout court. Ce personnage m'intrigue beaucoup. Surtout parce qu'il est chauve, et porte une cicatrice comme emblème sur sa joue gauche. Je veux dire, qui ne porte plus de cheveux sur sa tête de nos jours ?

Et comme si je recevais une réponse du ciel, des rayons de soleil se superposent sur son crâne lisse.

Même Dieu est d'accord avec moi.

Finalement je soupire et me tais. Je ne tirerai aucune discussion marrante avec lui. Je préfère me concentrer sur le son Bad Romance de Lady Gaga qui s'écoule du poste de radio.

Yeah ! Au moins je peux dialoguer avec les êtres qui habitent en moi. Ils me tiendront compagnie jusqu'à l'arrivée.

Non. Je ne suis pas folle.


•••

La voiture se gare dans un grand hangar. Directement mon imagination s'échauffe, et j'ai l'impression d'être sur le point de participer à un échange clandestin avec des mafieux.

– Merci, balancé-je en sortant de la voiture.

Ma valise dans une main, mon sac dans l'autre, je m'avance maladroitement et à pas rapides jusqu'au jet privé qui attend sagement au milieu de l'entrepôt.

– Bonjour mademoiselle, nous n'attendions plus que vous, déclare celle que je suppose être l'hôtesse en m'offrant un sourire white now.

Mince. Je suis en retard. J'espère que je ne vais pas passer un sale quart d'heure. Je n'ai pas envie de me prendre de belles paroles sarcastiques de la part de ce putain (Il ne vend pas son corps) qui me sert de boss.

– Désolée pour le retard, m'exclamé-je en grimpant les escaliers.

Elle m'adresse un sourire aimable que je lui retourne. Ou alors j'essaie de le faire. J'ai plutôt l'impression de dessiner une grimace. J'entre dans l'espace confiné et dès qu'elle aperçoit ma tête, Margerita me fait signe de m'asseoir auprès d'elle. Et comme je suis polie, je prends le temps de lancer un «Bonjour» à l'assemblée.

Raphaël marmonne un truc inaudible sans m'accorder la moindre attention; quant à Cassandra ses orbes me mitraillent et semblent vouloir m'expédier sur le continent Africain.

Comment se faire détester par sa simple présence ! Bravo Zoé. Ça pourrait bien être le titre de mon prochain best-seller hein.

Franchement, l'accueil est au rendez-vous. Je me sens aimée.

– Coucou, lancé-je à Margerita une fois assise en face d'elle.

Un drôle de son s'échappe de mes lèvres entrouvertes tandis que je prends correctement place. La douceur du siège merde ! Margerita me lance un regard perplexe, et mon visage s'éclaire en un sourire pour masquer ma gêne. N'y voyant que du feu devant mon expression, elle m'imite.

– Je t'ai gardé une coupe de champagne, annonce-t-elle en désignant la petite table qui sépare nos deux sièges.

– Il n'est pas un peu tôt pour boire ? m'enquiers-je uniquement pour la forme alors que des bulles pétillent déjà dans mon cerveau.

Elle lève les yeux en l'air. Ses iris brillent d'une lueur sardonique. Je la soupçonne d'être légèrement avancée sur le stade «alcool», alors qu'il n'est même pas encore dix heures.

On dirait que tu as trouvé ton sosie alcoolique.

– Il n'est jamais trop tôt pour se faire plaisir, glousse-t-elle. Allez bois ! Tu as l'air tendue, ça te fera du bien. Crois-moi.

Il ne faut pas me le dire deux fois. Néanmoins avant d'ingurgiter la boisson pétillante, je risque un coup d'œil en direction de mon patron qui par chance a toujours le nez plongé dans des documents. Alors en catimini, je me laisse aller.

L'hôtesse de l'air aussi fine qu'un crayon bien taillé nous demande d'attacher nos ceintures car nous allons bientôt décoller. Je m'attarde un instant sur son physique. Alléluia ! Une personne plus mince que moi. J'aimerai bien prendre une photo d'elle et l'envoyer à Janet pour qu'elle arrête de dire que j'ai seulement la peau collée aux os. En voilà une qui n’a même pas de peau.

– Mademoiselle ? la hèle Margerita, auriez-vous l'amabilité de nous apporter quelques canapés ?

– Avec plaisir, acquiesce-t-elle en souriant.

Une minute plus tard, une assiette fournie de petits fours repose sur notre table. Tout se passe pour le mieux. Je suis dans un jet privé, sirotant du champagne hors de prix, dégustant des petits fours. La vie est belle. Le monde se porte bien.

Finalement, je n'ai même plus envie d'arriver à Tokyo. Je me sens bien là. Le postérieur calé sur un siège en cuir d'une douceur incroyable, il ne manque plus que des mains invisibles se mettent à me masser les épaules et je serais au paradis.

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My F*cking Boss. ( Publié chez &H)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant