EMILIEN, TOMMY, puis FELICIEN
Un corridor vert délavé. Vers la gauche, un buste sur pilier, du même type que celui du sous-sol, aux traits nets et précis. A gauche, les portes de l'ascenseur; à droite, la porte de la chambre de TOMMY puis, tout au fond, la porte des escaliers.
Les portes de l'ascenseur s'ouvrent: entrent TOMMY et EMILIEN.
EMILIEN
(porte le sac de TOMMY et le sien)
Cinquième étage, n°53, c'est ça?
TOMMY
On y est, merci. C'est comment ici?
(les portes de l'ascenseur se referment)
EMILIEN
Ma foi, c'est fort chaleureux. Les murs sont couleur... euh, couleur...tiens, il y a un buste ici, dans le coin. Plutôt bien taillé, dans l'ensemble, en tout cas le visage est plus précis que celui du sous-sol.
TOMMY
C'est le buste de qui?
EMILIEN
Aucune idée, Tommy. Peut-être l'ancien propriétaire de Romulus.
TOMMY
Je peux toucher?
EMILIEN
Bien sûr.
(il pose ses sacs, prend les mains de TOMMY et les applique sur le buste)
En même temps, ce monsieur ressemble à quelqu'un... oui, sa trombine me dit quelque chose, Tommy, j'en mettrais ma main au feu...
TOMMY
C'est juste un buste, Emilien.
EMILIEN
Juste, certes, mais je suis sûr d'en avoir croisé le sosie—ou le modèle—quelque part, sans doute une nuit, dans le métro...
TOMMY
Il y a des bustes qui se baladent dans le métro, la nuit?
EMILIEN
Pas ces temps-ci, par contre il y a des gens assez riches pour se faire tailler un buste qui viennent y dormir parmi les pauvres, de peur de s'effondrer avec leurs manoirs sous les bombes! Ceux-là vont s'endormir sous terre, dans la foule, mais les bustes, eux, demeurent et veillent dans les manoirs.
TOMMY
On m'a raconté l'histoire d'un buste qui étranglait les gens, une fois.
EMILIEN
Voyons, Tommy, des bustes étrangleurs, on n'en voit qu'en Allemagne. C'est encore ton copain Hans qui t'a raconté ces sornettes, je parie?
TOMMY
(étudiant le visage du buste)
On dirait un monsieur de l'Agence...
(soudain il bondit en arrière et tombe)
Aaah!
EMILIEN
Tommy! Qu'est-ce qui t'arrive?
TOMMY
Il... il a bougé! Il tremble, il bouge!
EMILIEN
Seulement en Allemagne, Tommy. On est en Angleterre.
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HÔTEL DERRINGER
Historical FictionAutomne/hiver 1940. Londres se recroqueville sous les bombardements de l'aviation allemande: c'est le Blitz. La ville est partiellement détruite, les foules se massent et s'enterrent dans les stations de métro : celui que les Londoniens appellent...