Partie 9-5

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Nous arrivâmes rapidement et sans incident dans le plus grand silence. Aucun de nous n'avait prononcé‚ un seul mot, craignant les reproches des uns ou des autres.

- Merci Yvan.

- Sorcière tu l'as envoûté.

Dimitri gronda.

- Yvan... Tiens prépare nous du thé‚ au lieu de grommeler.

Nous nous installâmes dans le salon devant la cheminée. Le feu crépitait à son accoutumance, indifférent aux tourments de la vie.

Nous étions assis dans le canapé, chacun dans notre coin. Yvan nous servait le thé, il me regardait du coin de l'œil, l'air méchant. Dimitri l'observait. Soudain il déballa un flot de paroles auquel je ne compris absolument rien, pour être certainement sa langue maternelle. Il n'avait jamais été aussi bavard. Il parlait avec empressement, assez tracassé. Tout d'abord, le petit homme trapu parut consterné et pantois, puis me lança des regards tourmentés. Dimitri se leva, marcha un peu, réfléchit, tira sur le nœud de sa cravate et déboutonna le premier bouton de sa chemise. Puis il me regarda soucieux, et repartit dans ses discours. Il semblait s'accabler. Je n'arrivais pas à interpréter son comportement. Il se dirigea vers la cheminée et attisa le feu distraitement. Yvan prit la parole à son tour, il avait l'air de le rassurer et le conseiller. Dimitri ne paraissait pas très convaincu, et fit une moue dubitative.

- Merci Yvan, éteins la lumière en sortant s'il te plaît.

Yvan sortit et nous laissa dans une ambiance tamisée. Dimitri se rassit dans l'angle du sofa après avoir enlevé sa veste. Il tenait ses lunettes à la main, songeur, puis les posa sur son nez et me regardait pensif.

- Votre thé va refroidir.

- Que racontiez-vous ?

- Je suis navré Caroline, mais je me devais de vous exclure de notre conversation. Maintenant vous devez tout me dire. J'ai besoin de savoir.

- Est-ce si important ?

- Très important. Je ne peux pas encore vous expliquer.

- C'est assez malpropre et malséant.

- Cela je le sais déjà. Mais rassurez-vous j'en ai vu et entendu d'autres. Bon alors Patrice ?

Je commençai mon histoire très gênée d'être obligée de dévoiler mes secrets les plus intimes. Mes origines et ma dévotion profonde comme pour justifier ma bêtise, mon premier verre d'alcool, mon premier amant, le premier joint, les amis de Patrice. Ma chute vertigineuse du haut monde vers le bas monde.

Dimitri me questionnait, mais je n'arrivais pas à faire la distinction entre la curiosité‚ à proprement dite ou, un intérêt certain à ma vie passée et présente. Ma narration ne le choquait point, comme si ce milieu de perdition lui avait été familier.

Je passai tout en revue. Bouffi et sa mort suspecte, l'arme de Patrice cachée chez moi quelques jours, l'homme d'Amsterdam, Virginie trouvée dans un état comateux suite à son overdose. À ce moment-là il me prit le bras et releva ma manche.

- Vous piquez-vous ?

- Non et pas de coke non plus je n'ai jamais voulu essayer, seulement quelques joints et pastilles.

Il se rapprocha de mon visage, écarta mes paupières avec ses doigts et m'ausculta les yeux. Il resta près de moi, le bras replié sur le haut du canapé, la tête appuyée sur son poing. Il écoutait avec la plus grande attention.

Je racontai le week-end passé avec Patrice, la narration de son coup du siècle selon son expression, du vol de drogue et d'argent aux colombiens et les autres, ma rechute vers les excès et les abus, et enfin ce fameux lundi soir et mon infâme découverte.

Des larmes commencèrent à couler doucement le long de mes joues. J'étais tellement honteuse. Il posa délicatement sa main sur mon visage et sécha mes pleurs me caressant la joue. Il faisait chaud, une chaleur étouffante. Le feu nous brûlait la peau presque en flamme. Un instant je crus bien recevoir ce baiser tant espérer et réconfortant dans de tels moments. Mais Yvan entra sans que je l'entende frapper.

- Pardon Monsieur. La situation est arrangée, bien abondante la récolte, la Jaguar aussi à sa place.

- Merci Yvan.

Une fois de plus je ne pus comprendre les propos d'Yvan.

Dimitri s'était redressé coupé dans son élan, à mon grand regret. Je m'étais ressaisie et calmée.

- Poursuivez.

- Donc le mardi je me suis mise à la recherche de Patrice afin d'obtenir des explications et c'est là que j'ai trouvé la dépouille mortelle de la Rouquine.

- La Rouquine !

Il écarquillait grand les yeux.

- Vous la connaissez ?

Il dissimulait difficilement un malaise.

- Absolument pas.

- J'en doute et je crois même que vous me mentez.

Il enleva sa cravate afin de se contenir et recoiffa sa chevelure avec les doigts. Il ressemblait à un diablotin l'air espiègle, il me regardait, amusé par l'expression de mon visage.

- Et l'homme qui nous suivait, le connaissez-vous ?

- Sûrement un policier.

- Sûrement pas. Par contre un agent de la police était en surveillance.

- Comment en êtes-vous si sûr ?

- Une intuition pour le premier. Le deuxième était évident.

- Je crois que vous me cachez beaucoup de choses.

- Vous me savez bien mystérieux.

- Très mystérieux.

- Toujours votre Apollon ?

J'avais rabattu mes jambes sur le canapé, croisé mes bras sur le dossier, couché ma tête sur mon épaule, et l'admirais impudiquement. Il rajusta ses lunettes. Je le détaillais, ses cheveux fous, ses yeux étranges, son nez fin et droit, sa bouche sensuelle et parfaitement dessinée, sa fossette au menton, son teint mat et je voyais dépasser de sa chemise entrouverte une toison noire et deviner un corps viril. Il souriait se mordillant les lèvres.

J'eus à nouveau, comme ce soir-là au théâtre, tout d'abord la sensation d'une caresse suave, douce et légère le long du corps, puis ce phénomène invisible et magique, devint d'une extrême ferveur. Dimitri ne s'était pourtant pas approché, il ne me touchait que du regard, l'ayant plongé dans le mien, cherchant à m'envelopper de l'intérieur. Je fus prise dans le tourbillon d'un désir irrésistible et charnel ; une divine envie de lui. Je murmurai avec difficulté.

- Oui toujours.

L'ENIGME DE LA CLEFOù les histoires vivent. Découvrez maintenant